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Charlie Hebdo. Censure ordinaire ?

par Ramon Vila Capdevila

Publie le mardi 21 mars 2017 par Ramon Vila Capdevila - Open-Publishing

Deux lectures de « La Lettre aux Escrocs de l’islamophobie » de Charb ont été annulées, à Lille et en Avignon ces dernières semaines.

Charb est mort depuis deux ans. Et pourtant, deux ans après le 7 janvier et l’émotion suscitée dans le pays par l’attentat à Charlie Hebdo, le dessinateur assassiné semble à nouveau effrayer. Deux initiatives, à l’université de Lille (Nord) puis en Avignon (Vaucluse), viennent d’être annulées. Il s’agissait de lectures du livre posthume de Charb, « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes ».

Depuis deux ans, la compagnie du théâtre K, de Gérald Dumont, a initié des lectures de cette Lettre, assortie de débats avec des journalistes, des élus, des intellectuels. Il avait pris contact, en association avec la direction de Charlie Hebdo pour tenir ce type d’initiative durant dix jours au festival d’Avignon, cet été. « Pourquoi Avignon ? Parce que cela nous permettait aussi de fêter les 25 ans de Charlie Hebdo ailleurs qu’à Paris », explique Marika Bret, DRH de l’hebdomadaire satirique, et qui co-porte ce projet. Deux théâtres, l’Entrepôt et la Manufacture, étaient enthousiastes à l’idée d’accueillir cette lecture. Seul souci : depuis plusieurs semaines, ils « répondent aux abonnés absents », poursuit Marika Bret.

Seraient évoqués des « problèmes de sécurité », « mais sans le dire les yeux dans les yeux ». « En vérité, c’est une frilosité politique et une crainte que personne ne veut nommer », rétorque Marika Bret. « Pour moi, le courage, c’est d’avoir peur et d’y aller quand même », ajoute-t-elle. Sans être inconscient : « nous intervenons dans des collèges, des lycées, des médiathèques… avec la sécurité adéquate. Nous qui vivons tous les jours avec cette menace sur la tête, nous savons anticiper. D’ailleurs, nous avions prévu de renforcer la sécurité existante avec nos propres moyens ». C’est aussi pour cela qu’il est trop tard aujourd’hui : nous n’avons plus le temps d’installer cette logistique », regrette-t-elle.

Le Théâtre K et Charlie Hebdo saisissent donc, par le biais d’une lettre, les élus des Hauts de France, le directeur du festival d’Avignon, Olivier Py. Riss, le directeur de Charlie Hebdo, va aussi lancer « un appel aux candidats, en le reliant à l’appel lancé sur les questions de laïcité, il y a quelques semaines », dans l’hebdomadaire satirique. « Ce qui nous fait peur, c’est qu’avec la récurrence des actes terroristes, la campagne sur le fameux « Charlie, oui mais… » a repris », regrette la responsable du titre. Qui va en empirant, note-t-elle, au fur et à mesure que les élections présidentielles et législatives se rapprochent. L’an dernier, le festival d’Avignon avait accueilli une création, Meurseaults, signée de Kamel Daoud, lui aussi sous le coup d’une fatwa… Marika Bret ne cache pas son amertume, ni sa colère : « Et puis mince, Charb est mort, quand même… »

Théâtre K
Caroline Constant
journaliste

Source : http://www.humanite.fr/charlie-hebdo-censure-ordinaire-633629