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A propos du FdG, à propos du Front commun

par Abbé Béat

Publie le mercredi 26 octobre 2016 par Abbé Béat - Open-Publishing
9 commentaires

A propos du Front de Gauche (FdG), à propos du « Front commun ».

A) La société actuelle :

« L’ex communiste encarté » que je suis a signé l’appel « Pour un front commun » pour une raison essentielle : il appelle à voter JLM. Je pense en effet, bien que cette candidature ne s’inscrive plus aujourd’hui dans le cadre du FdG tel qu’il s’amorçait en 2012, qu’elle peut à terme permettre de le relancer ou de relancer une construction politique de ce type. Et ceci, en dépit du retard de quatre années perdues en discussions oiseuses et qui ont certainement eu leur part dans le choix, que je crois par défaut, mais malheureusement aujourd’hui bien installé dans le paysage politique, fait par JLM d’une candidature « solitaire », « hors des partis », ceux qui étaient à l’origine du FdG. J’impute, pour ma part, essentiellement au PCF, cette dérive funeste, mais qu’il peut encore rectifier. Le PC n’a voulu utiliser le FdG que de manière électoraliste, sans profiter de l’acquis ainsi obtenu pour développer les potentialités de cette union naissante, qui sont d’une importance bien supérieure.

La raison de cette attitude a contribué à une époque antérieure (Robert Hue) à m’éloigner du PC : il s’agit de l’abandon par celui-ci de la méthodologie marxiste (essentiellement : la lutte des classes) pour comprendre et agir sur le monde de plus en plus aux mains d’un capitalisme, à terme mortifère.

J’ai rédigé un texte afin d’en discuter avec des amis « ex » ou « encartés », mais sa longueur est peu compatible avec les commentaires qui accompagnent aujourd’hui l’appel « Front commun ». Je le résume à la suite du commentaire de J. Relinger qui évoque des aspects voisins de ceux que je crois importants, mais ce raccourci peut apparaître très simpliste : je suis évidemment disponible pour préciser les choses, et transcris ci-après mon texte de départ, à toutes fins utile…

1) Le capitalisme, sous sa forme actuelle financiarisée et mondialisée nous conduit à des catastrophes. Il a changé depuis son analyse par Marx, car alors il débutait tout juste. Mais son fondement n’a pas changé : il s’agit toujours de « l’exploitation de l’homme par l’homme » à travers l’exploitation d’une « classe sociale » (ceux qui travaillent) par une classe qui détient « les moyens de production » et par là-même le pouvoir d’exploiter (la « bourgeoisie » ou classe des exploiteurs). L’outil de cette exploitation est le prélèvement de la « plus-value » (je passe sur les détails…). La classe exploiteuse (le Capital), c’est le 1% de Pierre Laurent, la classe exploitée le 99% du même. Il y a donc toujours lutte des classes (cf Warren Buffet) …

2) Mais la multitude de la classe exploitée (les 99%) s’est considérablement complexifiée. Et on ne peut faire l’économie d’y regarder de plus près. Depuis le « fordisme » des années 1930, et le New Deal, puis le Blairisme et la « nouvelle gauche » encore nommée plus péjorativement « la gauche caviar » ou les « bobos », puis les « deux gauches irréconciliables », les choses sont devenues très embrouillées. Je pense n’être pas le seul à constater que cette complexité croissante n’a pas été beaucoup théorisée du côté des marxistes engagés dans le combat politique, comme on l’était au PC : d’où un retard qui a malheureusement motivé l’abandon de la théorisation marxiste, probablement remise aux oubliettes après le « capitalisme monopoliste d’état », dernier effort théorique du PCF, aujourd’hui appartenant au passé…

Ceux qui s’en sont préoccupés et qui émargeaient plus ou moins aux appellations péjoratives ci-dessus, ont tordu les choses à leur profit (qu’on pense par exemple aux socialistes de Terra Nova promouvant les classes moyennes comme révolutionnaires désormais, et vouant les classes populaires aux orties du FN). Ceux qui cherchaient à faire cette actualisation du marxisme, pour la bonne cause, comme Marx lui-même et d’autres après lui le faisaient en leur temps, sont peu nombreux, et certainement peu écoutés par un parti politique tel que le PC. J’ai repéré deux de ces « rénovateurs ». Il y en a sans doute d’autres mais ma culture politique est loin d’être universelle. Je prendrai donc seulement ces exemples, au demeurant représentatifs : le blogueur Descartes, qui voue aux gémonies les classes moyennes, mais, me semble-t-il, sans nuances suffisantes qui permettent de distinguer dans sa critique des voies de salut, et le philosophe marxiste Jacques Bidet, d’ailleurs signataire aussi de l’appel Front commun.

Pour ce dernier, dans ses écrits que j’ai pu lire (c’est quelquefois difficile pour un non philosophe !), il n’aborde cependant pas nettement « la suite », c’est à dire ce que l’on pourrait tirer de ses analyses « en vue de changer les choses ». En un sens, c’est d’ailleurs normal : il est philosophe, et c’est aux partis politiques intéressés par son analyse de faire ce travail, notamment au PC, autrefois marxiste. Toutefois, je retiens des réflexions de ces deux analystes une approche de classe, mettant en scène « trois classes » pour comprendre le monde actuel. J’utiliserai un vocabulaire qui n’est pas tout à fait le leur. Parmi les exploités actuels, il faut distinguer deux sous-catégories : a) des « exploités totaux ». Ce sont ceux que Marx nommait « classe ouvrière » et que l’on peut aujourd’hui nommer « classe populaire » : ils ne reçoivent du Capital « que ce qui permet la reconstitution de leur force de travail » ou peu s’en faut (je simplifie un peu car le chômage devenu permanent bouscule un peu la donne). b) des « exploités partiels » qui sont délestés comme les premiers de la « plus-value » mais qui reçoivent simultanément une rétrocession de celle-ci, dégressive du haut en bas de l’échelle.

Elle rémunère pour une part leur compétence et leur travail, et pour une autre part ce que l’on peut qualifier leur capacité à drainer au profit du capital un maximum de plus-value. Ils sont donc des serviteurs zélés et pour beaucoup, intelligents et cultivés du capital. Ce sont les « experts et compétents » de Jacques Bidet et même pour la crème d’entre eux : les « compétents dirigeants ». Ce sont évidemment dans cette dernière catégorie que l’on trouve nos dirigeants politiques socialistes actuels. Pourquoi dire que cette catégorie constitue une classe au sens de Marx ? Parce qu’ils sont concrètement exploités (partiellement) « en soi », et, simultanément, « exploiteurs » (partiellement) « pour soi »… puisque à des degrés divers, bien sûr, ils aident le Capital à prélever sa plus-value. Ils sont, dans la terminologie marxienne contradictoirement exploités et exploiteurs « pour soi ». Selon leur nature (plus ou moins égoïstes ou altruistes), selon les circonstances (milieu familial, réseaux d’amis, emploi, période historique, etc…) ils pourront être d‘un côté ou de l’autre et même passer d’un côté à l’autre, et inversement, tout au moins pour certains d’entre eux.

On peut aujourd’hui les désigner, faute de mieux, comme les « classes moyennes », en amalgamant haut et bas de la catégorie. En dehors de leur plus ou moins grande richesse, ce qui les distingue principalement des « exploités totaux » et qui, à mon avis, les identifie tout particulièrement comme classe, est lié à leur expertise ou compétence que l’on peut, par exemple, mesurer avec l’unité « bac » : ils sont bac+2, bac+3, bac+5, etc… Ils ont ainsi un « capital intellectuel » qu’ils pensent pouvoir opposer (ou monnayer), à celui (sonnant et trébuchant) des capitalistes. Ils sont portés à se représenter comme une classe à part, vis-à-vis du Capital et de la classe des plus exploités qu’eux. D’où cette idée de « trois classes ». Plus bas dans l’échelle, les couches moyennes inférieures, et surtout les classes populaires ne disposent pas de l’atout du « capital intellectuel », et franchir la barrière leur permettant d’accéder au statut correspondant est, dans ce système capitaliste et en dehors de quelques exceptions, impossible. Le clivage est énorme et c’est sans doute ce qui est l’obstacle majeur à une union entre classe moyenne et classe populaire, c’est-à-dire entre exploités en tous genres et intensités… donc entre partis politiques qui se posent en défenseurs privilégiés des uns et des autres, et qui émanent plus ou moins de ces catégories.

Il est clair que dans un pays comme la France, dans le 99%, la proportion entre classe moyenne et classe populaire est à peu près équilibrée… et même favorable actuellement aux classes moyennes (puisque, à travers leur parti politique « de gauche » - le PS - elles ont conquis le pouvoir). Pour renverser cette situation au profit des couches populaires et moyennes basses (étant entendu qu’au niveau des hautes il n’y a pas trop de soucis à se faire : leur statut « d’experts » les protégera toujours, car on ne peut se passer d’eux, sous le capitalisme ou sous un quelconque « socialisme ») on ne peut y arriver qu’en unissant des forces politiques qui émanent des deux bords et ont conscience de la nécessité de cette union, ne serait-ce démographiquement, que pour disposer d’un volume d’électeurs convaincus ou à convaincre suffisant !

Malheureusement, l’option actuellement choisie par le parti majoritaire des couches moyennes qu’est le PS a résolument opté pour le giron du capital, pour l’union avec celui-ci. Il ne peut convenir : on ne peut compter sur lui, en tant que force politique de transformation sociale ; il vit et prospère dans le capitalisme et cherche égoïstement à en profiter, au niveau de ses élites, et un peu moins, sans doute, pour ses catégories moins cotées… mais dont la majorité suit plus ou moins bien le mouvement, dans la mesure où ce PS a pu conquérir le pouvoir. Que faire alors ?

Unir les portions de forces politiques qui, pour ces deux classes exploitées modernes ont fait le choix de cette stratégie d’union, même si c’est quelquefois à contre-cœur (d’un côté et de l’autre, d’ailleurs). C’était en l’occurrence le cas qui se présentait avec le FdG initial. Il faut le remettre en selle. Mais cela suppose, de la part du PC un sérieux effort pour replacer sa pensée dans le contexte de lutte des classes et de lutte des classes de notre temps. De la part du PG et de Mélenchon cela exige de regrouper leurs forces en un parti politique se reconnaissant sans conteste comme celui des classes moyenne, décidées à une transformation sociale (ce qui est plus ou moins acquis, avec le PG). Mais l’isolement de JLM de ce parti et son option d’une nouvelle structure (les Insoumis) qui voudrait être le seul parti du peuple, complique les choses, car elle ignore la structuration en classes sociales actuelles, avec cette « troisième classe » impossible à ne pas prendre en compte, au côté de la classe populaire. Le PG représente grosso-modo cette classe moyenne dans sa version susceptible de s’associer à la classe populaire : il faut qu’elle s’étoffe.

Mais il lui est difficile de se poser en défenseur de tout le peuple, y compris les « exploités totaux ». Par contre ceci peut être matérialisé par un PG en union avec un PC se vouant quant à lui, plutôt à la cause des plus exploités. Cela s’ébauchait bien avec le FdG à l’origine. Un tel FdG grossira par effet « boule de neige » en agglomérant d’autres forces de la société civile, plus spécialisées dans la défense de certaines catégories : d’abord des syndicats, mais aussi des ONG, des « mouvements » (écologistes, féministes… humanistes et progressistes), certains « frondeurs » du PS, sans compter des citoyens « non encartés ». C’est cet ensemble qui fait le « peuple » que le candidat JLM veut unir sous la formulation des « insoumis » et que Pierre Laurent, quant à lui, nomme les « 99% ». Mais ce rassemblement ne peut être efficace sans l’engagement fraternel des deux forces politiques essentielles disponibles aujourd’hui et qui peuvent spécifiquement les représenter : le PC et le PG, chacune préférentiellement liée à l’une des deux sous-classes caractérisant précisément ce peuple. Après tout, ces deux forces politiques représentent bien ces deux entités dont l’une : la classe moyenne est fille ou petite-fille, historiquement, de l’autre, la classe populaire… Mais il est apparu deux formules principales pour faire cette union…

B) Front de Gauche ou Front commun.
La première apparue est, comme on le sait, le FdG . Mais il a été pratiquement abandonné ou utilisé, par exemple par le PC, comme un appendice de sa dénomination (PCF- Front de Gauche) à la signification problématique, puisque ce FdG est généralement décrié par la direction du PCF (voir les déclarations incendiaires de Dartigolles et quelques autres…). Mais il était une union des deux partis politiques fondamentaux ci- dessus décrits.

JLM lui a substitué le terme de « les Insoumis » … Quant à la nouvelle dénomination de Front Commun elle semble vouloir s’opposer à FdG et « Insoumis » puisqu’elle semble vouloir représenter un ensemble type Podemos ou Syriza, qui aurait vocation à englober de manière égalitaire toute une panoplie d’organisations, dans laquelle toutes seraient sur un même plan : PCF, Insoumis, Ensemble, frondeurs, syndicats, ONG diverses (écologistes, féministes, pacifistes, etc…). Tout cela n’a pas le mérite de la clarté … Et fait abstraction de ce que nous avons défini comme une « troisième classe ». Par là-même, d’ailleurs, on gomme des différences essentielles entre « exploités totaux » et « partiels » que nous avons précisées ci-dessus. On risque de ne satisfaire pleinement ni les uns ni les autres… ce qui explique peut-être le comportement négatif vis-à-vis de JLM, au PC … et qui se répercute forcément au PG et chez les « insoumis » de JLM, vis-à-vis du PC. Est-ce la bonne solution ?

Je pense que la formule initiale du FdG en tant que « cartel » de partis qui ont leur spécificité, mais des points de convergence en commun, devrait être remise à l’ordre du jour. Elle implique un sérieux effort de part et d’autre…mais il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Une première étape marquant la volonté de fraternité retrouvée ou pouvant être exploitée comme telle, est le soutien « officiel » du PG et du PC à la candidature de JLM. Elle aura son pouvoir d’entrainement et préparera une suite favorable (par exemple ce « néo FdG ») que les tergiversations actuelles ne font que retarder…

Messages

  • Réinventer la roue...Marx n’avait-il, à son époque, pas perçu cette classe "sous prolétarienne" ? Quelque chose comme ’Lumpen Klasse’.
    Et puis faut arrêter de se faire des noeuds dans le cerveau, le peuple français est majoritairement de droite, et tout épisode électorasite, passé, présent et à venir, ne sera qu’un accident de l’histoire. Entendre par là qu’il s’agit bien plus de l’expression d’un rejet que d’une réelle volonté progressiste, humaniste, communiste et de tourner définitivement le dos au capitalisme.
    La voie électoraliste, telle que pratiquée actuellement,ne nous purgera pas d’une hypocrisie et d’un cynisme latent propre à tout carrièriste politicien, JLM y compris.

  • Le problème, c’est que le PCF n’a jamais voulu qu’il puisse y avoir des adhésions directes au Front de gauche, il préférait que ce soit un cartel de partis (où il pouvait régner en maître puisque c’est le PCF qui est le plus "gros"). C’est sans doute pourquoi Mélenchon a créé les Insoumis, qui a une forme plus mouvementiste. Je pense que ça n’empêche pas que le PCF trouve sa place, mais visiblement les communistes préfèrent jouer la carte Montebourg (vous savez, celui qui a intrigué avec Hamon pour que Valls soit nommé Premier ministre).

  • D’après l’article, le PS représenterait les classes moyennes collaborant avec le capital, le PG représenterait les classes moyennes progressistes, le PCF les classes populaires.

    Une des divergences au sein de l’ex FdG est le rapport au PS : le PCF ne veut pas rompre les ponts avec le parti collaborant avec le capital, le PG dit qu’il le veut.

    N’est-ce pas une contradiction, n’est-ce pas une grosse erreur de penser que le PCF actuel représente les intérêts des classes populaires (dont il est de fait coupé... comme les autres) ?

    • Mais le réalisme électoral pousse au rassemblement au second tour.
      E Coquerel (PG) avec P LAURENT (PCF) en fusion de liste avec le PS au second tour des régionales en IDF.
      Idem en Auvergne - Rhône Alpes, les 3 listes du premier tour EELV PG, PCF, PS ont fusionné dans une liste commune.
      Rien de scandaleux et de compromettant.

    • Mais le réalisme électoral pousse au rassemblement au second tour.

      Et on voit où ça nous a menés...

      Non, décidément, je ne crois pas que ce soit par là, la sortie.

      Idem en Auvergne - Rhône Alpes, les 3 listes du premier tour EELV PG, PCF, PS ont fusionné dans une liste commune.
      Rien de scandaleux et de compromettant.

      Fusionner avec ceux qui file plein d’argent public aux entreprises et aux écoles cathos, qui cassent le code du travail, les retraites, qui envoient les syndicalistes en prison et les flics contre les manifestants (de gauche, ceux de droite sont mieux traités, on le constate encore ces jours) etc etc etc, moi je trouve ça "scandaleux et compromettant".
      Mais surtout totalement contreproductif : allez ensuite expliquer aux travailleurs qu’une politique de gauche serait bonne pour eux !

      Bref, je doute que ce genre d’approche électorale (je fais dans l’euphémisme) apporte la moindre solution aux travailleurs.

    • Je veux insister sur le fait que l’orientation politique s’exprime au premier tour.
      Au second tour le choix est en effet rabougri.
      Je comprends les remarques. En ce moment nous avons un extrémiste de droite Laurent WAUQUIEZ à la tête de la région Auvergne Rhône Alpes.

    • En ce moment nous avons un extrémiste de droite Laurent WAUQUIEZ à la tête de la région Auvergne Rhône Alpes.

      Oui, et avant on avait une "droite molle" (socialistes).
      Devons-nous nous impliquer dans ce type de choix ?
      Moi non, en tout cas, c’est fini.

    • Mais cela ne répond pas à la question incontournable d’avoir des positions de rupture radicale en situation de peser sur les événements.
      Difficile problématique pour chacun.