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La drague n’est pas la séduction.

par CD

Publie le mercredi 14 septembre 2016 par CD - Open-Publishing
5 commentaires

La drague n’est pas la séduction.

La drague est surtout masculine (pas que) et dans l’espace public. Un homme aborde une femme sur n’importe quel prétexte afin de partager du temps avec elle au bar en buvant un verre.

Cela - au passage - n’a rien à voir avec la suite de propos sexistes (franchement humiliants ou faussement positifs) adressée par plusieurs hommes à n’importe quelle femme qui passe dans le but d’assoir une domination masculine via le harcèlement de rue. La drague n’est pas harcèlement de rue par les beaufs machistes qui n’entendent eux entreprendre aucune relation avec une femme. Ils ne prennent aucun risque. Ils s’arrogent tous les droits pour déconsidérer, humilier une femme sexy ou non. Dans le harcèlement, la femme n’est pas choisie car jugée jolie (par exemple). Toute femme peut subir la chaîne des injures sexistes. Les jolies femmes en ramassent plus peut-être.

Revenons à la « drague  ». Ce passage au bar par le "dragueur" (catégorie réductrice) est souvent conçu comme une étape vers le fameux « et plus si affinité ». Dans ce passage, de nombreux hommes se font éconduire et font plus ou moins durement l’épreuve que le « peut-être » se termine par un « non » ferme qui casse toute anticipation joyeuse. Ce qu’on nomme vulgairement « se prendre un râteau » . Pourtant de nombreux hommes recommencent. Le sociologue Simmel a expliqué (&) que les hommes prennent gout à cette tension, à cette incertitude entre ce qui est donné et ce qui est refusé par les femmes.

Le « peut-être » est cet espace de séduction ou se lit ce qui est donné et ce qui est refusé . Le « peut-être » est aussi ce langage des signes corporels, verbaux et infra-verbaux adressé à l’autre dans la séduction. « Refuser et accorder, c’est ce que les femmes savent faire à la perfection, et elles seules », écrit Simmel (1). Dans ce jeu il y a un enjeu : il importe de bien saisir le premier instant car soit il est vécu comme agréable soit comme gênant. Si vous indisposez alors , pour ne pas passer pour ou devenir un « mec lourd » (cf Natacha Henri - Laffond 2003), n’insistez pas. Ecartez-vous immédiatement si vous êtes près d’elle. Et un « désolé » ou « excusez-moi » peut être bien venu pour rattraper la mauvaise « accroche » !

Il y a aussi le risque inverse de réduction de l’homme - être humain digne et respectable - à son regard, à sa pratique mais en préjugeant ici un manque d’estime et de respect pour les femmes et donc à un statut de "dragueur" méprisé. La suite du "non c’est non" ce n’est pas le mépris mais la montée en dignité mutuelle et respect. Et donc le maintien de ce qui va avec : la politesse ordinaire qui est la marque de la dignité assurée.

Christian Delarue

https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-1-page-183.htmRE

11 thèses ou hypothèses contre la répression sexiste contemporaine. C Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/11-theses-ou-hypotheses-contre-la

Messages

  • prochain article de CD : la galanterie

    albarot

    il y a un progrès chez CD, il ne commente plus ses propres articles

  • Ben moi je trouve cet article de CD intéressant. On sort du textile pour une bonne analyse de la "drague lourde" ou du "harcèlement de rue", très problématiques "aussi" dans les luttes. Je l’ai souvent constaté le soir à République, ce problème n’a jamais été vraiment pris en compte par Nuit Debout, ni par les autres d’ailleurs. Si on souhaite une présence féminine le soir dans les lieux de luttes, de discussion ou de balades, il faut remédier à cela. Y’à quand même des mecs "très" lourds le soir à Paris.

    • Voir une jolie femme et « monter » en sublimation, en considération !

      Qu’un homme puisse devenir antisexiste ou pro-féministe n’a rien de naturel et en tant que construction sociale progressive on puisse admettre que des progrès sérieux soient clairement observables, on ne saurait considérer pour autant, que ce soit chose acquise et que nul retour en arrière ne soit à craindre.
      Abordons une forme de sexisme relativement ordinaire.

      Le harcèlement ne porte pas que contre les jolies femmes (jugées telles) mais notre toutes puisqu’il s’agit pour ce type d’hommes (c’est plus rarement des femmes) de manifester son pouvoir de domination et non une quelconque approche de séduction même maladroite ;

      Mais il y a aussi le fait de soudainement être subjugué ou épris par la beauté d’une femme. C’est l’objet de ce texte. On parle assez peu de cette expérience marquante. Ce qui suit alors cet instant très marquant, ou l’image perdure longtemps avec force, dépend du fait 1) qu’elle soit déjà connue auparavant ou non et 2) qu’elle soit déjà appréciée ou non.

       Si elle n’est pas connue on va peut-être chercher à la rencontrer (si on est libre par ailleurs).

       Si elle est déjà connue depuis plusieurs mois, c’est qu’il y a eu conjonction de facteurs. C’est qu’on l’a vu très belle - plus qu’à l’ordinaire - mais aussi que l’on a senti ou-et appris qu’elle était disponible (divorce ou dispute dans le couple, etc...). Sachant qu’il faut penser que le regard de cet homme qui regarde n’est pas neutre, à savoir qu’il construit pour partie la beauté de ce qu’il voit parce que lui-même se sent disponible.

       Là soit la personne était déjà appréciée soit elle ne l’était pas auparavant ;

       Dans ce dernier cas il y a défaut de congruence. Il va s’agir alors de conserver du respect, soit le smic de la dignité humaine, puisqu’on ne partage pas les positions courantes ou le caractère de la dite personne que l’on a pu trouver par ailleurs physiquement très séduisante. La montée en respect et non en mépris humain est le signe que l’on a pu choisir la pente positive. Une pente conforme à une position non sexiste.

       Dans l’autre cas, il y a congruence. Soit c’est réciproque et c’est un amour naissant qui va possiblement se construire. Soit ce n’est pas réciproque et c’est alors une montée en considération, en admiration qui suit le moment ou la personne est jugée très belle. Il est plus aisé d’avoir de la considération pour une personne que vous jugez positivement tant physiquement que spirituellement que d’avoir un respect maintenu pour une personne dont vous avez pu apprécier la beauté physique mais en discordance avec sa mentalité ordinaire.