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Le Savant, le Gestionnaire et le Politique :

par Paul Saint-Sernin

Publie le mercredi 31 août 2016 par Paul Saint-Sernin - Open-Publishing

Le Savant, le Gestionnaire et le Politique :

Ces trois figures déterminent le triangle autour duquel s’organise la Politique dans une dimension Laïque, c’est à dire, ne projetant pas de créer sur terre la « cité de Dieu » mais laissant aux croyances personnelles, religieuses et philosophique leur espace propre et organisant leur coexistence hors de l’espace des choix politiques.
C’est ainsi que Le Politique est descendu des cieux sur terre, dès la renaissance, avec l’œuvre du théoricien politique Nicola Machiavel qui passionna tant Antonio Gramsci, laissant ainsi aux citoyens la liberté et le soin de faire leurs choix sur le devenir de leur cité et des Nations. Toute la pensée politique du XVIII me siècle vint renforcer cette autonomie et aussi cette liberté qui semble si insupportable aux Esprits faibles qui ont tant de mal à se supporter eux-mêmes et par suite les autres citoyen(ne)s.

1° - Le Savant :

Fut longtemps étranger aux enjeux immédiats de la Cité et des Etats, car ces (trop) rares tempéraments œuvrent avant tout par passion de la recherche et celle de la vérité, ce qui cadre bien mal avec les contraintes du Politique.
Cependant avec la transformation de la science et de la technologie en puissance sociale collective, le savant a perdu son isolement, sa relative pauvreté (songeons à Bernard de Palissy faisant bruler son propre mobilier) mais aussi quelque peu de son indépendance.
Les Etats, puis les multinationales ont estimé à juste titre que la science était trop importante pour s’en désintéresser et se sont efforcés d’en organiser les conditions et d’en prévoir les objectifs. La figure du savant y a perdu de son indépendance et parfois en est venu à trahir sa mission essentiellement humaniste d’être le défenseur des vues nouvelles, de la vérité fugace et l’avocat désintéressé du progrès humain.
La science en a perdu une partie de son aura et de son prestige auprès des citoyen(ne)s et une nouvelle réalité que JK Galbraith a nommé la « technostructure » est venue interférer entre la passion et la rigueur scientifique et les conditions économiques et sociales réelles de ses réalisations. Il résulte de cette propension au contrôle et à la captation par d’autres pouvoirs que les promesses d’émancipation et d’humanisme n’ont plus été, loin s’en faut, toutes tenues.
De nouvelles formes de protection du travail scientifique sont probablement à inventer mettant en avant des processus d’évaluation, de protection de l’indépendance de la communauté scientifique et d’ élaboration de choix les plus indépendants possibles des Gouvernements et des pouvoirs économiques pour redonner sa vraie place à la science comme aiguillon et stimulant de nos sociétés et nourrir le débat public d’élément de rationalité en faisant diminuer la art des idées toutes faites et le voile des préjugés. C’est pour cela qu’un vrai Politique, au vrai sens de ce terme, un passionné des affaires de la « Polis » ne peut le laisser de côté ni la méthode scientifique ni l’enjeu de la science dans les processus d’évolution et de transformation de nos sociétés. A ma connaissance, peu de Femmes et Hommes politique ont le temps sinon le goût accablés qu’ils sont par le « court-termisme » et le « panurgisme » hélas encouragés par la médiocrité de la plupart des Médias qui les poussent à sacrifier l’essentiel à l’accessoire.

2° - Le Gestionnaire :

Est un des produits social et l’un des vecteurs de la nécessité d’administrer et de gérer les surplus croissant privé et public dans nos sociétés de l’avoir. Il correspond donc à une fonction sociale utile mais a tendance à asseoir et à développer sa propre importance et son propre pouvoir de couche sociale en oubliant sa finalité de serviteur des sociétés humaines en s’identifiant et en absorbant progressivement l’autonomie des citoyen(ne)s et du politique. C’est pour cela que le remarquable sociologue, Max Weber reconnaissait une utilité sociale aux « bureaucraties », l’on parle désormais plus de « technocraties » sans vraiment distinguer ces deux notions.
L’extension du domaine gestionnaire n’est ni un bien ni un mal mais correspond à l’expression de la nécessité d’administrer et de gérer une partie croissante de la vie économique et sociale au sein de sociétés de moins en moins paysannes et stricto sensu « ouvrières » au sens pris lors de la première révolution industrielle.
Mais il y a lieu de relever aussi une forte tendance de la part de nos « sociétés gestionnaires » à ce que ces nouvelles couches managériales dont le poids est allé et va toujours croissant s’approprient voire confisquent l’exclusivité de la définition du « bien commun » et de l’ « utilité sociale » pour étendre et assurer la perpétuation de leur existence.
Ces enjeux et tensions sociales souvent masqués et non débattus restent pourtant l’un des facteurs les plus importants permettant de comprendre la dynamique et les conflits au sein des sociétés industrielles mais aussi des sociétés de services émergentes.
Un théoricien politique orignal, hélas trop peu connu, l’Italien Bruno Rizzi développa l’idée d’émergence d’une couche bureaucratique nous pourrions aussi qualifier de « gestionnaire » appelées à dominer l’évolution de nos sociétés. Cette idée fut reprise par Burnham et JK Galbraith et l’on ne peut guère penser sérieusement le devenir du monde contemporain et celui de nos sociétés sans réfléchir à cette puissance nouvelle réellement détenue par cette nouvelle catégorie sociale, laquelle ne détient pas directement le capital, du moins sous la forme de propriété privé mais permet de diriger et d’orienter les choix a la place des possesseur de capitaux et des principaux moyens de production.
La « révolution conservatrice » née au début des années quatre-vingt du XXème siècle, dans les pays anglo-saxons avec Ronald Reagan et Margareth Thatcher aurait eu pour comme but de redistribuer les cartes au bénéfice des possesseurs d’action, les anciens capitalistes devenus collectifs (les fonds de pension, etc.)
Mais cette tentative de « réaction » et de reprise de l’ancien cours des choses ne fut certainement qu’une apparence liée aux nécessités de l’intensification des taux de profit. Jamais l’entière maîtrise des choix économiques dont les « capitalistes » avaient bénéficiées durant la première révolution industrielle ne leur fut entièrement redonnée. Et aujourd’hui la couche sociale qui gère pour le compte du parti « communiste » Chinois les choix de cet immense pays est l’expression même de la prise du pouvoir réelle par un gouvernement de manageurs.

3° - Le Politique :

Le « Politique » se trouve bien entendu au confluent du savant et du gestionnaire mais lui apporte ce plus que les Grecs anciens ont partiellement inventé : la délibération par des non spécialistes, les citoyens et le Peuple souverain » choisissant et décidant entre les options qui lui sont présentés s’imposent à tous quitte a se séparer parfois des « intérêts de ces couches gestionnaires ».
Ces Politiques doivent être dotés de ce que les anciens nommaient la « Virtù », cette passion civique indispensable à l’exercice du « bien public ». Dans la République Romaine, une charge spécifique existait pour défendre les intérêts du Peuple (l’on disait alors la plèbe) le Tribunat du Peuple.
Il va de soi que cette « Virtù », cette passion du « bien public » n’est pas si fréquente et suppose une supériorité morale intrinsèque par rapport aux intérêts d’argents et aux influences des lobbies. qu’il faut absolument distinguer du « politicien » lequel n’en est qu’une pâle copie, une ombre où même la caricature est la Femme ou l’Homme qui tente de faire le lien entre les idées qu’il soumets au Peuple et de les mette en œuvre s’il est élu. Certaines figures éclatantes de l’Antiquité qui viennent aisément à ma mémoire sont Périclès et Cicéron qui fut aussi avocat. Le politique manie souvent l’art oratoire lequel est varié. Au XIX me siècle qui fut l’âge de gloire du parlementarisme les noms illustres qui me viennent à l’Esprit sont Abraham Lincoln, Disraeli et Gladstone et Jean Jaurès.

Hélas s’adresser aux géants n’en fait que mieux ressortir la petitesse de celles et ceux qui en gâchent le métier et en usurpent la fonction aujourd’hui et la confondent et la dissolvent dans la gestion dont nous avons vu qu’elle ne représente souvent que les intérêts de la « classe gestionnaire » en se soumettant à ses stricts impératifs et en omettant de représenter et d’œuvrer pour les intérêts du Peuple tout entier.

 La première qualité éminente d’une Femme ou d’un homme politique est d’être habité, porté par une idée forte et maitresse pour laquelle il est capable de de se dépasser. Hegel nous le disait déjà : « Il n’y a pas de héros pour son valet de chambre ».

 La deuxième qualité est l’aptitude de leadership ou le charisme. Ne confondons pas celui-ci avec l’éloquence. Ces aptitudes et qualités se forgent avec le courage, la ténacité devant l’adversité mais aussi, la certitude par le Peuple que ses souhaits et sa volonté sont et seront réellement respectés dans les choix d’après les élections. Notre Vème République finissante a semble-t-’il oublié cette véritable règle d’or.

 La troisième qualité est le sens de l’histoire et la capacité de projeter le destin commun d’un Peuple dans l’avenir en tenant compte des réalités géopolitiques, scientifiques et en anticipant pour infléchir les évolution souhaitées et non se soumettre purement aux contraintes des autres et du temps.
Il n’y a pas de grand Politiques sans la symphonie de ces trois éléments.

Paul Saint-Sernin