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La fin d’une farce épique et le début d’une nouvelle confrontation politique.

par Deeplo

Publie le vendredi 23 juin 2017 par Deeplo - Open-Publishing

Emmanuel Macron, French Tech le 6 janvier à Las Vegas, à l’occasion du CES.

La désignation par Macron du nouveau Président du groupe parlementaire majoritaire à l’assemblée, Ferrand, marque la fin d’une période éprouvante de 7 mois, entamée par la mise à mort politique de Hollande en Décembre ; premier acte violent, annonciateur de la bataille sans foi ni loi qui s’est livrée par la suite ; une attaque savamment ourdie depuis avril (levées de fond à Londres, voyages de promotion de la candidature, notamment en janvier 2016 à Las Vegas (Nevada), et dont l’actuelle ministre du travail va encore entendre parler longtemps puisqu’elle présidait Ubifrance à l’époque et a favorisé Havas sur ordre, sans appel d’offre, pour organiser un événement de campagne dans le contexte du déplacement d’un ministre en exercice).

Les méthodes de notre nouveau Président étaient donc connues. Son penchant idéologique marqué pour le libre-échange orthodoxe et la dérégulation bancaire aussi était connu, exprimé dans différents médias, évident pour qui se donnait la peine d’essayer de comprendre les tenants et les aboutissants du phénomène. Fort du verrouillage des médias par ses principaux soutiens il eut même l’audace de se présenter aux élections en promettant la casse du code du travail via ordonnances.

Et il s’est bien trouvé un électorat capable de précipiter la société française dans ce piège grossier, qui nous promet plusieurs années de luttes pour protéger ce qu’il nous reste d’industrie et d’agriculture. Un électorat très réduit certes au regard de l’abstention, mais suffisant pour renverser la table, tuer le Ps, le PC, LR, EELV, et faire émerger la France insoumise.

Cette invraisemblable épopée parricide, décomplexée par la servilité de la presse, aura permis d’identifier une bonne fois pour toute les forces à l’origine de l’appauvrissement de la France et de sa population. Cela faisait plus de 30 ans que le PS/UMP favorisait la finance et les multinationales en misant tout sur l’Europe comme leurre et Le Pen comme argument électoral. Mais les politiques d’alors devaient enrober et mentir pour se laisser un espoir de réélection. Cette fois les politiques professionnels laissent place à une nouvelle caste : celle des représentants directs de l’oligarchie. Ceux que la nouvelle nomenklatura médiatique appelle la "société civile" sortent tout droit des directions des multinationales qui rêvent de transformer le pays à leur avantage, ce pays qui résiste encore, contrairement aux voisins européens déjà laminés : créer une légion de travailleurs pauvres et dénués de droits comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne, une écologie réduite au marketing de leurs chartes de responsabilité avec pour tête de gondole un Hulot totalement discrédité par son nouvel entourage de requins du CAC40, un alignement atlantiste gage de ventes d’armes aux alliés historiques les plus barbares, etc.

L’assemblée n’a jamais été aussi élitiste, aussi proche des intérêts du business, et les conflits d’intérêts seront la nouvelle éthique démocratique.

Alors quelles sont les bonnes nouvelles ?

Beaucoup ont dégagé dont on pensait qu’ils étaient inamovibles comme Hollande, Juppé, Sarkozy, Valls, Hamon, Duflot, etc. et ont servi d’idiots utiles à Macron qui à l’issue des primaires n’avait plus qu’à laisser sa presse appeler au vote utile anti Le Pen au premier tour pour s’assurer le second tour. Qu’un jeune apparatchik de 39 ans, jamais élu et incapable d’improviser un discours politique de valeur, soit capable de rouler dans la farine des gens qui sont les politiciens professionnels les plus roués de la place donne une bonne idée de la puissance des soutiens dont il a bénéficié pour gagner.

Ceci dit, la fin du Ps est une excellente nouvelle tant l’ambiguïté entretenue entre dessein social et pratiques capitalistes débridées était devenue insupportable ces 10 dernières années. Celle du PC est proche aussi et va régler une anomalie vieille de 30 ans. C’est triste pour les militants. Mais Laurent et Dartigoles ont trop couru la martingale électorale avec le PS et EELV pour pouvoir sauver la situation. Les verts n’existent plus et la clarification a eu lieu : on ne peut pas se réclamer de la défense de l’environnement et soutenir les politiques des multinationales à Bruxelles.

Et il y a maintenant 3 groupes bien distincts d’électeurs qui représentent chacun un courant politique profond :

 les tenants du néolibéralisme et du libre-échange d’une Europe des lobbies, anti écologistes et pro croissance : du PS à l’UMP, l’arc Macroniste les rassemble. On y trouve ceux qui ont du patrimoine et veulent le faire fructifier, ceux pour qui le chômage n’est pas un problème, soit parce qu’ils sont ultra qualifiés, soit parce qu’ils n’ont pas besoin de travailler ; les rentiers. Le populisme démagogique (ce n’est pas un pléonasme) est leur arme : promettre sans agir ou sans devoir rendre de compte, travestir la réalité écologique et sociale, refuser le débat public et la diversité des approches républicaines, dénigrer et marginaliser quiconque questionnerait leur pensée unique, toujours soumettre le politique à l’économique. Le chantage au chômage est leur outil le plus pervers et efficace. L’écologie, les dépenses pour la santé ou l’école, la proportionnelle et le vote des immigrés sont leur hantise : ils en parlent mais savent que seuls les plus riches pourront en bénéficier ou que leur application signeraient leur fin.

 les tenants d’un souverainisme nationaliste, mâtiné de racisme ou de peur de l’autre plus ou moins forts, tous effrayés par leur proximité avec l’abîme, la chute, la rue ; les millions de gens les plus assommés par la politique néolibérale des sociaux-démocrates depuis 30 ans pour qui un politique est forcément un voleur, un menteur, un instrument de leur future chute. La peur et le désarroi, l’isolement, les animent. Ils partagent leur lucidité désespérée avec une grande partie des abstentionnistes. Leur défense est dans le repli : repli sur son pays en refusant les étrangers, repli sur soi en s’abstenant ou en votant pour des incapables pour mieux montrer sa colère. Cependant deux candidats FN ont appelé à voter pour le candidat France insoumise, à chaque fois contre un néolibéral, lors du second tour des législatives. Ils peuvent donc de plus en plus voter pour des antiracistes et des antifascistes, dès lors qu’il s’agit de lutter contre la misère et pour la dignité des sans-grades. La xénophobie apparait clairement comme une conséquence de la misère chez cet électorat, et non comme une construction intellectuelle raciste comme les néolibéraux veulent nous le faire croire.

 le troisième groupe, émergeant, ce sont les tenants d’un souverainisme social et écologiste, altermondialiste, qui prône à la fois la liberté de circulation des gens et le protectionnisme aux frontières pour interdire les produits de consommation issus de la destruction d’économies locales ou de l’environnement. Ils pensent que l’Europe est irréformable tant les lobbies des multinationales y sont puissants, et considèrent que seuls les cadres légaux nationaux peuvent lutter contre les dérives du néolibéralisme. Une partie d’entre eux a voté Mélenchon à la présidentielle mais a dû mal à se résoudre à passer du ronron de la sociale démocratie à l’action politique radicale pour sauver ce qui peut encore l’être. Ils oscillent entre fascination et dégoût à l’énoncé du mot peuple. Mais le noyau dur de cet électorat a compris à la faveur des dernières législatives et présidentielles qu’ils élargiront leur groupe en convainquant les électeurs du second groupe d’abandonner la peur et la xénophobie pour les rejoindre ; les employés, ouvriers et chômeurs. Plus de temps à perdre avec les citadins des centres villes trop confortablement installés dans une bonne retraite, mais priorité maximale à l’éducation populaire et à la présence physique auprès des plus fragiles. D’une manière symptomatique, des intellectuels comme Honfray ont monté des universités populaires auxquelles participent des cadres ou des professions intermédiaires, alors qu’il s’agit de monter des maternelles/primaires/collèges populaires, des écrivains publiques, et reprendre les bases dans les quartiers pour apprendre aux gens à défendre eux même leurs droits.

Les deux deniers groupes sont poreux et partagent beaucoup de sympathisants parmi les abstentionnistes. Or la France insoumise a été capable de mobiliser autour de son programme notamment en captant des voix dans le second groupe à la présidentielle, ce qui s’est répété aux législatives. C’est la première fois qu’un mouvement politique depuis 30 ans fait baisser l’extrême droite en France. La réaction de Le Pen/Philippot consistant à singer Mélenchon est ainsi l’aveu d’un échec ; le même échec que celui de Sarkozy qui singeait Le Pen, ou de Hollande qui singeait Macron (le CICE et la loi travail, avec les dizaines de milliards sans contreparties offerts au business, c’est Macron, pas Hollande ni Valls). Dès qu’un politique en est réduit à en imiter un autre pour gagner des voix, c’est la fin.

A ce titre Macron et Mélenchon sont les seuls gagnants de ce grand nettoyage par le vide, pour toute la période.

Mais Macron ne pourra pas supprimer 120 000 fonctionnaires, assurer la police, la santé et l’éducation, honorer l’austérité européenne tout en continuant de baisser les impôts des multinationales en les abreuvant de subventions publics comme avec le scandaleux crédit impôt recherche ou le CICE. Il reniera ses promesses car il est complice objectif de l’idéologie de l’offre défendue par Bruxelles qui repose sur la coercition et le trucage : vendre toujours davantage, c’est baisser le prix de ses produits. Seules deux variables sont efficaces pour augmenter ses ventes : payer moins les salariés, protéger moins (détérioration des conditions de travail en augmentant la durée et la flexibilité, et baisse des contraintes environnementales). L’imbécilité du travail détaché imposé par Bruxelles repose sur cet axiome.

Et plus Macron défend l’Europe, plus l’électorat peut identifier la menace pour ses droits salariaux et son avenir, plus les électeurs de Le Pen attachent de l’importance au programme porté par Mélenchon et sont tentés de rejoindre ceux de la France insoumise qui défendent l’entrepreneuriat (pourvoyeur d’emplois locaux réels).

Les choses sont plus claires, plus simples, après ces élections.

Le combat politique ne s’exerce plus contre des partis ou des courants politiques mais contre des forces économiques/idéologiques au service des riches. Le CV des ministres et du noyau dur des députés macronistes permet d’ailleurs d’identifier les multinationales à l’œuvre : communication, agroalimentaire, armement, nucléaire. Tout le monde comprend bien ce qu’elles réclament : des marges toujours supérieures garanties par la fin de la protection des salariés, et surtout par la mise en place des traités de libre échange qui assujettiront les États aux firmes. Le voilà le jackpot ! L’aboutissement de cinquante années d’efforts pédagogiques incessants pour faire croire aux gens que l’économie est l’abstraction suprême qui guide leurs pas !

Cela faisait 20 ans que c’était annoncé en France et c’est devenu réalité : le personnel politique n’a plus la notion du bien commun et représente dorénavant les intérêts d’une poignée d’oligarques. Les choses sont donc clarifiées, le combat politique peut se régénérer sur des bases concrètes.

A ce titre, toute résistance opposée aux grands projets qui plombent l’environnement et abiment le tissus social sera stratégique. Nul doute que l’on verra se développer par 10 ou par 100 le nombre de ZAD et autres zones de luttes sur le territoire. Les conflits actuels en lien avec des fermetures de sites de productions sont pléthores. Aujourd’hui les syndicats sont quasi seuls à défendre la population. Les deux populations qui s’insurgent, soit pour défendre l’environnement soit pour défendre l’emploi, feront la jonction et seront présentes ensemble à l’avenir sur tout type de lutte. Une usine qui délocalise, une ferme industrielle qui menace de s’implanter, un projet d’aéroport ou de barrage, etc… Il y aura convergence des luttes.

Car grâce à l’action de la France insoumise depuis un an, aujourd’hui s’opposer à l’implantation d’une ferme de 1000 vaches pour défendre le bien-être animal et la qualité de la nourriture, c’est aussi se battre pour créer 20 exploitations de 50 vaches et créer 5 fois plus d’emplois localement, donc se battre contre les relations de connivence entre la préfecture et la multinationale laitière du coin. C’est se battre pour que le prix du lait double afin que les exploitants se salarient dignement, et que les salaires augmentent de 30% pour que les consommateurs arrêtent d’acheter du poison.

La population sait maintenant qu’un ouvrier ukrainien dans une laiterie industrielle allemande de 5000 vaches est payé 350 euros par mois et que ce système génère un prix du litre insoutenable pour les pays qui ont conservé un minimum de dignité salariale. Ce qui est devenu évident pour le lait, l’est aussi pour les machines à laver, les vêtements, les légumes ou bien même la santé...

Alors ce Macron, encore inconnu il y a 3 ans, nous a ressuscité la lutte des classes. Et Mélenchon nous l’a portée, cette lutte des classes, sur le terrain écologique, après tant d’année d’apathie coupable de la gauche. Et les classes ne sont plus celles d’antan. Ce ne sont plus les détenteurs des moyens de production contre ceux qui louent leur force de travail. Il s’agit maintenant de ceux qui veulent bruler la planète par la course aux coûts de production toujours plus bas pour assurer encore deux générations de villégiatures à leurs proches, le fameux 1%, contre ceux qui pensent que l’humanité peut survivre si le Politique et l’Etat reprennent le contrôle de la situation, notamment le contrôle du droit et des normes.

De plus, les conditions sont réunies pour que cette lutte s’exerce dans un contexte pacifique, même si Cazeneuve/Valls et leurs méthodes ont fait école et que beaucoup de nasses attendent les prochains manifestants.

L’urgence climatique est là. L’urgence sociale est là. L’urgence de paix est là. Place à l’action républicaine radicale.

Deeplo