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La justice italienne rouvre le dossier sur la mort de Pier Paolo Pasolini

Publie le mardi 10 mai 2005 par Open-Publishing

de Salvatore Aloïse

Le parquet de Rome a décidé, lundi 9 mai, l’ouverture d’un nouveau dossier sur la mort de Pier Paolo Pasolini, le poète et cinéaste assassiné, en 1975, sur la plage d’Ostie, près de Rome. L’initiative judiciaire intervient deux jours après un entretien télévisé sur la RAI, au cours duquel Pino Pelosi, reconnu coupable du meurtre du cinéaste s’est proclamé "innocent".

Agé de 17 ans à l’époque des faits, il avait avoué avoir tué Pasolini en agissant seul. Il avait été condamné, en 1979, à neuf ans de prison. Aujourd’hui en liberté, il déclare que l’assassinat auquel il n’aurait fait qu’assister, a été commis par "trois autres personnes". Le parquet s’est limité, pour l’instant, à recueillir la cassette de l’entretien ainsi que les déclarations d’un vieil ami de Pier Paolo Pasolini, Sergio Citti.

Celui-ci s’est plaint, pendant des années, de ne pas avoir été interrogé lors de l’enquête, alors qu’il avait parlé avec son ami le soir du crime et que son témoignage pouvait être capital. M. Citti devrait enfin être entendu par la justice ainsi que Pino Pelosi.

Les avocats de la famille, qui ont toujours réclamé, en vain, la réouverture de l’enquête ont déposé, de leur côté, un volumineux dossier. Car depuis toujours, la mort de Pasolini a suscité bien des interrogations. Selon l’enquête, Pino Pelosi avait été abordé par le cinéaste, le soir, près de la gare Termini de Rome, alors un haut lieu de "rencontres". Ils s’étaient rendus sur la plage d’Ostie où le corps de Pasolini a été trouvé le matin du 2 novembre 1975. Selon les déclarations du jeune homme, lors de son interpellation, la rencontre homosexuelle aurait "mal tourné". Il se serait défendu, tuant le cinéaste devenu trop exigeant, en passant sur son corps avec la voiture.

"SALE COMMUNISTE"

Dans l’entretien à la RAI, Pino Pelosi révèle aujourd’hui que sur la plage, ils auraient été rejoints ­ et c’est l’élément nouveau ­ par trois personnes, inconnues qui avaient roué de coups le cinéaste, le traitant de "sale communiste". Pendant près de trente ans, Pino Pelosi se serait tu par peur de rétorsions "Je n’ai plus peur, dit-il à présent, ceux qui m’avaient menacé, doivent être vieux ou morts".

Présentée comme une affaire de mœurs, la mort de Pier Paolo Pasolini a toujours été, pour beaucoup, une affaire aussi "politique" à inscrire dans le climat agité de l’époque.

Par ses prises de position jamais accommodantes, Pier Paolo Pasolini dérangeait. Peu avant sa mort, il avait reçu des menaces de la part de l’extrême droite. Sergio Citti met même en relation la mort de son ami et son dernier film, Salo ou les 120 journées de Sodome, où il dénonçait avec férocité les derniers moments du fascisme. Pino Pelosi aurait pu servir d’appât pour attirer le cinéaste. Une chose est certaine, trente ans après, il suscite encore de la haine : le monument à sa mémoire, près du lieu où il a été trouvé mort, a été saccagé

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