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Pour une Europe du Développement Durable

Publie le mercredi 25 mai 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

Bonjour,

Hier a été lancé un appel (contre le TCE) pour une Europe du développement durable.

Je pense qu’il peut vous interesser.
Parmi la soixantaine de personnes l’ayant déjà signé, on compte des socialistes, des communistes, des verts, des associatifs : comme un kaleidoscope des sensibilités du non de gauche.

Nous serions heureux que acceptiez d’en informer vos lecteurs.

Pour ceux qui souhaiteraient signer l’appel, il leur suffira de se rendre sur la page web suivante :
 http://www.pourleuropedudeveloppeme...
le module de signature se trouve sur la partie droite de la page.

Bien cordialement,
Eric Loiselet


Appel

Pour une Europe du Développement Durable

Le 10 mai dernier, plusieurs ministres européens de l’environnement se sont réunis à Paris pour célébrer, sans débat contradictoire, les mérites supposés du traité constitutionnel européen au regard de la protection de l’environnement et du développement durable. Cette absence de débat, non démocratique, permet de masquer les vrais problèmes et nous conduit à rendre publiques nos convictions personnelles et citoyennes sur ce sujet.

L’Europe a, avec raison, bonne réputation en matière de politique environnementale. Elle a, en effet, su se doter d’une législation plus avancée que celle de la plupart de ses pays membres. Mais le traité proposé permet-il de conserver cette avance et de prendre en compte les défis planétaires des dix ans qui viennent ?

Une constitution, d’habitude, est tournée vers l’avenir. Le traité « établissant une Constitution pour l’Europe », à l’inverse, est un traité du passé. Il constitutionnalise des politiques adoptées, pour certaines, il y a vingt ou trente ans, et ne les rend révisables qu’à l’unanimité des Etats membres. Or en vingt ans, le monde a profondément changé.

Certes, l’article I - 3 - 3 concède : « L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe » ... mais le reste du texte contredit cette déclaration de principe. Le texte parle de lui-même : les mots « marché intérieur » y figurent soixante fois, les mots « ressources naturelles » deux fois, et le mot « climat » une seule fois.

Depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992 - l’année de Maastricht - le monde ne peut plus ignorer qu’il est entré dans une nouvelle ère. Et pourtant, le traité s’inscrit dans une conception du monde où la croissance resterait infinie, où ses dommages sont laissés de côté, où les ressources naturelles seraient inépuisables, où la capacité de régénération des écosystèmes serait sans limites.

Il propose, toujours dans l’article I - 3 -3, une « croissance économique équilibrée », sans référence aux désordres environnementaux et sociaux engendrés par un tel modèle. « L’équilibre » énoncé n’est qu’un masque de la prééminence maintenue des objectifs commerciaux, économiques et financiers sur tout autre aspect de la vie en société.

Le traité laisse de côté la nécessité d’un autre contenu à la croissance, et verrouille la possibilité d’en envisager l’émergence. Il contient en effet des dispositions interdisant la moindre régulation des marchés de capitaux [1] comme des échanges commerciaux [2], qui conduisent immanquablement, en même temps qu’au dumping social, au dumping environnemental.

Alors que le traité sait entrer dans les détails, parfois maniaques, lorsqu’il s’agit d’organiser la protection de la « concurrence libre et non faussée », les questions que pose le développement durable sont méconnues, oubliées ou passées sous silence.

Si la Charte des droits fondamentaux (partie 2) évoque les notions de protection de l’environnement et de droit à un environnement sain, c’est de manière floue et non contraignante [3]. Sa portée réelle, comme pour l’ensemble de son contenu, est donc faible. La question du droit d’accès à l’eau en est absente.

L’enjeu de la rupture du lien entre accroissement des richesses et celle des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre n’est pas pris en compte. En matière d’environnement, d’agriculture, de transport, d’énergie, le traité empêche de mener des politiques actives de développement durable : les instruments budgétaires ou fiscaux de véritables politiques publiques sont soit interdits [4] soit renvoyés à la règle de l’unanimité.

Il en va ainsi par exemple de la question, pourtant essentielle pour la lutte contre les changements climatiques, de l’harmonisation par le haut de la fiscalité énergétique, comme d’ailleurs de toute fiscalité. En bouchant la voie d’une harmonisation fiscale, ce traité ne donne pas à l’Europe la possibilité, face aux paradis fiscaux, de combattre la corruption et le blanchiment d’argent. La lutte contre la corruption est un levier pour promouvoir un développement durable et solidaire.

La protection de l’environnement ne figure nulle part dans les articles sur l’agriculture. La lutte contre l’effet de serre et la pollution de l’air et ses effets sur la santé n’est citée nulle part dans les articles consacrés aux transports. Si le principe pollueur payeur est évoqué, c’est pour préciser immédiatement [5] que l’Union tiendra compte des « avantages et des charges qui peuvent résulter de l’action ou de l’absence d’action ; et du développement économique et social de l’Union dans son ensemble. »
Enfin, pour ce qui concerne le développement au Sud, le traité témoigne une fois encore de l’écart entre intention affichée et réalité des politiques. La partie 1 [6] évoque la contribution de l’Union au développement durable de la planète et au « commerce libre et équitable », qu’il faut entendre comme « libre-échange équitable » [7], ce qui est une contradiction intrinsèque. La partie 3 précise en effet [8] que le soutien au développement des PED passe « y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ». Le libre-échange sans règles sociales et environnementales est le contraire du commerce équitable.

Parmi les citoyens d’Europe, les premiers à être victimes de la prééminence de l’économique et du financier sont aussi les premiers à souffrir des dommages environnementaux qu’elle entraîne. A l’insécurité sociale répond l’insécurité environnementale. Aux inégalités sociales correspondent les inégalités environnementales. Le traité consolide les unes et les autres en hissant au niveau de principal objectif fédérateur de l’Union la « concurrence libre et non faussée ».

Il n’y aura pas d’Europe politique sans le soutien des opinions publiques, c’est-à-dire sans Europe sociale. L’Europe sociale sera une Europe du développement durable. C’est pourquoi l’Europe doit impérativement mieux prendre en compte simultanément les défis environnementaux et sociaux de l’avenir, pour les générations futures. C’est, au delà du rejet de ce traité, notre appel d’aujourd’hui et notre tâche dans les années qui viennent.

Premiers signataires : (le 24 mai)

* Pouria Amirshahi
* Clémentine Autain (Adjointe au Maire de Paris)
* Francine Bavay (Vice Présidente du Conseil Régional d’Ile de France)
* Jacques Berthelot
* Martine Billard (Députée de Paris)
* Pascale Boistard (membre de PRS)
* Hervé Chneiweiss (Chercheur)
* François Cosserat (Vice-Président du MNLE)
* Jean Desessard (Sénateur de Paris)
* Benjamin Dessus
* Rémi Douat (journaliste, Regards)
* Fayçal Douhane (Président de Poléthique)
* Claudie Gillot-Dumoutier (Adjointe au Maire de Saint-Denis)
* Bernard Guibert (Economiste, Vert signataire de l’appel pour des écologistes pour le Non)
* Géraud Guibert (Vice Président de la Communauté Urbaine du Mans)
* Vanessa Jérôme
* Pierre Larrouturou (Porte-parole de Europesociale.net)
* Anne Le Strat (Conseillère de Paris)
* Marie-Noëlle Lienemann (Députée Européenne)
* Eric Loiselet
* Sylvie Mayer (ancienne députée européenne)
* Béatrice Patrie (Députée européenne)
* Germinal Peiro (Député de Dordogne)
* Geneviève Perrin-Gaillard (Députée des Deux-Sèvres)
* Jacques Rigaudiat
* Claude Roiron (Conseillère générale d’Indre et Loire)
* Claude Saunier (Sénateur des Côtes d’Armor)
* Jean-François Sauvaget (Conseiller municipal de Saint-Dizier)
* Séverine Tessier (Conseillère municipale de Clichy)
* Jean-Luc Touly (Président de l’Association pour un Contrat Mondial de l’Eau)
* Catherine Tromas (Présidente de Deux Sèvres Nature Environnement)

[1art. III - 156 : « les restrictions [...] aux mouvements de capitaux [...] sont interdites ».

[2art. III - 314 « par l’établissement d’une Union douanière [...] l’Union contribue [...] au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ».

[3Art. II - 112

[4art. I - 53 : « le budget [de l’Union] doit être équilibré en recettes et en dépenses », ce qui interdit à l’Union toute possibilité d’emprunt.

[5Art. III - 233

[6Art. I - 3 -4

[7« free and fair trade » dans la version anglaise du TCE

[8Art. III - 292

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