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PRINTEMPS SOCIALISTE : Le Rapport Boutih, socialiste dites vous ?!

Publie le vendredi 20 mai 2005 par Open-Publishing
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De Jérôme VALLUY

Une rubrique spéciale "Printemps socialiste" pour un rapport qui commence à faire parler de lui depuis deux semaines : celui de Malek BOUTIH, ex-président de SOS-Racisme et maintenant chargé des questions de société au Parti Socialiste. Le rapport BOUTIH commandé par le Bureau National du PS a été produit en vue de préparer le programme pour l’élection présidentielle de 2007.

Référence :
Malek Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, rapport confidentiel pour le Premier secrétaire du Parti socialiste, 2005.

Dossier de presse ci-dessous :
1) Article de Jade Lindgaard dans "Les inrockuptibles" (04/10.05.05) qui débusque le lièvre au début du mois.
2) « La revue de presse européenne » de Anne Coudin sur France culture évoquée sur le site Kabyle.com (06.06.05) fait état de la mise au secret de ce rapport par la direction du Parti Socialiste.
3) Une dépêche AP publiée sur le site de "Yahoo ! France - Actualités" (11.05.05) qui donne des éléments de réponse de l’auteur.
4) Une brève dans l’hebdomadaire "Le point" (12.05.05) fait état d’un enterrement en cours dudit rapport pour cause de calendrier électoral relatif au référendum.
5) Un édito du journal "Français d’abord" (13.05.05), quotidien du Front National qui se félicite du bon sens dont fait preuve Malek Boutih, chaudement félicité de reprendre les propositions de Jean-Marie Le Pen.
6) Un article de Vincent Geisser, chercheur au CNRS, sur le site "Marseilles Solidaire" (15.05.05) qui compare le rapport BOUTIH et le programme du Front National.

... et un lien vers mon article (j’ai essayé de m’en empêcher... mais j’y arrive pas !) sur « La nouvelle Europe politique des camps d’exilés : genèse d’une source élitaire de phobie et de répression des étrangers », voir notamment la deuxième partie "Le tournant national-sécuritaire : l’exilé comme menace" dans Cultures & Conflits, n°57, mai 2005, pp.33 à 47. Pour l’acheter - 25 * seulement ! - le bon de commande est en ligne ici :
http://terra.rezo.net/article307.html Si vous l’avez pas tous sur votre table de chevet ce sera pas de ma faute !

J. Valluy


1) Article de Jade Lindgaard dans le journal "Les inrockuptibles" 4 au 10 mai 2005

Immigration/le rapport secret du PS : Malek Boutih classé X

Dans un rapport tenu secret par le Parti socialiste, le secrétaire national chargé des questions de société propose une politique de l’immigration dont la rigueur ultra-républicaine et nationaliste ferait pâlir d’envie bien des hérauts de la droite dure.

« C’est vraiment le texte invisible, le document secret du PS. Il y a un vrai malaise. » : un responsable de la rue de Solférino.

« Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration » ; « le débat sur l’immigration s’est souvent centré sur les enjeux législatifs et les principes des droits de l’homme, il faut désormais aborder ce débat sur la situation réelle de l’immigration en France » ; ou encore : « l’objectif est de mettre fin aux statuts bi-nationaux ». Quel est, à votre avis, le parti politique qui souhaite mettre en place ces politiques en France : L’UMP musclé de Nicolas Sarkozy ? Le résidu de Mouvement pour la France de Charles Pasqua ? Ou le Front National à la veille des prochaines présidentielles de 2007 ? Vous n’y êtes pas du tout puisque ces lignes sont en réalité extraite d’Une nouvelle politique de l’immigration, rapport rédigé par Malek Boutih, ancien président de SOS-Racisme, et secrétaire national chargé des questions de société au Parti socialiste.

Dans ce texte, il défend quelques idées-force autour desquelles articuler le programme des socialistes pour l’immigration, notamment en vue de la prochaine campagne présidentielle. Il propose tout d’abord l’établissement d’une politique de quotas pour gérer l’entrée des étrangers sur le territoire national « permettant de prévoir les besoins et les capacités d’accueil de notre société ». Selon sa procédure, les candidats à l’immigration déposeront leur demande auprès d’une nouvelle administration créée à cet effet, chaque pays aura un nombre déterminé d’entrées et de droits de séjour, et les demandes seront traitées chronologiquement. Au passage, il supprime le regroupement familial automatique. Une fois acceptés, les heureux élus du système de quotas à la Malek Boutih devront encore suivre « une préparation à l’immigration durant un trimestre » : cours de langue, information sur le pays et la région d’accueil, on leur conseillera donc de s’armer de patience face à une bureaucratie alourdie et utilitariste.

Deuxième idée force, pour le coup stupéfiante : la suppression de la bi-nationalité, pourtant une pratique française qui remonte aux années 1920. Proposition justifiée dans le rapport Boutih par la fin de l’intégration comme « concept structurant » de la politique d’immigration, mais que l’on ne peut interpréter en réalité que comme un brutal raidissement de la définition de la citoyenneté française puisqu’elle deviendrait exclusive. Est-ce en assignant les citoyens à une identité juridique purement hexagonale que la République servira mieux ses enfants ?

Enfin, autre réforme : la promulgation d’une nouvelle législation sur le titre de séjour, avec, accrochez-vous bien, une carte rouge valable dix ans et renouvelable automatiquement, une carte bleue valable cinq ans, renouvelable, et une carte blanche de cinq ans non renouvelable pour les étudiants, avec autorisation de travail. Tout est dans le symbole chromatique : après la notoire fête Bleu Blanc Rouge du parti de Jean-Marie Le Pen, Malek Boutih invente la citoyenneté BBR. Dans cette agitation de symboles ultra-républicains, s’ajoute que, pour enfin obtenir leur carte « rouge », les étrangers devront « prêter serment au respect des lois de la République, de la laïcité et de l’égalité homme-femme ». C’est beau comme un discours de George W. Bush.

En fait, pour bien décortiquer ce qui se joue de répressif et de rétrograde dans ce rapport, il faut faire une distinction entre les propositions concrètes et le climat idéologique du texte, plus diffus, mais clairement identifiable à un discours de l’autorité et de la faible remise en cause de la responsabilité de l’Etat dans la faillite d’un projet collectif respectueux des diversités et des égalités. Ainsi, Malek Boutih pense que s’il existe des discriminations en France, elles ne sont pas le fait d’un racisme et d’un conservatisme social de toute une partie de l’élite institutionnelle politique, économique, culturelle, mais des problèmes de l’immigration : « Sans pilote dans l’avion pour organiser et accompagner l’immigration en France, des phénomènes de discrimination se sont enracinés les politiques publiques de réparation se sont révélées inefficaces en partie parce qu’elles ne reviennent pas à la source du blocage ».

Mais ce que redoute le plus Malek Boutih, c’est que « si la bataille morale contre l’extrême droite est indispensable, elle ne permet pourtant pas d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui apparaissent dans notre société ». Et il précise : « A refuser d’aborder l’immigration dans toutes ses réalités, on finit par reculer sur le terrain moral faute d’appui sur le réel ». S’il s’agit d’opposer « le » réel au « moral », c’est donc que le combat pour les droits de l’homme n’appartient, lui, pas à l’ordre du réaliste, du possible. Aveu qui ressemble à un magistral reniement de la part d’un ancien président de Sos-Racisme.

Il y a aussi quelques malhonnêteté juridiques, comme d’écrire, pour mieux insister sur la nécessité aujourd’hui d’orchestrer de spectaculaires changements, que l’Ordonnance de 1945 régissant l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire national est « figée » alors qu’elle a été modifiée à de nombreuses reprises. Plus généralement, la question de la présence en France d’une population de sans papiers précarisée n’est envisagée que comme l’effet dommageable d’un regrettable effet d’inertie (le rapport évoque l’image de l’ « effet tonneau des danaïdes » des régularisations), le rôle des associations d’aide aux demandeurs d’asile et étrangers en situation irrégulière est assimilée à un facteur aggravant de dysfonctionnements administratifs. Et au moment ou le gouvernement Zapatero, peu suspect de laxisme envers les immigrés clandestins, s’apprête à procéder à une régularisation massive de sans papiers (en partie attirés par la politique de quotas pratiquée par l’Espagne), Malek Boutih s’en prend à cette méthode, sans plus d’explication.

Une nouvelle politique de l’immigration marque-t-il un changement de politique du Parti socialiste, un raidissement nationaliste et ultra-républicain ? Impossible de le savoir car depuis sa rédaction, plus personne ne souhaite en parler. « C’est vraiment le texte invisible, le document secret du PS. Il y a un vrai malaise » confie un responsable de la rue de Solférino.

Au point qu’invité à l’Institut du Monde Arabe (IMA) jeudi 28 avril pour participer à un débat sur l’Europe et la politique des quotas, Malek Boutih s’est finalement décommandé à la dernière minute. Pire, lorsque Ahmed Nait-Balk, journaliste à Beur FM et animateur de la soirée, appelle le secrétariat du Parti socialiste pour obtenir une copie du rapport afin de préparer la discussion, il s’entend répondre par le service de presse : << le rapport sera rendu public après le referendum >>, par peur que par leur dureté envers les immigrés, les propositions de Malek Boutih n’aggravent le ressentiment populaire envers le parti socialiste, et donc ne fassent encore progresser le « non » à la constitution européenne. Censure ? Le problème, c’est qu’en nommant l’ancien « pote » au bureau national, en 2003, les socialistes avaient justement cherché à renouer avec les banlieues après le cataclysme électoral du 21 avril. La même année, Malek Boutih s’exhibait à l’université d’été du Medef, et félicitait Nicolas Sarkozy pour redonner « espoir aux jeunes en politique ».

Dommage que le PS ne souhaite pas ouvrir le débat sur le rapport Boutih avant le 29 mai parce que certains aimeraient beaucoup en débattre avec ses dirigeants. A commencer par Mouloud Aounit, responsable du Mrap et présent, lui, à l’IMA : « Le débat sur les quotas relève d’une logique néo-coloniale et égoïste. On va vampiriser les pays qui se sont saignés pour former leurs cadres. Cette façon de faire interdit toute possibilité de développement des pays pauvres, ce qui est pourtant l’élément central dans la lutte contre l’immigration clandestine ».

Au sein du PS également le débat promet d’être vif. Début février, Noria Chaib, Fayçal Douhane, Ali Kismoune, Chafia Mentalecheta, Farid Bounouar et Gaspard-Hubert Lonsi Koko, jeunes responsables issus de toutes les sensibilités politiques du parti -fait rare- signent un Rebond dans Libération dénonçant le recours au « tri sélectif ». Déjà fossoyeur des espoirs politiques de la « Marche des beurs » en noyant sa revendication pour une réelle égalité des droits dans l’illusion de l’anti-racisme mou et auto-victimisant, Malek Boutih ouvre-t-il, après celui des matières premières du sud, l’ère du pillage des matières grises ?

Jade Lindgaard
Source TERRA : http://www.kabyle.com/article.php?id_article=9703


2) Brève du site "Kabyle.com"

Immigration : le rapport secret du PS
vendredi 6 mai 2005.

Une information fournie par « La revue de presse européenne » de France culture de Anne Coudin.

Voici les extraits :

« Au niveau français, il y un rapport sur l’immigration qui risque de faire grand bruit. C’est celui que le parti socialiste tient "secret", selon les Inrockuptibles de cette semaine. Son auteur, Malek Boutih se serait décommandé au dernier moment alors qu’il devait participer à un débat sur l’Europe et la politique des quotas. Pire, selon les Inrocks, impossible pour l’animateur de la soirée, un journaliste de Beur FM, impossible de s’en procurer une copie, le secrétariat du PS lui expliquant que le rapport ne serait rendu public qu’après le référendum, par peur que la dureté de ses propositions envers les immigrés n’aggrave le ressentiment populaire et ne fasse monter le NON.

"Malek Boutih classé X", titre l’hebdomadaire. Le secrétaire national chargé des questions de société propose des quotas, la suppression de la binationalité, assignation à identité purement hexagonale, commentent nos confrères, enfin une nouvelle législation bleu blanc rouge sur le titre de séjour : caret rouge valable 10 ans et renouvable automatiquement, carte blanche de 5 ans renouvelable et carte blanche de 5 ans non renouvable pour les étudiants. "Il faut sortir d’un simple rapport humanitaire et charitable avec l’immigration", écrit l’ancien président de SOS Racisme. Pour les Inrocks, la "rigueur" de ce texte ferait "pâlir d’envie bien des hérauts de la droite dure". »

Source TERRA : http://www.kabyle.com/breve.php?id_breve=1014


3) Depeche AP

mercredi 11 mai 2005, 19h08

Malek Boutih pour une refonte complète et controversée de la politique d’immigration

PARIS (AP) - Son voeu : "que l’immigration ait la même image qu’aux Etats-Unis". Dans un rapport controversé, le "M. Société" du PS et ancien président de SOS-Racisme, Malek Boutih, se prononce pour des quotas par pays, des cartes de séjour tricolores et contre une régularisation massive des sans-papiers à l’heure actuelle. Interrogé par l’Associated Press, il se défend de vouloir durcir la législation.

Contribution personnelle au débat du PS sur son projet pour 2007, ce rapport interne dont l’AP a obtenu copie a été divulgué par l’hebdomadaire "Les Inrockuptibles" du 4 mai. Intitulé "Une nouvelle politique de l’immigration", il n’a pas été examiné par les instances nationales du PS, selon son auteur. Son constat : "la politique d’immigration actuelle est un échec" et la loi "totalement illisible", entraînant une gestion au cas par cas.

La faute à la droite qui, écrit-il, "n’a cessé de restreindre durement les conditions de séjour et les droits des étrangers", ce qui a "fabriqué des sans-papiers". A cet égard, le nouveau plan Villepin s’inscrit dans "une politique d’immigration où on laisse les immigrés rentrer, mais on ne leur donne pas de statut". Quant au PS, il s’est contenté de "réparer les conséquences des lois Pasqua".

Pour y remédier, le rapport propose une refonte totale de la politique d’immigration. Il se prononce pour l’instauration de quotas par pays en fonction des "besoins" et de "la capacité d’accueil" de la France. Le gouvernement validerait en conseil des ministres le nombre de titres de séjours accordés. Les pays concernés seraient ceux qui "ont des relations traditionnelles avec la France" comme le Maghreb.

Une administration "spécifique", "l’Administration pour l’accueil et l’insertion des immigrés (2A2I)", tiendrait les rênes. Elle aurait une antenne dans chaque pays partenaire, au près de laquelle les candidats à l’immigration déposeraient leur demande. Les candidats retenus devraient suivre une préparation, dont une formation à la langue française, dans le trimestre précédant leur départ.

Le "conglomérat de textes et circulaires", dont l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur les conditions d’entrée et de séjour, serait "abrogé au profit d’une loi unique". Celle-ci mettrait en place trois cartes de séjour : la carte rouge, valable dix ans et renouvelable, en vue d’une installation définitive ; la carte bleue, valable cinq ans et renouvelable, qui donnerait notamment aux saisonniers une autorisation de six mois cumulables ; la carte blanche, pour les étudiants, pour cinq ans non renouvelables. Les titulaires des deux dernières pourraient demander une carte rouge.

Avec ce système de cartes tricolores, le secrétaire national du PS chargé des questions de société pense pouvoir "réduire de 80 à 90%" l’immigration clandestine. "Si vous avez aujourd’hui des gens qui rentrent avec des visas ou des demandes d’asile et qui s’installent, c’est parce qu’il n’y a pas de voie légale d’immigration", explique-t-il mercredi dans un entretien à l’AP.

L’ancien "pote" se prononce en outre contre une régularisation massive des sans-papiers aujourd’hui, comme vient de le faire l’Espagne, car elle serait "rapidement annulée par l’arrivée de nouveaux migrants irréguliers". Il juge en revanche que son système permettrait de "mettre les compteurs à zéro".

Il s’oppose au regroupement familial automatique, auquel il préfère un système où le candidat à l’immigration demande à faire venir sa famille dès le dépôt de sa candidature. Il demande une "clarification" sur la double nationalité, afin que les binationaux ne soient plus considérés comme non-Français dans leur pays d’origine. Enfin, il propose une journée nationale de l’immigration.

Conscient qu’il risque de froisser, Malek Boutih se défend d’avoir rédigé un rapport "musclé" et fustige "une certaine gauche qui ne veut avoir qu’une posture sur l’immigration". "On a le droit de débattre de l’économie. On a le droit de débattre du social. Dès que cela concerne l’immigration, il n’y a que deux adjectifs : soit vous êtes un laxiste qui veut la ruine de la France, soit vous êtes un fasciste". AP

Source TERRA : http://fr.news.yahoo.com/050511/5/4equ2.html


4) Article dans "Le point"

Immigration
Un rapport en transit...

Stéphanie Marteau

Sitôt rédigé, sitôt enterré. C’est le sort qu’est en passe de connaître le
rapport " Une nouvelle politique de l’immigration ", rédigé par Malek
Boutih,ancien président de SOS-racisme et chargé des questions de société au PS. Ce texte, commandé par le bureau national afin de nourrir le programme
socialiste en vue de la présidentielle de 2007, propose notamment la
suppression de la binationalité. La citoyenneté française deviendrait alors
exclusive. Il prévoit aussi l’établissement d’une politique de quotas "
permettant de prévoir les besoins et les capacités d’accueil de notre
société ", supprimant au passage le regroupement familial automatique.
Enfin, il
propose une nouvelle législation sur les titres de séjour. Pour obtenir une
carte valable dix ans et renouvelable automatiquement, les étrangers devront
" prêter serment au respect des lois de la République, de la laïcité et de
l’égalité homme-femme ". En reprenant les propositions faites par le Front
national en 2002, Boutih a mis sa direction dans l’embarras. Pour l’instant,
François Hollande n’a pas validé ce texte

© le point 12/05/05 - N°1704 - Page 50 - 168 mots
Sources TERRA :
----------------original message----------------
Date : Sat, 14 May 2005 07:15:22 +0200
Subject : [zpajol] [Resf] Malek Boutih, le Point et le FN ...


5) Article du journal du Front National :

Edition du vendredi 13 mai 2005

Quand Boutih copie Jean-Marie...

Ancien patron de SOS racisme, Malek Boutih, réengagé récemment par la maison
mère de cette filiale, le Parti socialiste, où il est chargé des " questions
de société ", vient de commettre un rapport sur l’immigration qui selon Le
Point -édition du 12 mai 2005- a été " aussitôt enterré ". Rapport commandé
à l’origine par le bureau national de la rue de Solferino afin de nourrir le
programme du PS en vue de la présidentielle de 2007. M. Boutih a donc
préconisé la suppression de la binationalité, une politique de quotas, la
suppression du caractère automatique du regroupement familial chiraquien, la
délivrance de la carte de séjour de 10 ans renouvelable de droit
conditionnée " à un serment au respect des lois de la République, de la laïcité et de
l’égalité homme-femme ". En un mot, de propositions de bon sens. Mais le hic
souligne Le Point c’est que M. Boutih a repris en l’espèce " les
propositions faites par le Front National en 2002 ", plus précisément une partie du
programme du candidat Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle qui l’a
vu se qualifier pour le second tour au détriment de Lionel Jospin. " Boutih
a mis sa direction dans l’embarras ", " pour l’instant François Hollande n’a
pas validé le texte " conclut cet article. Nous retiendrons pour notre part
que ce plagiat des propositions frontistes matérialise le désarroi des
partis de l’établissement face aux problèmes cruciaux qui se posent dans notre pays
et qui menacent sa pérennité. Comme l’illustre tout autant l’appel des
caciques de gauche et de " droite " à rétablir des mesures protectionnistes,
en contradiction même avec la philosophie qui inspire leur ligne de conduite
politique, pour empêcher le déferlement des importations en provenance de
Chine. Plus que jamais la lepénisation des esprits est en marche, sachant
que nos compatriotes ne manqueront pas de préférer l’original à une copie, plus
ou moins travestie ou édulcorée...

Source TERRA :
http://www.francaisdabord.info/quotidien_detail.php?id_qp=421&art=2


6) Article de V. Geisser dans "Marseille solidaire" :

http://marseille.naros.info/article.php3?id_article=815

Boutih-Hollande-Le Pen, mêmes combats ?

IMMIGRATION : LE SECRÉTAIRE NATIONAL DU PS MONTE AU « FRONT »

mardi 17 mai 2005

par Vincent Geisser
Politologue, chercheur à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (CNRS), enseigne à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence.

Une fois n’est pas coutume : le quotidien du Front national, Français d’abord, dans son édition du 13 mai 2005 [1], a rendu un hommage vibrant à un dirigeant du Parti socialiste. Il s’agit de Malek Boutih, ancien président de SOS-Racisme, secrétaire national chargé des questions de société, membre du Bureau national du parti. A l’origine de ce satisfecit frontiste pour un leader socialiste : un rapport confidentiel sur l’immigration, commandé par François Hollande en vue de la préparation des présidentielles de 2007, dans lequel « M. Boutih a repris en l’espèce ‘les propositions faites par le Front national en 2002’, plus précisément une partie du programme du candidat Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle [...] » [2]. Ainsi, le Front national salue t-il « le bon sens » de l’ancien président de SOS-Racisme qui confirme « plus que jamais que la lepénisation des esprits est en marche, sachant que nos compatriotes ne manqueront pas de préférer l’original à la copie [...] » [3].

Au-delà de cette satisfaction de l’extrême droite qui voit dans ce rapport confidentiel du PS une validation et surtout une légitimation de ses thèses anti-immigrationnistes, l’on peut s’interroger sur la signification profonde de cet acte : s’agit-il d’une « gaffe politique » commis par un individu isolé - néanmoins dirigeant national du PS - ou d’une dérive idéologique d’un certain nombre d’élites socialistes qui tentent de surenchérir sur des thématiques sécuritaires et nationalistes, en vue de mobiliser un « nouvel électorat » dans la perspective des présidentielles de 2007 ?

Refusant de tomber dans la caricature, Vincent GEISSER, politologue au CNRS, conduit ici une analyse comparative du Rapport Boutih et des Propositions du FN [4], en montrant que, s’il existe effectivement des convergences surprenantes entre les deux documents, il convient de rester nuancé : les propositions de M. Boutih ne versent jamais dans le racisme et le nationalisme radical du Front national (qu’il condamne à plusieurs reprises) mais s’inscrivent davantage dans un double registre « populiste » et « sécuritaire », traduisant le profond malaise d’un « parti de gauche » (le PS, héritier de la SFIO, fête cette année son centenaire) en crise de références et de valeurs.

Réalisme sécuritaire contre morale humanitaire

S’inscrivant dans le registre de l’expertise publique à usage partisan (le rapport est destiné à la direction du PS) [5], Malek Boutih tente de promouvoir une forme de réalisme politique (plus précisément une realpolitik appliquée à l’immigration) qui entend rompre définitivement avec toute considération morale et humanitaire. D’entrée le tableau est dressé : « Le débat sur l’immigration s’est souvent centré sur les enjeux législatifs et les principes des droits de l’Homme, il faut désormais aborder ce débat et les choix politiques pris en conséquence en s’appuyant sur la situation réelle de l’immigration en France » [6]. En somme, M. Boutih cherche à jeter les bases d’une politique de « bonne gouvernance » (Good governance) en matière d’immigration qui prenne ses distances avec les errements sécuritaires de la droite républicaine (une « politique injuste et inefficace bâtie par la droite ces dernières années ») mais surtout avec le supposé laxisme de la gauche socialiste. En effet, le rapport s’attache davantage à souligner les « effets pervers » des politiques migratoires conduites par les gouvernements de gauche que les dérives sécuritaires de la droite. Ainsi, Jean-Pierre Chevènement qui n’a pourtant pas la réputation d’un « irréaliste » ou d’un « utopiste » en matière migratoire se voit accusé par M. Boutih de double langage (il dit ce qu’il ne fait pas et il ne dit pas ce qu’il fait), rejoignant la catégorie boutihiste des ministres laxistes. Le procès de l’action de l’ancien ministre socialiste, actuel président du Mouvement des citoyens (MDC), est sans appel : « À cet égard, l’action de Jean-Pierre Chevènement se résume plus à des déclarations qu’à une politique alternative claire. Des régularisations dans le secret ont participé au flou de la situation, attaqué à la fois par la droite pour laxisme et par l’opinion de gauche pour sa passivité. Dans ces circonstances, la loi RESEDA, si elle était effectivement plus humaine, n’a pas marqué de rupture claire avec les politiques précédentes. Encore une fois, la gauche n’a fait que réparer les conséquences des lois Pasqua. Enfin, en instaurant l’asile territorial, temporaire et sans perspective, face à la pression migratoire, cette mesure a considérablement tendu la situation, provoquant l’arrivée de milliers d’étrangers sans aucune politique d’accompagnement » [7].
Pourtant, quelques lignes plus loin, dans un paragraphe intitulé « Nos acquis » (sous-entendu ceux du PS), M. Boutih semble approuver « les régularisations massives de 81, 88, et celle, plus partielle de 97, [qui] ont permis de donner un statut juridique à des familles immigrées, souvent installées en France depuis au moins 10 ans, les sortant ainsi de la marginalisation sociale et économique à laquelle leurs statuts les condamnaient. Il est donc clair que la gauche n’a fait que remettre du droit là où la droite avait laissé la clandestinité s’installer » [8].
Mais ce satisfecit adressé à ses camarades socialistes est bref, puisque M. Boutih conclue au caractère « contre-productif » des régularisations décidées par la gauche : « Contre-productives, parce que régulariser massivement sans changer de politique revient à accepter, donc à encourager, l’existence d’une immigration irrégulière. En effet elle encourage ceux qui, malgré la loi, considèrent que le plus efficace est d’être présent sur le territoire français et d’attendre une future régularisation » [9]. Des conclusions sévères à l’égard de la politique suivie par la gauche ces vingt dernières années que ne renieraient probablement pas Bruno Mégret du Mouvement national républicain (MNR) [10] et son ancien patron du FN, Jean-Marie Le Pen.

« Jusqu’au Boutihisme » : une argumentation populiste portant le sceau de l’ambivalence

A ce propos, il est parfois difficile de suivre Malek Boutih dans sa démonstration qui reproche, tantôt à la droite son obsession sécuritaire, tantôt à la gauche son manque de réalisme en matière d’immigration, recourant à des illustrations souvent contradictoires. Force est de constater que le rapport Boutih est bâti sur de multiples contradictions, laissant une impression générale d’incohérence. Tout en revendiquant et en assumant partiellement « l’héritage socialiste », M. Boutih prétend distribuer des bons points et des blâmes en matière d’immigration et contribue paradoxalement à faire le procès de la gauche, la droite apparaissant en ce domaine à la fois plus crédible et surtout plus constante. Comme le souligne fort pertinemment Jade Lindgaard dans le magazine Les Inrockuptibles, « pour bien décortiquer ce qui se joue de répressif et de rétrograde dans ce rapport, il faut faire une distinction entre les propositions concrètes et le climat idéologique du texte, plus diffus, mais clairement identifiable à un discours de l’autorité et de la faible remise en cause de la responsabilité de l’Etat dans la faillite d’un projet collectif respectueux des diversités et des égalités » [11]. En ce sens, le rapport Boutih repose sur une série de dissonances, l’universalisme humaniste et l’égalitarisme républicain côtoyant des registres répressifs et sécuritaires voire, dans certains passages, des analyses aux accents nationalistes et chauvins (la théorie du « tout fout le camp » planant comme une ombre tout au long du rapport). Pour cette raison, l’on peut se demander parfois qui est le véritable commanditaire du rapport car, à y regarder de plus près, c’est bien la gauche socialiste qui est sur le banc des accusés, les « acquis » du PS n’étant présentés que marginalement (à peine un paragraphe sur une dizaine de pages), comparés à ses « erreurs » et à ses « fautes » qui font l’objet de développements plus conséquents. De ce point de vue, on saisit mal comment le rapport Boutih pourrait s’insérer dans la « stratégie présidentielle » du PS pour 2007, à moins que ce dernier ne fasse son mea-culpa sécuritaire, choisissant de tourner définitivement le dos à ses idéaux humanistes et universalistes, au profit d’un nationalisme étriqué que certains qualifieront désormais de « jusqu’au Boutihisme ».

« Mauvais parents » : quand les familles immigrées produisent de la délinquance

Au-delà de l’ambivalence qui « structure » les analyses du rapport, c’est aussi une conception très spécifique des discriminations que développe Malek Boutih. Car, si l’ancien président de SOS-Racisme ne nie pas le phénomène de discrimination en France (il fut notamment à l’origine de la pratique du « testing »), il en retourne l’imputation causale. En deux mots : les individus et les groupes sociaux victimes de discriminations portent une certaine responsabilité de leur état d’exclusion. Ainsi, le secrétaire national du PS tend à euphémiser le phénomène du racisme en France en le ramenant à des problèmes de régulation et d’encadrement institutionnels des « immigrés » et de leur descendance. Ce type de raisonnement qui s’est malheureusement banalisé ces dernières années (cf. l’Appel contre le racisme anti-blanc) [12], y compris dans les milieux intellectuels, tend à cantonner le problème du racisme à la question de l’adaptabilité des « immigrés », la majorité des Français se sentant agressés par certaines déviances : « Sans pilote dans l’avion pour organiser et accompagner l’immigration en France, des phénomènes de discrimination se sont enracinés dans certains secteurs comme le logement et l’emploi. Face à ces injustices, la société française, dans sa grande majorité, s’est érigée en rempart et a su prouver ses valeurs de tolérance et de vivre ensemble » [13].
En bref : s’il y a de la discrimination en France, c’est un peu la faute aux discriminés qui développent des attitudes et des comportements déviants dans une société majoritairement tolérante et ouverte.

A travers cette rhétorique de l’anti-racisme à tonalité sécuritaire qui est devenue désormais le discours officiel d’associations comme SOS-Racisme ou Ni Putes Ni Soumises, on retrouve l’épouvantail du communautarisme et du « ghetto ethnique » qui seraient d’abord le fait des « immigrés » en défaut d’intégration. Le racisme de la Majorité ne constituerait en quelque sorte qu’une réponse critiquable mais compréhensible au communautarisme des minoritaires : « L’immigration des année 60 et 70 s’est enracinée dans notre pays, réussissant son intégration malgré la crise. Cependant, une partie de cette population qui aurait dû prendre totalement sa place dans la nation, s’est retrouvé enfermée dans des ghettos avec la tentation du repli communautariste comme protection face à cette marginalisation » [14].

De constat qui se veut « réaliste », Malek Boutih tente de pointer des responsabilités qui contribueraient, selon lui, à aggraver la situation de rejet de l’immigration.

Au premier rang desquelles les familles immigrées légalement installées sur notre territoire qui se feraient les complices directs ou indirects des réseaux clandestins : « Cette déstabilisation juridique a créé une jonction entre l’immigration régulière et l’immigration irrégulière, en organisant une solidarité.
Par exemple, quand une famille installée depuis longtemps en France n’ayant aucune garantie sur son droit de séjour constate que certains - arrivés plus récemment - peuvent obtenir plus facilement des titres de séjours, elle accepte alors d’aider les clandestins parce qu’elle peut être conduite à avoir besoin de cette même solidarité. Autrement dit, la loi est vécue comme injuste et aléatoire. Dans ces conditions, respecter la loi n’offre aucun avantage par rapport à ceux qui la contournent » [15].

Autres responsables de cette dérive communautariste, les parents immigrés qui seraient de bien mauvais éducateurs, si l’on en croit M. Boutih : par leur démission de leur rôle de parents, ils favorisaient ainsi la délinquance et les incivilités de leur descendance. On retrouve là un thème maintes fois développé par l’ancien président de SOS-Racisme dans ses interventions médiatiques : culpabiliser les familles qui n’ont pas su (ou pu) transmettre à leurs enfants l’esprit et les « vraies » valeurs de la citoyenneté française : « De plus, cette absence de stabilité en matière de droit au séjour a considérablement déréglé leur insertion en France. Ils se voient incapables de projeter leur avenir dans le pays et d’éduquer leurs enfants dans cet environnement faute de perspectives claires. On trouve là une des causes du malaise identitaire des jeunes issus de l’immigration. L’accès à la nationalité française est perçu de plus en plus comme un moyen de garantir une sécurité à vivre dans notre pays, et non comme un choix fort d’appartenance à la communauté nationale » [16].

Enfin, ce réquisitoire boutihiste serait incomplet, s’il ne visait pas les associations et les organisations non gouvernementales (la société civile) qui, par leur hyper-interventionnisme dans la « cause » des migrants, contribueraient à désorganiser l’administration française. En somme, pour M. Boutih, les associations de défense des travailleurs immigrés seraient, en grande partie, responsables de l’échec des politiques d’immigration : « Ce flou dans les règles a encouragé, comme seule régulation, l’intervention des associations, des personnalités morales et religieuses, ou encore d’élus, pour obtenir la délivrance de titres de séjour. Ce qui relevait auparavant du coup de pouce exceptionnel est devenu le lot quotidien de toutes les préfectures, au point que certaines mobilisent des agents administratifs uniquement pour répondre à ce type de sollicitations. L’administration est ainsi dans l’incapacité de faire appliquer la loi et d’apporter des éléments statistiques fiables pour mesurer la réalité de l’immigration » [17].

En définitive, l’analyse produite par Malek Boutih sur les politiques françaises d’immigration et sur le phénomène migratoire en général se greffe sur une vision à la fois autoritaire et sécuritaire, nuancée, il est vrai, par quelques considérations « égalitaristes ». Toutefois, ces quelques considérations humanitaires sont contrebalancées par des propositions dites « réalistes » qui classent davantage son auteur dans la galaxie de la droite nationaliste « dure » que dans celle de la gauche humaniste.

Des convergences évidentes avec le programme du Front national : quand la rose s’enflamme

Dès la première partie du rapport (« état des lieux »), Malek Boutih prend ses distances avec les thèses du Front national, appelant les dirigeants et les militants du PS à « sortir de la pression politique créée depuis des années par l’extrême droite. Son discours caricatural diabolisant l’immigration, les relents racistes de ces analyses choquent les citoyens et les militants qui, dans un réflexe sain, défendent les étrangers face à ces agressions et mettent en avant les aspects positifs de l’immigration » [18].

Toutefois, il précise plus loin que « si la bataille morale contre l’extrême droite est indispensable, elle ne permet pourtant pas d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui apparaissent dans notre société. À refuser d’aborder l’immigration dans toutes ses réalités, on finit par reculer sur le terrain moral faute d’appui sur le réel. C’est ainsi que l’extrême droite continue de prospérer sur cette thématique vécue dans l’opinion publique comme un tabou politique » [19]. En langage clair, cela signifie que pour l’ancien président de SOS-Racisme la meilleure façon de lutter aujourd’hui contre l’extrême droite, c’est de faire « du Le Pen sans Le Pen » ou encore de « détabouiser » certaines thématiques défendues par le FN pour les transformer en axes de réflexion et d’action politiques.

Bien sûr, on peut voir une contradiction majeure dans la « démarche boutihiste » qui consiste à résister aux pressions de l’extrême droite, non pas en les combattant frontalement mais en les assimilant partiellement au jeu politique commun. C’est ici que l’hommage du FN au « bon sens » de l’ex-président de SOS-Racisme prend toute sa mesure : « la lepénisation des esprits est en marche » [20] et le rapport Boutih est sans aucun doute emblématique de ce processus. En effet, sur cinq points au moins, l’on peut noter des convergences flagrantes avec les Propositions de Jean-Marie Le Pen pour les présidentielles 2002 [21]. Dans un souci de clarté, livrons-nous à une brève analyse comparative en confrontant directement le texte du Rapport Boutih à celui du Front national.

· L’abrogation et la limitation du regroupement familial

. Rapport Boutih : « Il n’y aura plus de regroupement familial automatique ».

. Propositions Le Pen : « Le regroupement familial est, aujourd’hui encore, responsable de l’entrée en France, chaque année, de dizaines de milliers de femmes, d’enfants ou de proches de travailleurs étrangers présents en France : il est impératif d’abroger ces dispositions. Le regroupement familial doit se faire dans le pays d’origine ».

· Interdire la double nationalité

. Rapport Boutih : « Les différentes conventions bilatérales signées avec les pays, tiers devront êtres renégociés afin de clarifier les statuts civils ou de nationalité des citoyens originaires de ces pays. L’objectif est de mettre fin aux statuts bi-nationaux ainsi qu’aux pratiques non conformes au code civil français, en matière de mariage et de filiation particulièrement ».

. Propositions Le Pen : « Sauf cas de réciprocité, la France interdira à ses nationaux d’être également citoyens d’un pays étranger. Les binationaux actuels devront choisir : soit rester français et renoncer à leur autre nationalité, soit abandonner la nationalité française ».

· Fonder la naturalisation sur l’assimilation culturelle

. Rapport Boutih : « Les candidats retenus auront une préparation à l’immigration durant un trimestre avant leur arrivée, au cours duquel leur sera dispensée une formation linguistique minimum, ainsi que des informations sur le pays et la région d’accueil. Une pré-formation professionnelle sera effectuée sous la responsabilité et avec le financement des entreprises concernées ou de leur syndicat professionnel [...]. Les nouveaux immigrés devront, enfin, au moment de la délivrance de leur titre de séjour (carte rouge), prêter serment au respect des lois de la République, de la laïcité et de l’égalité homme-femme ».

. Propositions Le Pen : « Toute procédure d’acquisition automatique (“droit du sol”) sera abrogée. La seule procédure d’acquisition de la nationalité française désormais reconnue sera la naturalisation, laquelle suppose donc le désir de devenir français, désir exprimé sous la forme d’une demande expresse. Cette naturalisation ne pourra être obtenue qu’après vérification de l’assimilation du candidat, c’est-à-dire l’acquisition démontrée, par le candidat et ses proches mineurs, des valeurs spirituelles, des mœurs, de la langue et des usages qui fondent la civilisation française ».

· Une immigration non définitive : réforme du titre de séjour

. Rapport Boutih : le secrétaire national du PS propose d’instaurer trois titres de séjour revoyant à des cartes de couleurs différentes, Bleu-Blanc-Rouge (BBR) : « Les nouveaux immigrés se verront attribuer cette carte [rouge] dés leur arrivée sur le territoire ainsi qu’une autorisation de travail effective immédiatement. Deux autres types de titres de séjour particuliers seront instaurés. Leur particularité consistera à permettre un mouvement migratoire sans installation définitive sur le territoire. Ils concerneront ceux qui, pour de multiples raisons, ont besoin de faire des allers-retours entre leur pays et la France. Aujourd’hui, faute d’un dispositif adéquat et d’assurance sur l’octroi de visa, ceux-ci prennent le risque de la clandestinité. C’est l’effet cliquet des frontières fermées que l’on peut ainsi démonter. Un titre de séjour périodique, la carte bleue, valable cinq ans et renouvelable permettra à des étrangers un séjour et une autorisation de travail pendant six mois cumulés ou non. Les bénéficiaires seront les travailleurs saisonniers, les chefs d’entreprise, les commerçants, les chercheurs etc. Ce titre ne permet pas une installation définitive ou régulière sur le territoire. Un titre de séjour étudiants, la carte blanche, avec autorisation de travail et valable cinq ans non renouvelable sera utilisé pour les étudiants étrangers. Ce titre ne donne pas droit à une installation définitive sur le territoire. Les titulaires des cartes bleus ou blanches désirant s’installer définitivement devront déposer une demande aux agences 2A2I de leur pays d’origine. Leurs demandes seront prioritaires à condition de n’avoir aucun moment enfreint la législation au séjour conditionnant leur statut ».

. Propositions Le Pen : « Les cartes de séjour actuellement délivrées pour dix ans et automatiquement reconductibles seront remplacées par des cartes d’un an non renouvelables automatiquement. Les immigrés en situation régulière sont censés résider en France pour y travailler. S’ils n’ont plus de travail, il est logique que leur départ soit envisagé. Les chômeurs étrangers arrivant en fin de droits verront leur carte de séjour devenir caduque. Ils seront, à ce moment, invités à retourner dans leur pays d’origine ».

· Organiser le co-développement et le partenariat

. Rapport Boutih : « La réduction des inégalités Nord-Sud doit rester une priorité forte, non pas pour empêcher l’immigration, mais pour la maîtriser. Les aides structurelles au développement restent, à cet égard, essentielles, mais force est de constater que celles-ci ont peu d’impact dans les sociétés concernées et restent accaparées par les appareils d’Etat ».

. Propositions Le Pen : « Le retour des immigrés chez eux devra s’opérer dans des conditions décentes, en liaison avec les États dont ils sont originaires, surtout quand ceux-ci relèvent de la sphère francophone. L’aide aux pays du tiers-monde sera proportionnelle au nombre de leurs ressortissants qui rentreront chez eux. Cette aide ne sera plus prodiguée directement à l’État concerné : elle passera par le canal de sociétés mixtes d’appui à des projets de développement agricole ou économique portés par des ressortissants immigrés retournant dans leur pays d’origine. Toute formation professionnelle d’un apprenti ou d’un salarié d’origine immigrée sera conditionnée par un contrat de retour dans son pays d’origine ».

· Malek Boutih copieur du FN mais aussi « innovateur sécuritaire »

Mais l’ancien président de SOS-Racisme, membre du Bureau national du PS, ne s’est pas seulement contenté de plagier le programme du FN. Il a su également introduire un certain nombre d’innovations sécuritaires visant à mettre fin définitivement au « laxisme » des politiques migratoires. Outre la proposition d’instaurer des quotas qui mériterait à elle seule toute une analyse [22], le rapport Boutih avance l’idée de création d’un « livret sanitaire » qui rappelle étonnement le Carnet anthropométrique individuel et collectif (1912) ou, pire, le Livret ouvrier supprimé en 1890 : « Un livret de suivi sanitaire, scolaire et familial permettra aux candidats retenus de préparer en amont leur arrivée et servira aux agences 2A2I de métropole à suivre leur parcours » [23].

En guise de conclusion :

Boutih : emblématique de l’aveuglément moral et électoral du PS

Il est clair que le rapport confidentiel du PS, Une nouvelle politique de l’immigration, rédigé par Malek Boutih ne saurait être considéré comme une œuvre collective, produit d’un processus de consultation interne à l’échelle partisane. Il reste un acte individuel qui, compte tenu de la polémique suscitée, aura peu de « chance » d’être homologué par le PS. Toutefois, ce caractère individuel du rapport n’exonère pas totalement la direction socialiste qui, rappelons-le, a commandé l’expertise à une personnalité réputée pourtant pour ses positions souvent démagogiques et populistes sur les questions d’immigration et des banlieues. A ce niveau, force est d’admettre que Malek Boutih n’en est pas à sa première provocation et son impopularité va croissante chez les Français héritiers de l’immigration et au-delà dans les quartiers populaires, qui l’affublent du surnom de « Bounty, noir dessus, blanc dedans », pour mieux signifier leur réprobation à l’égard d’un homme qui incarne désormais la dérive sécuritaire d’un certain anti-racisme médiatique. Plus encore, l’on peut s’étonner que la direction PS reste étrangement silencieuse sur le « cas Boutih », refusant de condamner ouvertement la tonalité lepéniste de certaines de ses propositions. Malek Boutih reste à son poste : jusqu’à ce jour, aucune sanction politique n’a été prononcée à son encontre. Pour moins que cela, l’on se souvient que la Note interne de Pascal Boniface [24] avait suscité la montée au créneau de certains leaders socialistes qui avaient agité à l’époque les risques de dérives communautaristes (Juifs contre Arabes/Arabes contre Juifs). Aujourd’hui, un membre éminent du Bureau national du parti a clairement franchi la « ligne brune », en reprenant à son compte certaines analyses et conceptualisations populistes du Front national et du Mouvement national et républicain, ce que la droite républicaine n’avait même pas osé faire. Aucune voix parmi les leaders nationaux du PS n’a encore dénoncé cette dérive. Le silence vaut ici approbation. Mais plus encore, il est symptomatique de la profonde crise morale qui traverse aujourd’hui le Parti socialiste dans son ensemble et qui pourrait se transformer dans les prochains mois en crise politique et électorale.

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Source TERRA : http://marseille.naros.info/article.php3?id_article=815
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SITE http://terra.rezo.net
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ANNUAIRE http://terra.rezo.net/rubrique11.html
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Vendredi 27 mai de 9 h à 18 h,

"MIGRATIONS ET ASILE AU MAGHREB...
au centre des nouvelles relations Afrique - Europe"

Univ. Paris 1, 12 place du Panthéon, Paris 5e, salle n°1
Infos : http://terra.rezo.net/article287.html

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A lire obligatoirement (!) :
"L’Europe des camps", Cultures & Conflits, n°57, avril 2005
http://terra.rezo.net/article307.html
"Etrangers : la mise à l’écart", Politix, n°69, avril 2005
http://terra.rezo.net/article313.html
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ABONNEMENTS http://terra.rezo.net/rubrique40.html
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ARCHIVES http://listes.cines.fr/wws/arc/terra
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AIDE valluy@univ-paris1.fr


[1« Quand Boutih copie Jean-Marie... », Français d’abord, vendredi 13 mai 2005, accessible sur le site officiel du Front national : http://www.frontnational.com/quotidien.php.

[2« Quand Boutih copie Jean-Marie... », Français d’abord, ibid.

[3Ibid.

[4Front national, « Nos propositions », chapitre « Immigration », consultable en ligne
http://www.frontnational.com/doc_prop_identite.php.

[5Malek Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, rapport confidentiel pour le Premier secrétaire du Parti socialiste, 2005.

[6Extrait du Rapport Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, Parti socialiste, 2005. Les extraits du rapport Boutih sont en italiques et entre guillemets.

[7Malek Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, ibid.

[8Ibid.

[9Ibid.

[10Le lecteur pourra se reporter également au programme du MNR, « Pour que vive la France. Les mesures : pour l’avenir du peuple français » et plus particulièrement au chapitre « Immigration », sur le site officiel du MNR :
http://www.m-n-r.net/programme.htm.

[11Jade Lindgaard, « Malek Boutih classé X », Les Inrockuptibles, 4 au 10 mai 2005.

[12Appel lancé par sept personnalités : le théologien musulman Galheb Bencheikh, le cinéaste Elie Chouraqui, l’écrivain d’origine iranienne Chahdortt Djavann (auteur de Bas les voiles), l’éditorialiste Jacques Julliard, l’ancien ministre Bernard Kouchner, le directeur de recherche au CNRS Pierre-André Taguieff et le philosophe Alain Finkielkraut.

[13Malek Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, ibid.

[14Ibid.

[15Ibid.

[16Ibid.

[17Ibid.

[18Ibid.

[19Ibid.

[20« Quand Boutih copie Jean-Marie », Français d’abord, 13 mai 2005.

[21Front national, « Nos propositions », chapitre « Immigration », consultable en ligne
http://www.frontnational.com/doc_prop_identite.php.

[22« Nous proposons de mettre sur pied une politique de quotas des flux migratoires permettant de prévoir les besoins et la capacité d’accueil de notre société. Ces quotas seront constitués sur la base du nombre d’immigrants que la France accueillera chaque année et concernera les pays qui ont des relations historiques, économiques et politiques avec la France, comme le Maghreb, les pays de la zone CFA ou certains pays de l’Est de l’Europe membre ou non de l’Union ».

[23Malek Boutih, Une nouvelle politique de l’immigration, ibid.

[24Pascal Boniface, « Le Proche-Orient, les socialistes, l’équité internationale, l’efficacité électorale », Note envoyée en avril 2001 à François Hollande et Henri Nallet.

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