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La macronite, maladie infectieuse de la démocratie

par Francois Cocq

Publie le mardi 20 juin 2017 par Francois Cocq - Open-Publishing

Il aura suffi d’un mois à M. Macron pour plonger le pays dans la grève civique. 57,4% au niveau national, 70 % dans certaines circonscriptions, jusqu’à 88% chez les français de l’étranger, la démocratie vire au drame quand elle se parodie. La question n’est alors pas celle de la légitimité des députés, ils sont arrivés devant leurs adversaires, mais du pouvoir qui leur est conféré.

L’onction du suffrage universel valait jusqu’à présent légitimité. Et à défaut de scrutins à la proportionnelle, il fallait se résoudre à ce que le fait majoritaire ne soit que l’émanation d’un second tour. Ainsi, LREM de M. Macron draine 53,4% des sièges avec ses 308 députés quand à l’inverse la France insoumise doit se contenter avec ses 17 élu-e-s de moins de 3% des sièges avec pourtant 11% des suffrages récoltés lors du 1er tour. Je suis donc en désaccord mais comme ce n’est pas là l’objet de mon propos, passons car nous aurons l’occasion d’y revenir.

Il faut donc en l’état accepter l’idée que peut être élu-e au second tour un-e député qui a récolté plus de 50% des exprimés quitte à ce que ce total soit inférieur à 50% des inscrits et que le fait majoritaire fût-il indirect indirect ne soit donc pas vérifié. La participation globale elle-même ne repose plus sur le fait majoritaire. En 2012, l’abstention avait grimpé jusqu’à 46%. Elle passe cette fois la barre des 50% pour se porter à 57%. un accroissement de près de 25% de l’abstention en à peine 5 ans ! l’abandon du fait majoritaire n’est donc pas un détail que l’on demande alors au citoyen en termes de consentement.

Car « légitime » est emprunté au latin legitimus, « établi par la loi », « conforme aux règles ». Or en République française rousseauiste, la loi est l’expression de la volonté générale. C’est donc un nombre toujours plus petit qui incarnerait la volonté générale. Le hiatus entre fait majoritaire et volonté générale est patent.

Dimanche dernier, la plupart des députés a été élu au second tour en ayant reçu l’appui au 1er tour de 15% des inscrits et au second d’à peine plus de 20% de ceux-ci. Que peut-il donc bien rester alors de ce consentement quand on s’éloigne d’autant de la barre de la majorité des inscrits ? Quelle est la légitimité du pouvoir qui leur est conféré. Et pourquoi ce reflux civique ?

L’inversion du calendrier entre la présidentielle et la législative a largement contribué à dévitaliser l’exercice démocratique du second. Mais jusqu’à présent il prenait appui, qu’on en soit d’accord ou non, et je ne le suis pas, sur la validation de la présidentielle. Sauf que désormais celle-ci est amputée de son second tour : les constructions politico-médiatiques qui s’organisent avec le FN comme chien de garde annihilent tout l’enjeu du second tour de la présidentielle. Tout se joue alors au 1er tour…où il ne saurait être question d’établir un fait majoritaire mais de poser un acte hiérarchique. La politique spectacle, primaires à l’appui, a transformé la politique en compétition électorale. L’objet n’est plus ni la volonté générale, ni le fait majoritaire, mais la logique partisane.

La politique de M. Macron a quant à elle fait fuir du champ civique nombre de ceux qui y étaient revenus à l’occasion de la présidentielle : résignation devant sa politique de casse sociale et écologique, dégoût devant la perpétuation des magouilles politico-financières, dépit devant le recyclage du vieux personnel politique grossièrement remaquillé.

Quant à la soumission à injonction médiatique de soutenir celui-là, elle a annihilé la capacité collective de résistance. Construite dès l’entre-deux tours de la présidentielle, prolongée ensuite par une hagiographie macroniste, elle a vu le déferlement médiatique se saisir de la « nécessité » de donner au Président une majorité. Quel singulier paradoxe qu’au moment où le fait majoritaire disparaît justement du champ politique il ait encore servi d’alibi pour conférer le pouvoir à celui qui remodèle la démocratie en y évinçant l’idée de volonté générale.

La macronite est une maladie infectieuse de la démocratie. Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés…

https://francoiscocq.fr/2017/06/20/la-macronite-maladie-infectieuse-de-la-democratie/

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