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Boris Boillon, un ancien ambassadeur devant les juges

par Pascale Égré

Publie le lundi 22 mai 2017 par Pascale Égré - Open-Publishing

Le procès de l’ex-ambassadeur Boris Boillon, arrêté avec 385 000 euros en liquide en 2013 à Paris, débute ce lundi.

Des coupures de 50, 100, 200, 500 euros et de 100 dollars bien rangées dans des petits sacs et une boîte en plastique... Au total, comptent les douaniers, le bagage du voyageur contrôlé ce 31 juillet 2013 en gare du Nord à Paris contient 3 772 billets représentant environ 385 000 euros.

En partance pour la Belgique, l’homme qui les transporte n’est pas un inconnu : il s’agit de Boris Boillon, ex-ambassadeur en Irak puis en Tunisie, et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, alors reconverti dans le privé et résident d’Uccle, à Bruxelles. D’où vient l’argent ? s’interroge la justice, qui, au terme d’une longue enquête préliminaire, décide de citer le sulfureux diplomate à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris. Son procès, reporté de la fin mars à ce lundi, se tient sur deux jours devant la 11e chambre.

Boris Boillon, 47 ans, répond de quatre délits : manquement à une obligation déclarative ; faux et usage de faux ; blanchiment de fraude fiscale ; abus de biens sociaux. « Il n’opposera pas son droit au silence, il veut s’expliquer et mettre à bas les fantasmes du parquet », assure, comme en mars, Me Jean Reinhart, l’un de ses avocats avec Me Marion Lambert-Barret.

Leur client n’entend reconnaître que la première infraction, passible d’une amende calculée sur le quart de la somme (environ 95 000 euros), indique-t-il. La loi impose en effet de déclarer tout transfert physique d’argent liquide à l’intérieur de l’Union européenne au-delà de 10 000 euros — ce qui, d’évidence, n’a pas été fait. Il conteste en revanche les délits les plus graves, pour lesquels il encourt jusqu’à cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende.

L’hypothèse d’une origine libyenne des fonds

« Cet argent, que le parquet considère comme obtenu illégalement, est le fruit d’un travail d’intermédiation réalisé en Irak », martèle Me Reinhart, pour qui il n’y a ni fraude, ni blanchiment, ni abus de biens sociaux. Boris Boillon, alors à la tête d’une société de conseil, Spartago, avait expliqué d’emblée aux enquêteurs que ces espèces correspondaient à des honoraires versés par une société irakienne, Euphrate, dans le cadre d’un contrat lié à la construction d’un complexe sportif (stade, hôtel quatre étoiles) à Nassiriya, dans le sud du pays. « Le paiement en liquide est une pratique, certes particulière, mais courante en Irak, du fait d’un système bancaire inexistant », souligne Jean Reinhart, qui rappelle que son client avait fourni des documents attestant de la réalité du contrat.

Mais le parquet, qui s’est échiné à étayer l’hypothèse d’une origine libyenne de ces fonds, considère ces documents comme des faux. Il en veut notamment pour preuve deux éléments favorables à l’accusation : les dires d’un cocontractant irakien en garde à vue et une lettre présentée comme émanant du dirigeant d’Euphrate — dont la défense conteste l’authenticité. « Nous démontrerons que l’enquête a été conduite exclusivement à charge et qu’elle comporte de monstrueuses inexactitudes », promet encore la défense, qui place la piste libyenne au rang « des fantasmes » et suggère la volonté d’une exploitation politique — anti-Sarkozy, alors potentiel candidat à la présidentielle — du dossier.

Arabisant et Sarkoboy assumé

Dans l’univers ouaté du Quai d’Orsay, le parcours de Boris Boillon et ses frasques médiatisées détonnent singulièrement. Fils de « pieds rouges », ces militants de gauche installés en Algérie après l’indépendance, le petit Boillon grandit en Kabylie jusqu’à l’âge de 10 ans.

C’est à Alger que cet arabisant formé à Sciences-po et à l’Institut national des langues et civilisations orientales, commence sa carrière de diplomate. A Alger encore que Nicolas Sarkozy le repère en 2004. Trois ans plus tard, Boillon devient son conseiller Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient à l’Intérieur puis à l’Elysée. Il y travaille sur les dossiers libyens — libération des infirmières bulgares, visite de Kadhafi à Paris... — son nom se trouvant de ce fait mêlé aux affaires franco-libyennes.

Monté avec Sarkozy, débarqué par Hollande

Sarkoboy revendiqué, Boris Boillon, que son mentor appelle « mon petit Arabe », est propulsé ambassadeur de France en Irak en 2009, puis en Tunisie en 2011. A l’heure de la révolution de Jasmin, un incident dès sa prise de fonction, lors d’un déjeuner avec des journalistes tunisiens où il refuse de répondre aux questions sur la crise, scandalise le pays. Une photo de lui en maillot de bain sur le Net, puis la couverture d’un magazine où il pose façon James Bond, achèvent de le décrédibiliser.

Débarqué par Hollande en 2012, Boillon rentre à Paris. Il fonde sa société de conseil, Spartago, active en Irak et devient résidant belge de la commune huppée de Uccle. Réintégré par le Quai d’Orsay en 2016, il est envoyé un temps à New York puis rapatrié au ministère, où l’affaire des billets lui vaut une suspension, en attente du jugement.

http://www.leparisien.fr/faits-divers/boris-boillon-un-ancien-ambassadeur-devant-les-juges-22-05-2017-6970941.php

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