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Toutes les religions se valent dans l’égarement » : Hommage à Al Maari (973-1057)

par Non Fides

Publie le vendredi 12 février 2016 par Non Fides - Open-Publishing
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En février 2013 mourrait une deuxième fois, quelques 956 ans plus tard et dans sa ville natale et mortelle de Maarat al-Nou’man, le grand poète syrien "islamophobe", "judéophobe", "christianophobe" et "autoritarophobe", Abu-l-Ala al-Maari, décapité par les cannibales sociaux de Jabhat al-Nosra (Al-Qaeda -le Grand Frère du terrorisme djihadiste- en Syrie). Mais ce n’est rien comparé à tous les corps faits de chairs et de sang passés sous la lame, les bombes, les balles, le viol, la torture et la faim. De Paris à Alep, de Daesh à Al-Qaeda, de Riyad à Téhéran. En l’an mil comme en 2016, on ne s’agenouillera pas, ni nous ne nous prosternerons devant les prescriptions nommées Dieu.
Solidarité avec les incroyants du monde entier - la religion des pauvres, c’est le sabotage.
Voici donc quelques vers d’un subversif d’autrefoi, Abu-l-Ala al-Maari (973-1057).

Religion

« Les hommes sont poèmes récités par leur destin
Parmi eux le vers libre et le vers enchaîné, »

Réveillez-vous, réveillez-vous, ô égarés !
Vos religions sont subterfuges des Anciens.
Ils disent que le Temps mourra bientôt,
Que les jours sont à bout de souffle.
Ils ont menti – ils ignorent son échéance.
N’écoutez pas ces champions de fourberie.

Les gens voudraient qu’un imam se lève
Et prenne la parole devant une foule muette.
Illusion trompeuse – il n’est d’imam que la raison,
Notre guide de jour comme de nuit.

Peut-être dans les temples se trouvent-ils des gens
qui procurent la terreur à l’aide de versets,
Comme d’autres dans les tavernes
Procurent le plaisir.

Les lois divines ont semé parmi nous la rancune
Et nous ont apporté toutes sortes de malheurs,

Les corps vont à la poussière.
Aucun savant ne sait où va l’âme.

Malgré moi, je suis sorti en ce bas monde,
Et mon voyage est pour un monde ailleurs.
Cela malgré moi aussi, et Dieu m’en est témoin !
Suis-je prédestiné, entre ces deux mondes,
A accomplir une tâche,
Ou suis-je libre de mes choix ?

Raison - demeures laissées à l’abandon
Ignorance - solides demeures habitées.

La religion - commerce de morts.
Pour cette raison, c’est un objet invendable
parmi les vivants.

L’ égaré appelle impie celui qui ne partage pas sa foi.
Malheur à lui ! Quel homme n’a pas connu l’impiété ?

Le Livre est devenu trompettes des égarés,
Et les versets, mélodies.
Ils en ont joué, puis, dans leur infamie,
Les ont agitées comme des épées
Sur l’homme paisible qui veille
Au clair de lune.

Je ne blâme pas l’athée ?
Mais plutôt celui qui, craignant l’enfer,
Persiste dans sa furie.

La raison ne peut que s’étonner des lois,
Qu’elles soient païennes, musulmanes,
juives ou chrétiennes.

Vos temples et vos bordels se valent.
Loin de moi, Ô genre humain !
Puissé-je rester sous terre et ne pas me lever
Quand Dieu vous appellera à la résurrection !

Quant à la certitude, elle n’existe pas.
L’apogée de mes efforts se trouve
Dans l’intuition et les pressentiments.

J’ai poussé loin mes recherches
Et mes investigations.
J’affirme, malgré cela,
Que je suis perdu et ignorant.

Le mensonge a détruit
Les habitants de la terre.
Leurs descendants se sont groupés en sectes
Qui ne peuvent fraterniser.
Si l’inimitié n’avait été dans leur nature,
Dès l’origine,
Mosquée, église et synagogue
N’auraient fait qu’une.

La vérité est soleil recouvert de ténèbres -
Elle n’a pas d’aube dans les yeux des humains.

La raison, pour le genre humain
Est un spectre qui passe son chemin.

Foi, incroyance, rumeurs colportées,
Coran, Torah, Évangile
Prescrivant leurs lois …
A toute génération ses mensonges
Que l’on s’empresse de croire et consigner.
Une génération se distinguera-t-elle, un jour,
En suivant la vérité ?

Deux sortes de gens sur la terre :
Ceux qui ont la raison sans religion,
Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.

Tous les hommes se hâtent vers la décomposition,
Toutes les religions se valent dans l’égarement.

Si on me demande quelle est ma doctrine,
Elles est claire :
Ne suis-je pas, comme les autres,
Un imbécile ?

— 

Autres pensées

Les hommes sont paroles du temps,
Il est inévitable qu’elles subissent
modification et changement

Les destins m’ont dépassé sur la route et s’en sont allés.
Me voici éternel, à en lasser l’éternité.

Dans l’exil et l’éloignement,
L’homme est à l’image d’une étincelle
Se séparant de son feu.
Si elle tombe sur une terre lisse,
Elle te montrera son extinction.
Si elle rencontre des brindilles,
Tu verras son embrasement.

O homme, tu es pareil à la fourmi
Levée de bon matin pour chercher
Un grain de blé à traîner.

Le temps est un oiseau qui prend l’espace -
Attrape-le ! Toute la sagesse tiendra dans ta main.

c’est au milieu de la foule
Que je m’ensauvage -
Ma solitude n’est autre
Que livre de mon humanité.

Ces nuits nous emportent
Comme vaisseaux au large
Naviguant sans amarres.

Comme si la tristesse n’était que cendres
Répandues sur ton front,
Mais c’est ton cœur qui brûle.

La pensée est une corde.
Si on en saisit un bout,
Ce même bout sera relié
Aux pléiades.

La pensée voit que la lumière
Est créée dans l’éternité
Et que l’essence du temps n’est autre
Que son obscurité.

Des gens prétendent diriger leurs semblables,
Cette direction, pour moi, est tyrannie.

— 

Pareils vos mosquées et bordels
Gens infréquentables !
Ni bonne plante, ni palmier
Ni gommier vous êtes
Mais épine que nul ne cueille
Nuisible, délétère.

Ho ! imbéciles, réveillez-vous ! Les sites que tu crois sacrés
ne sont qu’impostures inventées par les anciens
Avides de pouvoir, qui vécurent dans la luxure
Et moururent dans la bassesse et leur loi n’est que poussière.

Les gens viennent des contrées les plus lointaines
pour jeter des cailloux (à Satan) et pour baiser la Pière Noire.
Combien étranges sont les choses qu’ils disent !
Est-ce que l’humanité tout entière devient aveugle à la vérité ?

Parmi les ruines croulantes de la religion
L’éclaireur sur son chameau joua de la flûte
Et appela les siens : « Restons ici !
La pâture regorge de mauvaises herbes. »

Les musulmans trébuchent, les chrétiens sont égarés
Les juifs sont dévoyés, les mages sont dans l’erreur.
Nous les mortels nous répartissons en deux catégories
Les crapules initiées et les dévots stupides.

Le mensonge à tant corrompu le monde
Que jamais nulle dispute n’aura divisé de vrais amis
Comme les sectes l’ont fait
Mais la haine étant dans la nature humaine
Les églises et les mosquées se sont élevées côte à côte.

Abu-l-Ala al-Maari (973-1057).
JPEG - 21.9 koMaarat al-Nou’man, dans la province d’Idlib en Syrie, début février 2013.

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