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ET si on nous faisait le coup d’un « Patriot Act » à la française… nov 2015

Publie le samedi 28 novembre 2015 par Open-Publishing

ET si on nous faisait le coup d’un « Patriot Act » à la française… nov 2015
publié le : 27 Nov 2015 par Aubanar - Blog du groupe d’Aubenas de la Fédération Anarchiste

Quelques fais tels qu’on nous les a relatés et tels qu’on vous les livre :

A midi, 200 cyclistes et 5 tracteurs venus de Notre dame des Landes, pour monter à Paris, ont appelé la radio (Radio Libertaire) pour demander de l’aide.
Ils sont bloqués à Ancenis par les flics sur une route à trois voies et tentent de passer. La police les retient assez fermement pour des contrôles individuels. Ils sont pour la plupart classés sur le fichier S par le ministère de l’intérieur comme les terroristes de Daesch.
> C’est le retour au carnet B (Note d’Aubanar : en réalité le carnet B – au début du XXe siècle – dont le but était de repérer les suspects d’espionnage, les éléments antimilitaristes, les Français et les étrangers susceptibles de menacer l’ordre intérieur. La police écoute, surveille et établit une liste des cas douteux. En 1914, 2 500 personnes y figurent…) pour tous ceux et toutes celles qui vont braver l’État. Dimanche 22 novembre. une copine à la radio

Le 24 novembre, le préfet de Dordogne a ordonné la perquisition d’une ferme du Périgord vert. A la recherche de « personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste », les gendarmes ont fait chou blanc. Sur les 1233 perquisitions administratives menées en France, les abus commencent à s’accumuler.

La ferme d’Elodie et Julien, à mi-chemin entre Périgueux et Angoulême, figure dans une plaquette de l’office de tourisme au chapitre « vente directe de fruits et légumes ». Il faut croire qu’on la trouve aussi dans les petits papiers du préfet de Dordogne. Mardi matin à 7h20, depuis sa chambre avec vue sur l’arrière de la maison, un ami hébergé par le couple entend des claquements de portières et aperçoit la lumière de lampes torches. C’est une perquisition administrative. « Quand on est descendus, les gendarmes étaient déjà dans la cuisine », raconte Elodie, 36 ans. Elle ne sait pas si l’ami « a ouvert ou s’ils sont entrés tout seuls », de toute façon « la porte était ouverte ». Devant elle et son compagnon Julien, 34 ans, s’alignent « une dizaine » de gendarmes de Nontron, Ribérac et Verteillac.

Comme les maraîchers bio demandent des explications, les forces de l’ordre invoquent l’état d’urgence et leur montrent un ordre de perquisition signé par le préfet Christophe Bay (voir ci-dessous). Selon ce papier, faisant référence aux attentats du 13 novembre et à « la gravité de la menace terroriste sur le territoire national », « il existe des raisons sérieuses de penser » que chez eux « peuvent se trouver des personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste ». « Ils s’attendaient à quoi, des légumes piégés ? », plaisante Elodie après coup. Installés depuis trois ans et demi en Dordogne, Julien et sa compagne ont une fille de deux ans, vendent des légumes de saison à la Biocoop et le samedi au marché.

« Le G8, les manifestations pour l’environnement, ça ne vous dit rien ? »

Pendant deux heures quarante, les gendarmes fouillent chaque pièce en regardant « dans les placards, les coffres, la bibliothèque, les recoins, les boîtes », détaille Elodie. Ils semblent « très intéressés par les petits carnets, les coupures de presse. Les livres moins. » Et demandent quelle surface fait la ferme, s’il y a des appentis. L’un d’eux prend les choses particulièrement au sérieux. « Il nous dit : “le G8, les sommets européens, les manifestations pour l’environnement, ça ne vous dit rien ?” et mentionne aussi la Cop21. Visiblement, la perquisition a un rapport avec nos activités militantes. »

Cette impression se confirme lorsque les gendarmes évoquent enfin « un truc tangible », une action à laquelle Elodie et Julien ont participé il y a trois ans contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : le blocage du péage autoroutier de Mussidan. « Je ne pense pas avoir fait une seule manif depuis », résume la maraîchère. « La petite a deux ans. Je ne veux pas jouer la Sainte Nitouche, mais manifestation ou pas, qu’est-ce qui justifie ça ? » Le gendarme zélé explique aux habitants de la ferme « qu’avec l’état d’urgence, tout rassemblement est interdit, et qu’organiser une manifestation est illégal ». Elodie demande : « Si vous trouvez un papier disant que j’organise une manifestation, vous m’arrêtez ? » La réponse est oui. Mais ils ne trouvent rien de tel.

Les ordinateurs de la maison sont raccordés « à un appareil qui ressemblait à un disque dur externe, apparemment pour en copier le contenu », sans même avoir besoin de demander les mots de passe. « Il y a un ordi sous Ubuntu [un logiciel libre, ndlr] , et là ça n’a pas marché. » « Ils ont aussi branché les téléphones portables à une machine, en expliquant que le logiciel se déclenchait en fonction de mots-clés. » Un gendarme s’autorise une petite impertinence : « Je suis pas sûr que ça marche avec le péage de Mussidan. »

« Ils nous parlent d’extrême gauche et sous-entendent qu’on est islamistes ? »

Lorsqu’ils tombent sur des autocollants de la CNT, les gendarmes demandent de quoi il s’agit. « C’est mon syndicat », répond Elodie, affiliée à la fédération des travailleurs de la terre et de l’environnement. Pas de questions supplémentaires sur ce point. L’ami hébergé est fouillé sans insistance. Le matériel agricole ne semble pas non plus susciter leur curiosité. La conversation prend un tour plus inquiétant quand les gendarmes voient écrit « Bruxelles » dans un carnet et sur la carte d’identité de Julien, qui a travaillé en Belgique où il a encore des amis. Ils veulent savoir si le couple y va souvent. Ce signe de fébrilité agace Elodie : « On parle de quoi là ? Ils nous parlent d’extrême gauche et d’un coup sous-entendent qu’on est islamistes ? On ne sait pas ce qu’ils cherchent. » Pour seule réponse, les habitants récoltent un « voyez ça avec le préfet, nous on exécute les ordres ».

A 10 heures, après avoir fait signer un compte-rendu de perquisition reconnaissant qu’ils n’ont rien trouvé, les gendarmes repartent comme ils sont venus. Les maraîchers pensent quand même « qu’il faut que ça se sache ». Comme beaucoup de militants, ils craignent les conséquences de l’état d’urgence. « C’est vrai que notre préfet a la réputation d’être un peu rigide. Mais là on s’aperçoit que dès que la loi le permet, des individus se sentent libres de faire ce qu’ils veulent sur leur territoire. Visiblement la brèche est ouverte. »

1233 perquisitions, 165 interpellations, 142 gardes à vue, 230 armes saisies

La préfecture, que nous avons contactée, refuse de commenter ce cas particulier. « Nous préparons un communiqué de presse pour la fin de la semaine sur le nombre de perquisitions administratives, mais rien d’autre », nous répond-on. Lundi, un premier bilan départemental avait été rendu public : En Dordogne, 62 perquisitions administratives depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, dans la nuit du 13 au 14 novembre. Une arme de collection détenue illégalement, a été remise aux gendarmes et détruite. Impressionnant bilan pour la Dordogne.

Sur l’ensemble du territoire, on dénombrait mardi 1233 perquisitions administratives, conduisant à 165 interpellations, dont 142 gardes à vue, et la saisie de 230 armes. Un certain nombre d’abus et de bizarreries sont déjà signalés : citons par exemple une fillette de 6 ans blessée à Nice, un TGV évacué pour un film d’action, un trompettiste retenu sans motif Gare du Nord, un restaurant investi par la police en plein service…

Le ministre de l’Intérieur croit-il désormais ce qu’il lit dans la presse ? Ce mercredi, Bernard Cazeneuve a annoncé qu’il allait envoyer une circulaire à tous les préfets « pour que ces perquisitions se fassent, même si on est dans un état d’urgence, dans le respect du droit ». C’est sûr que si personne ne prévient les préfets que les droits doivent être respectés…

Camille Polloni, Bastamag, 26 novembre 2015

Le ministre de l’Intérieur perd ses nerfs, confond et assimile le mouvement associatif au terrorisme

Après avoir interdit les manifestations citoyennes autour de la COP21, voici que le ministre de l’Intérieur assigne à résidence M. Joël Domenjoud, en charge de la « legal team » de la coalition au motif qu’il ferait partie de l’ultra-gauche parisienne qui veut remettre en cause la tenue de la COP. M. Domenjoud est tenu de pointer trois fois par jour au commissariat.

Si l’on avait besoin d’une confirmation que l’état d’urgence est un danger pour les libertés publiques, cette mesure en attesterait tant elle révèle que la lutte contre le terrorisme n’est ici qu’un prétexte pour interdire toute voix dissonante.

Comme nous l’avions craint, l’état d’urgence s’accompagne de mesures de plus en plus arbitraires.

D’ores et déjà nous demandons la levée immédiate de l’assignation à résidence de M. Joël Domenjoud.

Ligue des droits de l’homme, Paris, le 26 novembre 2015

Jeudi 26 et vendredi 27 novembre, des perquisitions administratives ont visé des militants rennais. Six personnes sont depuis assignés à résidence jusqu’au 12 décembre et d’autres interdit d’Ile-de-France.
Voici le communiqué des assignés à résidence :
Ce jeudi 26 novembre au matin a eu lieu une importante opération de police visant des militants écologistes et d’extrême gauche. Des perquisitions musclées ont eu lieu quasi-simultanément dans plusieurs habitations de Rennes (à notre connaissance, au moins six). À chaque fois une personne se voyait signifier une assignation à résidence.
Les fonctionnaires de police, en grand nombre et armés de fusils à pompes, sont venus chez nous, où vivent aussi des enfants, nous ont tous menottés et plaqués au sol.
Pour justifier ces interventions, les forces de l’ordre nous ont dit agir dans le cadre des opérations de police en marge des manifestations prévues lors de la COP21. Ils nous ont délivré des assignations à résidence. Interdiction de quitter Rennes, obligation de pointer trois fois par jour au commissariat et de rester chez nous de 20h à 6h , et ce jusqu’au 12 décembre.
La décision de ces perquisitions a été directement ordonnée par le préfet. Les policiers, qui expliquaient qu’ils avaient désormais des « pouvoirs élargis », assumaient ostensiblement leur toute-puissance en évoquant avec un humour cynique la recherche bien sûr infructueuse
« d’armes de guerre et d’explosifs ».
Les papiers qui nous ont été délivrés expliquent que « la forte mobilisation des forces de sécurité pour lutter contre la menace terroriste ne saurait être détournée pour répondre aux risques de troubles à l’ordre public liés à de telles manifestations revendicatives ». Ce qui légitime pour eux ces assignations préventives.
Les informations utilisées pour justifier les assignations émanent vraisemblablement des services de renseignement et évoquent pêle-mêle des faits faux, imaginaires ou approximatifs. Trois raisons principales sont invoquées :
La participation à la manifestation anti-aéroport du 22 février 2014, à Nantes à laquelle avaient participé 40 000 personnes et pour laquelle aucune des personnes assignées n’ont été arrêtées ou condamnées.
leur présence au week-end de mobilisation contre les violences policières organisé à Pont-de-Buis un an après la mort de Rémi Fraisse par une grenade de la gendarmerie. Une mobilisation publique et soutenue par l’Assemblée des blessés qui soutien les victimes de la répression policière.
L’arrestation préventive dans un squat à Milan avant une grande manifestation contre l’exposition universelle à laquelle ont participé les opposants à la ligne TGV Lyon-Turin, des cortèges syndicaux et militants pour le logement. Certaines personnes sont accusées d’avoir
été en « possession d’engins incendiaires », ce qui est faux et qui a été contesté devant la justice italienne.

À aucun moment la préfecture ne se donne la peine de prouver ces informations. Certains d’entre-nous ont été présents lors de ces manifestations, d’autres non et aucun n’a jamais été inculpé pour des faits de violence ou de troubles à l’ordre public.

Il n’aura pas fallu deux semaines pour que se révèle ce que permet l’état d’urgence.

Alors que le gouvernement clame que la vie doit continuer normalement (appel à sortir aux terrasses, à participer aux concerts…) et que de grands événements sont maintenus, la contestation politique, elle, se retrouve acculée au silence avec des interdictions de manifester, à Rennes et Paris notamment. Une opération d’intimidation et de neutralisation (perquisitions arbitraires et assignation à résidence) dont on commence seulement à soupçonner l’ampleur…

Après la communauté musulmane dans son ensemble – avec l’intervention hallucinante de la police au restaurant Pepper Grill en région parisienne, par exemple –, voilà les militants des luttes écologiques, en soutien aux immigrés, pour le droit au logement, devenus victimes de la « guerre contre le terrorisme » chère à François Hollande.

Si ce type d’intervention et d’assignation ont eu lieu en France, qu’il s’agisse de militants d’extrême-gauche ou d’autres victimes de l’État d’urgence, n’hésitez pas à nous contacter.

Vous pouvez communiquer avec nous en nous écrivant à l’adresse
suivante :

a.residence oGZ riseup.net