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Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy renvoyé en procès pour financement illégal de campagne électorale

par Simon Piel

Publie le mardi 7 février 2017 par Simon Piel - Open-Publishing
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Selon l’ordonnance dont « Le Monde » a pris connaissance, Nicolas Sarkozy « a incontestablement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête ».

En retrait de la vie politique depuis sa défaite à la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy n’a pas fini de solder ses comptes judiciaires. Le juge d’instruction du pôle financier Serge Tournaire a signé, le 3 février, son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel dans l’affaire de ses comptes de campagnes de 2012 plus connu sous le nom de l’affaire dite Bygmalion.

Il demande le renvoi de l’ancien président de la République pour avoir, en tant que candidat de l’UMP à l’élection présidentielle, dépassé le plafond autorisé des dépenses de plus de 20 millions d’euros. Outre M. Sarkozy, treize autres protagonistes, dont Bastien Millot, ancien dirigeant de la société Bygmalion et Jérôme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne et actuellement député européen sont renvoyés devant le tribunal notamment pour escroquerie, faux ou encore recel d’abus de confiance. Une décision conforme aux réquisitions du parquet.

Cette affaire des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, impliquant notamment la société Bygmalion, avait vu la mise en place d’un système visant à dissimuler le dépassement du plafond légal par la minoration des dépenses de campagne déclarées par le biais d’une fausse facturation massive et l’inscription et la prise en charge par l’UMP de dépenses de campagnes.
Plusieurs niveaux de responsabilité

Un contournement des lois dont l’unique but était alors de permettre au candidat de rattraper son retard dans les sondages sur François Hollande. Nicolas Sarkozy avait tenu quarante-quatre meetings au total entre janvier et mai 2012 explosant de plus de 20 millions d’euros environ le plafond légal de dépenses, en plus, donc, des 22,5 millions autorisés.

Nicolas Sarkozy avait bénéficié du statut de témoin assisté pour les chefs d’usage de faux, escroquerie et abus de confiance, l’enquête n’ayant pas permis de démontrer qu’il aurait donné l’ordre de cacher certains de ses frais de campagne, ou qu’il ait été informé d’une fausse comptabilité.

Dans ce document, dont Le Monde a pris connaissance, le magistrat distingue plusieurs niveaux de responsabilité. Celles des dirigeants de Bygmalion, des cadres de l’UMP, du directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy et enfin celle du candidat.

A son propos, le juge d’instruction écrit que « plus que quiconque, il était supposé connaître, respecter et faire appliquer par ses équipes les dispositions légales » en matière de financement de campagne. « L’autorité de Nicolas Sarkozy, son expérience politique et l’enjeu que représentait pour lui sa nouvelle candidature à la magistrature suprême, rendent peu crédible l’hypothèse d’un candidat déconnecté de sa campagne laissant ses équipes ou son parti et ses dirigeants agir en dehors de lui et décider de tout à sa place », ajoute-t-il.
« Les dérapages financiers sont bien la conséquence directe de décisions prises par le candidat »

A l’issue de son instruction, le juge considère que « Nicolas Sarkozy a incontestablement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête qui lui ont permis de disposer, lors de sa campagne de 2012, de moyens bien supérieurs à ce que la loi autorisait (…). Toutefois, l’enquête n’a pas établi qu’il les avait ordonnées, ni qu’il y avait participé, ni même qu’il en avait été informé ». C’est pour ces raisons que Nicolas Sarkozy n’est pas poursuivi pour les infractions, de faux, d’escroquerie ou de recel d’abus de confiance, comme les autres mis en examen.

Il avait en revanche été informé au moins à deux reprises du dépassement des dépenses. Dès le 7 mars 2012, soit trois semaines après l’entrée officielle en campagne, une note émanant des experts-comptables et transmises à Guillaume Lambert, alors directeur de la campagne de M. Sarkozy, alertait sur le fait que le plafond des dépenses autorisées était dépassé. Une note transmise au candidat qui décida pourtant par la suite d’accélérer sa campagne et demanda à ses équipes de tenir un meeting par jour.

Le juge d’instruction note ainsi que « les dérapages financiers proprement dits, qui sont distincts des manœuvres visant à les dissimuler, sont bien la conséquence directe de décisions prises par le candidat, seuls ou avec ses équipes, en toute connaissance des risques encourues ».
Plusieurs dossiers judiciaires menacent Nicolas Sarkozy

Il est à noter par ailleurs que l’ordonnance qui vaut aujourd’hui à Nicolas Sarkozy son renvoi devant le tribunal correctionnel n’a été signé que le premier juge saisi, Serge Tournaire. Le second Renaud Van Ruymbeke a donc décidé de s’abstenir de signer le document, illustrant la faide qui a opposé les deux magistrats tout au long de l’instruction en désaccord notamment sur le fondement de la mise en examen de Nicolas Sarkozy et ouvrant la voie à un appel de l’ordonnance par les protagonistes du dossier.

Ce n’est pas le seul dossier judiciaire qui menace Nicolas Sarkozy. Il devrait ainsi être prochainement convoqué dans le cadre de l’enquête portant sur un possible financement par la Libye de Kadhafi de sa campagne de 2007. Compte tenu des nombreux éléments accumulés par les enquêteurs au fil d’une instruction ouverte il y a plus de trois ans, la question de sa mise en examen se pose sérieusement.

Nicolas Sarkozy est par ailleurs mis en examen pour corruption active, trafic d’influence et recel de violation du secret professionnel dans l’affaire Azibert où il est soupçonné d’avoir cherché à obtenir des informations sur des procédures le concernant auprès du magistrat Gilbert Azibert en échange de son aide pour obtenir un poste à Monaco.

Reste enfin l’affaire dite des sondages de l’Elysée où plusieurs de ses anciens collaborateurs sont mis en examen pour favoritisme ou complicité, comme son ancienne directrice de cabinet Emmanuelle Mignon ou l’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant. Au cœur de l’enquête : les contrats passés sans appel d’offres à partir de 2007 avec les sociétés de Patrick Buisson et de Pierre Giacometti, ses conseillers de l’époque, tous deux mis en examen pour recel de favoritisme. Dans cette affaire, la question de son immunité présidentielle se pose et c’est d’ailleurs l’argument qui avait été avancé par son avocat Thierry Herzog pour justifier qu’il ne se rende pas à la convocation des juges d’instruction en novembre 2016.

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/02/07/affaire-bygmalion-nicolas-sarkozy-renvoye-en-proces-pour-financement-illegal-de-campagne-electorale_5075768_1653578.html

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