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Scène de la vie quotidienne

par md

Publie le mercredi 4 mai 2016 par md - Open-Publishing
19 commentaires

Elle a 70 ans à vue de nez et un paquet de Whiskas maladroitement caché à la vue de tous. Les articles défilent entre les doigts de la caissière. Des yaourts, des œufs, de la soupe Liebig « velouté de légumes du soleil » …

De quoi manger pour la semaine, peut-être un peu plus.

Le tapis se vide peu à peu. La caissière, une fois sa tâche accomplie, relève les yeux. Ils s’arrêtent sur le caddie, presque instinctivement. Ils s’écarquillent. La bouche s’entrouvre. Le temps ralenti étrangement. « Levez le cabas » dit-elle d’un ton doux mais ferme. La cliente, apprentie voyou d’un jour, lève péniblement le cabas et découvre complètement ce que nous avions tous vu. Elle va les payer ses croquettes. Cerise sur le gâteau, des fraises étaient - bien - dissimulées à côté. Elle va le payer aussi son petit plaisir - vraiment - coupable.

La caissière a l’oeil victorieux du fin limier à qui on ne la fait pas. Sa bouche reste ouverte durant toute la scène, comme pour crier victoire – mais sans aller jusqu’au bout de la démarche : ça serait sans doute trop. La caissière d’à côté n’a rien perdu de la scène.

Les regards, complices, se croisent.

La petite mamie, se voûtant de seconde en seconde, paye d’un chèque tout ce qu’elle doit. Les gens autour, gênés, détournent le regard. C’est fou comme un paquet de menthos peut paraître intéressant en certaines circonstances.

Dégoûté, impuissant et attendri, mon regard n’est pas pour les menthos mais pour la petite dame qui paye doublement ses courses aujourd’hui. Le coût de la honte est venu alourdir le tarif habituel.

Dans quelle société vivons-nous pour qu’une vieille dame soit obligée de voler pour nourrir un chat et avoir le droit de goûter des fraises ? Dans quel monde vivons-nous pour que les personnes parmi les plus mal considérées de la société soient mises en situation de se réjouir de « coincer » ceux qui leurs sont pourtant si semblables ? Car oui, la caissière et la petite dame me paraissent cruellement si proches l’une de l’autre. Peut-être la vieille dame est-elle une ancienne caissière à temps-partiel imposé et payée au rabais qui bricole aujourd’hui sa vie avec une pension de misère ? La caissière a fait son travail pour vivre. La vieille dame aussi, pour vivre.

Quant à moi, je n’ai été que le pathétique spectateur d’un monde qui m’attriste.

Chiffre d’affaire de Carrefour : 76 milliards d’€ en 2015.

NP

http://www.npa32.fr/spip/spip.php?article2255

Messages

  • "La caissière a fait son travail pour vivre."

    Non. Elle a fait du zèle, c’est tout autre chose.

  • et moi j’ai vu un gars coursé par 2 autres de la sécurité...., ( service d’ordre Carrefour)---courir et se jeter à la Seine pour la traverser ...il a coulé à pic---en échange de ses baskets trop usés qu’il venait de quitter . Mourir à 35 ans pour une paire de basket !!!!! et poursuivre un pauvre -hors territoire du magasin (risquer une chute non reconnue par son Employeur )..... par 2 smicards.....

    Il faut être riche pour se justifier .

    • ""La caissière a fait son travail pour vivre. La vieille dame aussi, pour vivre.""

      oui ,oui,je comprends bien,mais pourquoi un sentiment de honte,de colére,contre la caissiére m’étreint ? pourquoi toujours déresponsabiliser les complices des patrons ? Comment oublier que certains refusent toujours ces actes inhumains ?
      Que toute situation génére toujours des comportements différents,opposés,c ’est vrai non ?
      Que des résistants aux collabos,beaucoup étaient dans la même dépendance à l’égard du pouvoir et des chefs !!
      ça sert à quoi un travail,un salaire,si on a honte de soi chaque jour ?
      certains ne le peuvent ,se salir quotidiennement ,d’autres font avec.
      Elle est aussi là,la barriere,pas que entre les 1% et le reste.

    • C’est manifeste. La collaboration, la soumission sont des éléments du système, pas des options. Un exemple parmi d’autres : les parents d’élèves produisent un nombre de plus en plus important de cabales contre un nombre de plus en plus important d’enseignants. (Exemples tout récents, la condamnation de 31 géniteurs par le tribunal de Mont de Marsan, ou encore une cabale en cours contre un professeur de Prayssac (Lot), pour ne parler que de deux affaires du sud-ouest, pain bénit pour l’administration qu utilise ces formes d’expressions calomnieuses de haine, de bêtise et d’ennui contre les enseignants soucieux de leur droits).
      Dans le cas ci-dessus, la caissière aurait très bien pu NE PAS VOIR. Or, l’article nous dit l’inverse, elle semble être fière de sa collaboration.

    • ""La collaboration, la soumission sont des éléments du système, pas des options.""
      Pas d’accord,en plus la suite de ton texte dit le contraire,à savoir qu’il existe bien un choix.

    • C’est bien ce que je dis ; il y a le choix de ne pas être un collabo. Mais le système fonctionne PARCE QUE la majorité collabore ! Et ne fonctionnerait pas sans cela.

    • relis toi,tu dis une thése et son contraire dans le même texte.

    • Non, relis-moi plutôt. Ce que je dis n’est pas si compliqué.

    • voila ce que tu écris :
      La collaboration, la soumission sont des éléments du système, pas des options.""
      pas des options !! ok ,si je comprends le français ça veut dire que le choix n’existe pas.(pas des options)
      apres tu ecris ceci :
      Dans le cas ci-dessus, la caissière aurait très bien pu NE PAS VOIR
      tu affirmes donc que la caissiére avait le choix de ne pas voir,refuser donc la soumission,c ’est toi qui le dis !!
      Elle avait donc dans ce systéme deux options : voir ou pas.
      il a y bien contradiction entre tes 2 phrases !!
      ou bien la soumission n ’est pas une option (tu l’affirmes),la caissiére ne choisit pas son attitude,OU BIEN elle aurait pu ne pas voir,(ce que tu affirmes aussi)donc cette option existe dans le systéme,contradiction avec l’hypothése.

    • Tu confonds conditions d’existence et désormais de survie du système, avec en premier lieu la collaboration d’une majorité d’acteurs individuels, et choix individuels.
      Il n’y ps d’autres option pour la survie du système que cette soumission majoritaire.
      Cela ne signifie pas que certains ne résistent pas. Ils paient souvent un lourd tribut pour cela. Le choix individuel de résister est donc douloureux, mais il existe. Il signifie aussi qu’on a alors affaire aux individus les plus solides en terme de principes. surtout en ce moment où la répression est féroce et sanglante en particulier. Ce n’est certes pas le profil de notre caissière ;

  • l’on sait que l’esclave est amoureux du fouet abrutissant et que le larbin est à l’image de son maitre ..mais à la lecture de la situation la moindre des solidarités n’aurait elle pas été de payer les fraises et les croquettes ?

  • aujourd’hui une caissière bénévole de Monoprix a vendu une salade à moitié pourrie à une vieille.
    Est-ce bien sérieux ?

  • Scéne de la vie quotidienne,

    La caissière fait son travail, qui ne nous dit pas qu’un oeil bienveillant (sic) ne la surveille pas.

    Ne pas voir une boîte de fraise perdre son travail. diléme cornélien

    Pourquoi ne pas faire ses courses sur les marchés, il y aura toujours un geste gentil de la part des vendeurs.

    Ces grandes surfaces sont le dénient total de l’individu, dutravail. Nous sommes tous pathétiques, contradictoires.
    voila la force de ses multinationales. Comment plumer le pigeon consommateur, Comment plumer les paysans, sous des banniéres sentant bon le terroir.
    Et cerise sur le gâteau faire travailler gratuitement les stagiaires re sic. (avec promesse de cdd sans pose pipi, payè des figues) .Nous avons le pouvoir sans nous ils ne sont rien. Choisissons nos lieux d’achats.

    • La caissière fait son travail, qui ne nous dit pas qu’un oeil bienveillant (sic) ne la surveille pas.

      Ne pas voir une boîte de fraise perdre son travail. diléme cornélien

      C’est vrai,c ’est vrai aussi que je connais des gens qui on REFUSE de faire des saloperies,refus de travailler dans l’armée,refus de devenir vigile,alors qu’ils étaient au chomage !refus de devenir flics.
      Ca existe,trés minoritaire,mais ça existe.

      dans chaque situation il existe un éventail très large d’attitude,depuis la soumission,la lacheté,l’arrivisme,et le refus,le boycott,la lutte,chacun choisit,mais le choix est là et certains ne rentrent pas dans l’immonde.
      C’est un fait

    • Bien sûr que des personnes refusent tel ou tel emploi, car il ne correspond pas à leur éthique. Bien sûr que des femmes et des hommes se battent afin d’améliorer notre quotidien. nous le voyons tous les jours. et surtout en cette période troublée. se lévent et dénoncent un esclavage programé.
      Mais que faire pour éviter que cette caissiére, ou vigile, fasse du zéle. je pose seulement une question. Quand
      les lanceurs d’alerte sont jugés, les journalistes d’investigation limogés.

  • Cet article est particulièrement malsain parce que l’auteur se pose comme un témoin impuissant d’un événement tragique, comme si lui-même n’avait eu aucun choix, aucune responsabilité, comme s’il était un témoin impuissant. Même presque une victime.

    Un tel texte porte un nom : PROGRAMMATION à L’IMPUISSANCE et à la SOUMISSION.

    Il fallait payer recta les courses à cette vieille dame, publiquement. La question était réglée, l’injustice réparée.
    La caissière, qui a perdu son âme, aurait peut-être entrevu une chance de vouloir la récupérer un jour.
    Cela s’appelle exercer sa responsabilité individuelle.

    L’auteur n’est pas moins collabo que la caissière.

    bipède