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Soixante jours de congés à la SNCF ? La télé déraille

par Richard Poirot

Publie le jeudi 10 mars 2016 par Richard Poirot - Open-Publishing
6 commentaires

Capture d’écran du JT de 13 heures de TF1, mardi 8 mars.

Les cheminots crient au complot, après plusieurs reportages télévisés leur accordant des congés et des RTT qu’ils ne retrouvent pas dans leurs contrats de travail.

INTOX. Des privilégiés, les agents de la SNCF ? On pourrait le croire, après avoir regardé le JT de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut du mardi 8 mars. « Ils travaillent 35 heures par semaine, ils ont 60 jours de congé ou de RTT par an », dit le journaliste dans un reportage sur le statut des agents, à la veille d’un appel à la grève pour la revalorisation des salaires et une amélioration des conditions de travail. Soixante jours de congé et RTT ? Ils sont plusieurs, parmi les cheminots, à avoir avalé de travers ce jour-là. Sur Twitter, les réactions ont été immédiates. Une pétition a même été lancée sur Change.org mardi soir, demandant à Jean-Pierre Pernaut de faire des excuses publiques. « Non Monsieur Pernaut, les cheminots n’ont pas 60 jours de congé, ils en ont d’ailleurs moins que vous, que l’on ne voit guère en période de congés scolaires », est-il notamment écrit. A l’heure où nous écrivons ces lignes, la barre des 10 000 signatures était sur le point d’être franchie.

Des excuses, Pernaut n’en a pas fait, au contraire. Mercredi, dans son JT, il est revenu sur le sujet : « Quelques-uns d’entre vous ont été surpris par des chiffres d’un reportage du 13 heures sur le statut des cheminots et leur nombre de jours de congé et de RTT. Ces chiffres avaient été vérifiés et nous ne pouvons que les confirmer. »

Ce n’est pas la première fois que ce chiffre de 60 jours apparaît. Dans un reportage de France 2 diffusé le 21 décembre, il est dit qu’un « conducteur de train à la SNCF dispose de 38 jours de congés payés et de 22 RTT ». Soit, effectivement, 60 jours au total. Ce qui est nouveau, c’est cet autre comptage avancé par BFM, mardi soir. Le présentateur interroge Gilbert Garrel, secrétaire général de la CGT cheminots : « Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il faut adapter cette entreprise publique à la réalité du monde moderne, notamment les conditions de travail. Vous avez par exemple près de 164 jours de congé… » Sourire du syndicaliste : « 164 jours de congé, c’est de l’affabulation, n’écoutez pas ce qui se raconte n’importe où n’importe comment. »

DÉSINTOX. Mettons de côté pour l’instant les 164 jours de BFM, et penchons-nous sur ces 60 jours. L’intervention, mercredi, du présentateur star de TF1 avait été accompagnée d’une précision sur la page Facebook de TF1. « Toutes les informations diffusées sont exactes, dit le communiqué. Elles avaient, bien sûr, été vérifiées par le journaliste chargé de ce reportage, et, elles sont confirmées par la SNCF. » Le total de 60 jours « correspond à la réalité », écrit Françoise-Marie Morel, médiatrice de l’information. Petit mea culpa, cependant : « Ce chiffre n’a cependant pas été détaillé comme il aurait, peut-être, dû l’être. » Et effectivement, la ventilation apporte quelques éléments de réponse : « 60 jours, c’est-à-dire, en moyenne, 28 jours de congés, 10 de jours fériés et 22 de RTT. » La médiatrice conclut : « Votre "colère" méritait d’être entendue mais elle ne se justifiait pas. »

Sauf qu’elle se justifie bien. Car, dans cette précision, il y a une erreur et un comptage de mauvaise foi. Les 60 jours comprennent, comme le reconnaît TF1, 10 jours fériés. Ces repos correspondent aux fêtes religieuses (Noël, Pâques, l’Assomption) ou nationales (11 novembre, nouvel an…). Bref, des jours non travaillés dont bénéficient normalement tous les salariés de France. « En ajoutant ces jours fériés, on arrive abusivement à 60 jours », reconnaît le porte-parole de la SNCF. Il semble étrange en effet de les avoir inclus parmi « les congés et RTT », à moins de ne plus parler de cinq semaines de congés payés réglementaires, mais de sept semaines en comptant ces fameux jours fériés. Ce qu’aucune entreprise ni aucune autorité administrative n’osent faire. La SNCF précise par ailleurs que pour chaque jour férié travaillé, un agent récupère un jour : « C’est du un pour un, il n’y a pas de bonus », précise le porte-parole.

L’erreur concerne les 22 jours de RTT. En réalité, tous les agents de la SNCF bénéficient de 10 jours de RTT, négociés dans le cadre de la réduction du temps de travail. En plus, certains d’entre eux, et notamment les conducteurs, disposent de 12 jours supplémentaires, des jours de récupération appelés « repos compensatoire ». Ces jours supplémentaires ont été accordés en raison des contraintes de travail spécifiques à certains métiers de la SNCF. L’entreprise doit assurer une continuité de service, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. D’où des tranches horaires décalées, avec des « extrêmes matinées » qui débutent vers 3-4 heures du matin, ou des « extrêmes soirées » qui se terminent vers 2-3 heures du matin. Sans parler des horaires de nuit ou des services durant les week-ends et, justement, les jours fériés. Ces 12 jours ne sont accordés qu’au personnel roulant et aux sédentaires affectés aux postes opérationnels. « Les directions et les services administratifs n’ont que les 10 jours de RTT », précise Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT Cheminots. Et donc ne concernent pas la totalité des 240 000 « collaborateurs » du groupe SNCF.

Donc, pour résumer, les agents de la compagnie ferroviaire disposent de 26 jours de congés payés, plus 2 jours de « CP de fractionnement ». Ces jours de congé supplémentaires sont inscrits dans le code du travail, rappelle le syndicaliste. Ils sont accordés aux salariés qui, du fait du règlement de leur entreprise, ne peuvent déposer la totalité de leurs congés payés en une seule fois. Ce qui est le cas à la SNCF. A ces 28 jours de congés payés, s’ajoutent les 10 jours de RTT, ce qui correspond à 38 jours au total. Et, pour les agents qui doivent assurer la continuité de service, l’addition des congés payés, RTT et jours de récupérations s’élève à 50 jours.
164 jours un peu trompeurs et un peu mystérieux

Il a été plus difficile, en revanche, de trouver une trace des 164 jours avancés par BFM TV. Il existe bien un document qui pourrait expliquer la provenance de ce chiffre exotique. Il s’agit de l’Etude UTP sur l’organisation du travail datée du 3 juillet 2014. Dans ce rapport de l’Union des transports publics et ferroviaires, l’ensemble des congés sont précisés. Ce document s’appuie sur le RH 077, la bible de la SNCF qui y régit l’organisation du travail. Dans le rapport de l’organisation patronale, il y est bien fait mention du nombre de congés payés annuels (28), du nombre de jours fériés dans l’année (10), du « nombre de jours de repos complémentaires accordés au titre de l’aménagement du temps de travail » (22, soit en fait 10+12). Et puis, deux pages plus loin, il est fait mention des « règles relatives au nombre de repos périodiques ». Soit 116 jours de repos dans l’année pour le personnel roulant. Ce qui fait beaucoup de jours en effet. Mais ce « repos périodiques » correspond pour la quasi-totalité… aux week-ends. Il y a en effet 104 jours de week-ends par an, auxquels ont été ajoutés les 12 jours de repos compensatoires. Possible alors que le journaliste de BFM ait trouvé un chiffre qui additionnait la totalité des jours de congé dans l’année, week-end compris, soit 116 plus 28 plus 10. Mais même dans cette configuration, on arrive à 154. Manque dix jours. On ne les a pas trouvés.

http://www.liberation.fr/desintox/2016/03/09/soixante-jours-de-conges-a-la-sncf-la-tele-deraille_1438582

Messages

  • Faut-il encore perdre son temps à regarder JP Pernault !

    La seule chose qui nous ramènera à ce triste pantin sera, le jour de sa mort, l’occasion de déboucher un vague crémant !

    • Dans le même genre de triste pantin dérailleur, Pujadas ouvre le JT hier soir avec ce com des manifs du 9 mars :
      "Pas de ras-de-marée, mais ...bla bla "
      J’enrage, mais malgré tout les images de cortèges serrés me font chaud au coeur, ne vous en déplaise, journaleux larbins du patronat
      Cela me rappelle votre ton condescendant mais néanmoins bien vicelard pour parler des manifs "bon enfant" des profs ...

  • Chacun devrait lire le livre de paul nizan "les chiens de garde" paru en 1932.
    et celui de serge Halimi" les nouveaux chiens de garde "paru en 1997 puis le film du même nom sorti en 2012 réalisé par gilles balbastre
    Ainsi vous comprendrez que ceci n est pas nouveau et que nous devons nous battre pour une information honnête et pluraliste .Mais de plus en plus les grands médias sont détenus et concentrés par des milliardaires qui n ont aucune connaissance du journalisme mais s en servent pour leurs intérêts de capitalistes
    Les gueux que nous sommes ne doivent pas réfléchir , comprendre , analyser .Nous devons ingurgiter leur catéchisme libéral et avaler du divertissement débile

  • Je crois qu’une pétition est en cours sur site CHANGE ORG. pour exiger un droit de réponse ! Ce serait logique puisque nous n’avons pas, nous, de droit à nous exprimer sur les médias de grandes écoutes, tous les jours pour donner notre avis ! Mais cela fait partie de la propagande de la PENSEE UNIQUE du pouvoir bien pensant ! SCANDALEUX une fois de plus ! Pouvoir bourgeois à démocratie limitée aux nantis !

  • Face à la colère des cheminots, Pernaut rétropédale

    Le JT de 13 heures de TF1 avait affirmé mardi que les cheminots jouissaient de 60 jours de congés par an. Colère des agents de la SNCF… et rectification tardive du présentateur vedette du journal.

    Face à la colère des cheminots, Pernaut rétropédale

    20 000 cheminots en colère auront finalement eu raison des décomptes foireux du JT de Jean-Pierre Pernaut. Mardi, le JT de 13 heures de TF1 diffusait un sujet dans lequel on apprenait, à la veille de la grève à la SNCF, que les cheminots jouissaient de 60 jours de congé. Illico, nombre d’agents de l’entreprise ferroviaire réagissent, d’autant que la veille, BFM TV avait déjà ouvert les hostilités en estimant à 164 (!) le nombre des congés annuels à la SNCF. Si certains réagissent avec humour sur les réseaux sociaux, d’autres l’ont franchement mauvaise.

    Une pétition est lancée, demandant à Jean-Pierre Pernaut de faire des excuses aux cheminots. Car de fait, le décompte est des plus aventureux. Comme Désintox l’a rectifié, le nombre de jours de congé est en fait de 28, à quoi s’ajoutent 10 jours de RTT. Certaines catégories d’agents ont également 12 jours de récupération appelés « repos compensatoire ». Ces jours supplémentaires ont été accordés en raison des contraintes de travail spécifiques à certains métiers de la SNCF. L’entreprise doit assurer une continuité de service, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. D’où des tranches horaires décalées, avec par exemple des « extrêmes matinées » qui débutent vers 3-4 heures du matin, ou des « extrêmes soirées » qui se terminent vers 2-3 heures du matin. Au maximum, on arrive à 50 jours… Pour atteindre les 60, TF1 a simplement additionné… les jours fériés, dont on ne peut pas vraiment dire qu’ils soient le privilège exclusif des cheminots.

    Mais la grogne, dans un premier temps, n’ébranle pas Pernaut. Mercredi, il revient sur le sujet, et affirme, droit dans ses bottes : « Quelques-uns d’entre vous ont été surpris par des chiffres d’un reportage du 13 heures sur le statut des cheminots et leur nombre de jours de congé et de RTT. Ces chiffres avaient été vérifiés et nous ne pouvons que les confirmer. » Résultat, une colère qui s’amplifie, fait boule de neige, et fait gonfler le nombre de signataires de la pétition à 20 000. Le tout obligeant finalement Pernaut à aborder à nouveau le sujet ce jeudi, et à manger enfin son chapeau dans un rectificatif : « Les congés payés des cheminots, et c’est le chiffre à retenir, c’est 28 jours, plus le reste, jours fériés et RTT, comme toutes les autres entreprises. »
    Cédric Mathiot

    • Et si cela avait été vrai. Serait-ce un scandale pour autant ? On nous monte les uns contre les autres en faisant appel à la part sombre de l’humain (l’envie).
      C’est comme de dire que le projet de loi elsaloperie permettrait l’embauche de ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme, issus des classes populaires et relégués alors que ceux qui ont manifesté auront eux du "taf" puisque futurs diplômés.
      Bref que de la division dans la bouche d’une élite qui elle est véritablement à l’abri de la misère
      Car, que cela soit les jeunes relégués ou les futurs diplômés cette loi renforce tout simplement l’exploitation en la légitimant par une propagande libérale et assassine. Que l’on bosse pour le smic ou pour le double on est exploité gravement de toute façon.
      Et actuellement qui peut dire que la condition des salariées actuelles est épanouissante et enrichissante ?
      Ni travail, ni patron,