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Hollande annonce Valls III. Vers une fin de mandat en forme de calvaire ?

par Revolutionpermanente

Publie le vendredi 12 février 2016 par Revolutionpermanente - Open-Publishing

Damien Bernard

A un an de la présidentielle de 2017, François Hollande a annoncé son cinquième gouvernement du quinquennat. Le chef de l’Etat a élargi ce jeudi l’assise du gouvernement de Manuel Valls en y incluant l’ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault, trois écologistes et le président du Parti radical de gauche. Un remaniement, qui à défaut d’avoir décroché une « tête d’affiche », ressemble, faute de mieux, plus à un retour à la case départ, qu’à un « gouvernement de combat » pour 2017.

Outre le retour de Jean-Marc Ayrault au gouvernement, qui succède à Laurent Fabius au ministère des Affaires étrangères, c’est la nomination de la secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, au ministère du Logement qui a fait le plus de bruit. Tandis que le premier est un inconditionnel de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l’autre disait y être résolument opposée. Cette nouvelle synthèse hollandaise pousse jusqu’au bout les marchandages, rabibochages, et calculs politiques.

Hollande fait du surplace. Valls conforté, Macron rétrogradé

Alors qu’en général, il est plutôt prisé d’obtenir un poste gouvernemental, signe d’un accomplissement politique pour ces élites, les refus se sont pourtant enchainés pour le gouvernement. Aussi bien Martine Aubry, que Nicolas Hulot, ce dernier, en qualité de potentiel futur candidat, ont refusé les propositions de poste ministérielles. Autant dire qu’en période pré-électorale, il ne fait pas bon s’afficher auprès d’un Hollande, non seulement en chute libre dans les sondages, mais aussi très affaibli par le marathon, entamé après les attentats du 13 novembre, autour de la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité.

Malgré les expressions qu’a martelée François Hollande sur TF1 et France 2, soucieux de « bouger » et de « réformer, jusqu’au bout », ce remaniement est marqué par le sceau de la constance. La ligne politique lepénisé est confortée, comme en témoigne la reconduite du premier ministre Manuel Valls à son poste. A défaut d’obtenir une « figure politique » comme Nicolas Hulot, pressenti pour occuper un super-ministère de l’Écologie, c’est le retour aux bonnes vieilles recettes, celles qui sont éprouvées. En eau trouble, Hollande rappelle au Quai d’Orsay Jean-Marc Ayrault, son ancien Premier ministre. Désormais numéro deux du gouvernement, il sera placé sous l’autorité directe de Manuel Valls.

Mais l’actuel premier ministre n’était pas enchanté du retour d’Ayrault, son prédécesseur, avec lequel ses relations sont plutôt tendues. Mais, à défaut d’autre choix, Hollande a imposé sa décision, laissant un lot de consolation à Valls : le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a été rétrogradé, lui qui a n’a pas vu son portefeuille élargi, comme espéré et qui perd deux places dans l’ordre protocolaire du gouvernement. « Hollande : 1 - Valls : 1 », résume un proche du président. De la sorte, Hollande remet à sa place Macron, dont les déclarations tonitruantes dépassent certaines fois, le cadre des ballons d’essai pilotées, comme l’ont illustrés ses critiques sur la révision constitutionnelle.

Marchandage en règle : Emmanuelle Cosse débauché contre un référendum sur NDDL

A défaut d’avoir réussi à convaincre EELV, qui avait affirmé la veille, que « les conditions n’étaient pas réunies » pour un retour des écologistes au gouvernement, il réussit au forceps à débaucher sa patronne, Emmanuelle Cosse, qui occupera désormais l’ancien ministère de Cécile Duflot. En novembre, la nouvelle ministre, jugeait pourtant « scandaleux et extrêmement inquiétant » le projet de déchéance de nationalité. Résultat en février, elle entre au gouvernement. Avec des postes de Secrétaires d’Etat, d’anciens verts, Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili qui ont rompu avec EELV, l’accompagneront.

L’arrivée de la patronne d’EELV, Emmanuelle Cosse, ne s’est pas faite sans fracas. Alors que ses chances de voir son mandat prolongé au-delà du prochain congrès d’EELV, en juin, étaient très faibles, cette dernière a quitté la tête d’EELV pour entrer au gouvernement. En échange de son ralliement, l’ex-secrétaire nationale a obtenu une consultation de la population sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Lucide, la direction du parti « écologiste » considère que ce référendum constitue un leurre. « Ce dispositif est en réalité un faux nez pour essayer d’organiser un référendum dans un périmètre qui aurait un grand risque de valider ce projet », a expliqué David Cormand.

Un coup dur porté à Cecile Duflot et EELV, déjà en crise

Avec le retour des écologistes au gouvernement, et au premier titre de l’ancienne secrétaire nationale d’EELV, Hollande marchande pour rassembler à gauche. Lui, qui ambitionnait de faire rentrer dans le rang de la majorité le parti « écologiste », a reçu le refus persistant d’EELV. Désormais, il tente désormais de donner le coup de grâce à un adversaire pourtant déjà à terre et traverse sa plus grave crise depuis sa création en 2010, notamment après les départs de plusieurs figures du parti et l’échec aux élections régionales de décembre dernier.

Pour accéder au second tour, rassembler à gauche, malgré une lepénisation accélérée, s’avère être une condition sinequanone à toute candidature aux présidentielles du président sortant. Cela s’avère d’autant plus nécessaire que Mélenchon a déclaré sa candidature aux présidentielles la veille. A défaut de convaincre EELV, il s’agit d’affaiblir un adversaire, déjà en crise, et notamment la probable candidature de Cécile Duflot à la présidentielle.

« François Hollande cherche à tuer tout ce qui peut représenter une alternative écologiste ou de gauche. Il est dans une démarche d’anéantir tout ce qui est entre lui et Mélenchon », a estimé le nouveau patron d’EELV, qui succède à Emmanuelle Cosse. En accrochant à son tableau de chasse ces « personnalités écologiques », François Hollande espère réduire le risque d’avoir un candidat écologiste en face de lui en 2017, quitte à marchander à marche forcée le rassemblement de la gauche à quatorze mois de la présidentielle.

Une fin de mandat en forme de calvaire ?

Pourtant préparé de longue date, ce dernier remaniement gouvernemental avant les présidentielles s’apparente plus à un calcul électoral raté pour Hollande qu’à un « gouvernement de combat ». Tout juste après son succès à la Pyrrhus quant à l’adoption du projet de révision constitutionnel à l’Assemblée sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité, ce cinquième gouvernement du quinquennat s’apparente plus à un rafistolage qu’à une équipe capable d’entamer le sprint final de la présidentielle.

Déjà à bout de souffle avant le 13 novembre, le gouvernement pensait avoir repris de l’élan en empruntant le programme de la droite et de l’extrême droite, après les attentats meurtriers. Alors que l’état d’urgence est plutôt plébiscité au sein des élites, même s’il n’est pas sans contradictions auprès du « peuple de gauche » et au sein de la gauche institutionnelle et associative, le marathon de la déchéance de nationalité, avec l’ambition de porter l’union nationale jusqu’au bout, aura peut-être été de trop, accélérant une rechute prévisible du gouvernement. Mais à force d’erreurs tactiques et de calculs électoraux erronés, le mandat de Hollande finira-t-il par être un calvaire ?