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Lettre ouverte à « Monsieur Torreton »

par Laure Zudas

Publie le mardi 26 septembre 2017 par Laure Zudas - Open-Publishing

Monsieur Torreton,

Je me permets de répondre à votre lettre ouverte, car même si elle ne m’est pas directement adressée, il s’y trouve des phrases qui parlent de moi, Insoumise qui « s’étrangle en lisant ces lignes », Insoumise de cette « foule » que vous vous effrayez de voir excitée par « l’écho des formules à l’emporte-pièce » qui, dites-vous, « peut tuer ». Rien moins que cela !

Monsieur Torreton, en préambule à ma réponse, souffrez que je me dispense de toute formulation hypocrite en vous servant du « cher » en début de missive -chez vous, on appelle surement cela « la courtoisie »-, car s’il est d’usage chez les « biens mis » de la pratiquer en toutes circonstances, chez nous, les gens, la foule, les excités, les illettrés, on n’est peut-être moins bien fagotés, mais on ne donne du « cher » qu’à ceux qui le sont réellement pour nous -chez moi, on appelle cela la franchise-.

Ainsi, Monsieur Torreton, votre énième diatribe est un exemple parfait de ce qui nous fait descendre dans les rues depuis tant d’années et qui longtemps continuera à nous motiver. Tout y est.

Suffisance et mépris, mâtinés de cette mauvaise foi qui vient parfaire le tout.
Sachez, Monsieur Torreton, que chez nous, les gens, la foule, les excités, les abrutis, les riens, les fainéants, les illettrés, ce qui tue le plus sûrement ce n’est pas « l’écho des formules à l’emporte-pièce », mais le manque de soin, quand on ne peut pas payer le médecin. Ce médecin qui pourra désormais, grâce à votre président « légitimement élu », facturer une consultation jusqu’à 70 euros.
On meurt de ne plus avoir de salaire, quand on voit son contrat aidé supprimé.

Parce que chez ceux qui ne sont rien, Monsieur Torreton, quand on n’a plus de salaire et qu’on n’a jamais eu de quoi épargner, on ne peut plus aller au supermarché du coin acheter sa nourriture empoisonnée au glyphosate. Le glyphosate, vous savez, Monsieur Torreton, cet herbicide que sont venus défendre 250 clampins de la FNSEA sur les Champs Elysées, juste avant qu’un ministre « écolo » se déplace pour les caresser dans le sens du poil.

Chez nous, Monsieur Torreton, on meurt de froid dans la rue quand on n’a aucun revenu, qu’on n’a rien sur la tête pour passer l’hiver et que rien n’est fait pour réquisitionner les logements vides.

On meurt dans un accident du travail, parce que les CHSCT sont supprimés.

On meurt avec sa mère, sa soeur, son père, son bébé, dans une coquille de noix en Méditerranée, ou électrocuté dans une gare quand on se planque pour échapper aux contrôles.

C’est cela qui tue, Monsieur Torreton, aussi surement qu’une grenade lancée dans le dos d’un manifestant, que la privation de soin, de nourriture, que l’ingestion de légumes empoisonnés, aussi surement qu’une centrale qui va péter parce qu’on n’aura rien fait pour sortir du nucléaire.

C’est de cela qu’on meurt, Monsieur Torreton, pas d’un mot d’ordre, fût-il lancé par Jean-Luc Mélenchon.

A trop fréquenter les salons parisiens, Monsieur Torreton, on finit par ne plus savoir d’où l’on parle et donc à s’effaroucher d’un mot d’ordre.
Va donc pour l’explication…

Un « coup d’état social », Monsieur Torreton, c’est quand un président élu par une minorité de gens, dont un certain nombre a voté contre le Fn, se comporte comme un monarque, insulte et méprise le peuple, tout en caressant les possédants.

Un « coup d’état social », Monsieur Torreton, c’est lorsqu’un président « légitimement élu » (selon les règles d’une République qui permet de porter au pouvoir un homme avec 43,6% des électeurs inscrits, et encore, face au Fn), se retourne contre la majorité de la population pour faire une politique qui favorise une minorité.

Un « coup d’état social », Monsieur Torreton, c’est encore et aussi quand ce président de la république, « légitimement élu », abat l’état social, détruit sciemment la protection sociale, les services publics et le droit du travail, au bénéfice de quelques nantis qui s’empressent d’échapper à l’impôt grâce aux paradis fiscaux (légitimes, eux aussi ?).

Un « coup d’état social », Monsieur Torreton, c’est quand ce président « légitimement élu » met en place une « réforme fiscale » dans laquelle les 10% les plus riches vont voir leurs revenus augmenter 18 fois plus que les 10 % des plus pauvres. Ou quand 21 milliardaires possèdent autant que 40% des plus pauvres et que l’on continue à les favoriser ! Ou que l’on transforme l’ISF au bénéfice de 1% des plus riches qui économiseront 3,6 milliards sur les dos des plus pauvres !

Nous, les gens, la foule, les excités, les abrutis, les fainéants, les riens, les illettrés, on appelle cela favoriser les riches au détriment des pauvres, c’est moins ampoulé, mais ça nous parle.

Et c’est effectivement un coup d’état social ! Et vous savez quoi, Monsieur Torreton ?

C’est cela qui tue et continue de tuer, pendant que vous et vos amis « bourgeois conformistes de Calais », continuent de pleurnicher qu’on ne les a pas bien poliment invités à s’opposer à ça.

Oui, Monsieur Torreton, c’est très exactement cela qui tue, pas les mots de Jean-Luc Mélenchon !

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