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Quand M. Macron annonce le saccage de la fonction publique

par Francois Cocq

Publie le vendredi 14 avril 2017 par Francois Cocq - Open-Publishing

Et revoilà la rémunération au mérite des fonctionnaires. Et comme de bien entendu, c’est M. Macron qui remet l’idée sur le tapis. Dans une interview publiée dans Acteurs publics, le leader d’En marche !, préconise également d’ouvrir le recrutement de la fonction publique à des cadres supérieurs de l’administration privé. Bref de faire voler en éclat ce qui définit le statut de la fonction publique, associant vulgairement celui-ci à un privilège quand il prévient au contraire contre le clientélisme et la corruption et qu’il est une garantie de l’intérêt général.

Rémunération au mérite, rétablissement du jour de carence, recrutements de droit privé, le tout assorti d’un coup de rabot de 60 milliards (Mds) d’euros de dépense publique avec – 25 Mds pour l’Etat, à nouveau – 10 Mds pour les collectivités locales et la suppression de 120.000 fonctionnaires : pas de doute, pour M. Macron, les fonctionnaires sont les ennemis à abattre.

Le mépris suinte dans ses propos lorsqu’il confirme, comme M. Fillon, être favorable au rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique, estimant que sa suppression est source d’inéquité en raison d’un système de contrôle plus laxiste des absences dans la fonction publique : « C’est à cette différence que je souhaite m’attaquer. Ma proposition est la suivante : restaurer le jour de carence dans le public tant qu’un dispositif de contrôle équivalent à celui du privé n’aura pas été mis en place ». Il n’y a décidément que le vocabulaire policé de la bonne société qui l’empêche d’exprimer plus clairement sa pensée en ces termes : les fonctionnaires sont des tire-au-flanc. Et tant qu’à aligner, le privé doit bien sûr pour lui servir de modèle.

Ministre de l’économie de son désormais soutien François Hollande, M. Macron s’était déjà fait les dents sur les fonctionnaires : 40 milliards d’euros de dépense publique ont été soustraits à l’intérêt commun durant la dernière période 2015-2017 par le zélé locataire de Bercy à l’époque.

Mais M. Macron ne se contente pas de s’en prendre aux fonctionnaires. A travers eux, c’est la fonction publique en tant que modèle républicain auquel il s’attaque. Il entend aller plus loin en remettant en cause insidieusement le statut. En septembre 2015, il jugeait que celui-ci n’était « plus adéquat » et « plus justifiable compte tenu des missions » lors d’un débat public au think tank En temps réel ». Depuis, en vieux politicard, il ne cesse de jurer une main sur le cœur ne pas vouloir « remettre en cause le statut de la fonction publique », tandis que de l’autre il s’active pour dépouiller celui-ci de l’intérieur. Du Macron pur jus en somme.

Parmi les axes privilégiés, les recrutements hors statut justement, ceux que M. Macron appelle dans son interview à Acteurs publics « le recrutement de la fonction publique à des cadres supérieurs de l’administration privé ». Reprenant à son compte la proposition de M. Fillon, il annonçait déjà cela le 24 février 2017 dans Les Echos en disant vouloir « recruter hors du statut pour les fonctions d’encadrement », précisant alors que les collectivités locales « pourront également recourir plus largement à des recrutements de droit privé ». La suite, on la connaît : mettre le statut de la fonction publique en concurrence et faire cohabiter dans une même maison des agents sous statut et des cadres de droit privé aux intérêts antagoniques, les uns garants du service rendu et les autres de la compétitivité, pour terminer sur un service public phagocyté comme chez France-Télécom, diminution du service et explosion de la précarité et de la souffrance au travail à l’appui.

Complément nécessaire à cette dissociation que voudrait introduire au sein de la fonction publique M. Macron, la rémunération au mérite. Jusqu’à présent, les fonctionnaires bénéficient non pas d’un « salaire » mais d’un « traitement ». Celui-ci est versé en contrepartie des services fournis par un agent pour la collectivité. Cette rémunération est fixée en fonction du grade de l’agent et de l’échelon auquel il appartient selon une grille créée à la Libération par la loi du 19 octobre 1946 et qui est actuellement régie par l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée, œuvre de François Mitterrand et d’Anicet Le Pors.

Le traitement est donc en lien avec l’objet du service public lui-même. C’est le service qui est assuré en ce qu’il est universel et fournit dans un même souci d’égalité à tous. Il ne peut devenir dépendant ni de la personne qui l’applique ni de celle à laquelle il est fourni. Le traitement et le statut sont justement ce qui met le fonctionnaire à l’abri des tentations et des intérêts particuliers pour garantir son action au service de l’intérêt général.

Ce que cherche M. Macron par ce double jeu sur les contrats de droit privé et sur les rémunérations, c’est permettre l’explosion des salaires dans la haute fonction publique, attirer des managers surpayés au détriment de la grille indiciaire qui donne pourtant son sens au corps de la fonction publique. Car il ne faut pas s’y tromper et d’ailleurs M. Macron ne s’en cache pas : la rémunération au mérite pour les agents de catégorie B ou C sera de bien peu d’influence sur la paye qu’ils toucheront à la fin du mois tandis que ce sera un outil coercitif pour les mettre sous pression.

A l’heure où la fraude gangrène la sphère publique comme cette sordide campagne présidentielle en fait étalage, il n’y a pas de raison a priori que la fonction publique reste à l’abri de telles pratiques, sauf à ce que le statut justement soit un bouclier contre les pratiques immorales qui se dédieraient de la vertu républicaine. Cela passe le recrutement par concours et la liaison entre la rémunération et le salaire au détriment de la mise en concurrence des agents entre eux. Peu en chaut à M. Macron, l’importation des pratiques de Caste dans chaque pan de la société semble pour lui une priorité. Le 23 avril nous en préserve !

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