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Lettre ouverte d’un apprenti au Président de la République

par Un apprenti

Publie le mardi 17 octobre 2017 par Un apprenti - Open-Publishing
3 commentaires

Lettre ouverte d’un apprenti à M. Macron
Merci de partager le plus largement possible.

Monsieur le Président de la République,
Je vous ai regardé à la télévision dimanche soir. Je vous écrit parce que j’ai voté pour vous et ce que vous avez déclaré ne me convainc pas. Je me permets de vous écrire parce que, contrairement à vous qui êtes passé par les plus hautes écoles, j’ai été formé par l’apprentissage. Je ne pense pas que vous règlerez le problème du chômage par la formation. Je m’explique.
Apprentis je l’ai été. Pendant 3 ans j’ai passé la moitié de mon temps à travailler en entreprise, l’autre moitié de mon temps à l’école. Ca semble sympa dit comme ça. Elève je bénéficiais de 16 semaines de vacances. Ces temps de repos me permettaient d’aller jouer au foot avec mes copains, aimer ma petite copine, voire mes parents et regarder mes soeurs grandir. Vivre quoi. Apprentis, je n’avais quasiment plus de vacances. Après un an à travailler sans aucun jour de repos, en dehors des week-end et des jours fériés. j’ai eu droit à 5 semaines de congés payés. D’autant que, mon patron considérais que je me "reposais" lorsque j’étais à l’école. Et que mes profs considéraient que j’avais du temps libre le soir en rentrant du boulot. Je devais donc être réactif dès le premier jour d’embauche, me rappeler de tout ce que j’avais appris en toute circonstance. Et je devais donc réviser mes partiels le soir, après mes journées de travail. Alors que mes copains étaient en vacances, jouaient au foot etc...
Alors oui j’étais payé. Pour 35 heures par semaines payé 606€ net par mois la première année, 900€ la dernière. Super. D’autant plus que, mes parents habitant à la campagne, je louais un appartement là où je faisais mes études. D’autant plus que, par chance, j’ai pu travailler dans l’entreprise de mes rêves, à 200 km de là. Je devais donc louer deux appartements et faire des longs trajets régulièrement. Même avec les aides de la CAF et des régions, il ne me restait quasiment rien de mon travail. En plus, ma vie était divisée en deux. J’ai perdu beaucoup de copains, qui ne me voyaient pratiquement plus. J’ai quitté ma copine au bout de 3 mois. Je n’avais plus assez de temps à lui consacrer. Je suis sorti de la formation usé physiquement et psychologiquement.
Vous me direz alors sûrement : "ah oui ça a l’air dur, mais ça marche". Oui ça marche. A la fin de leur contrat, les apprentis trouvent plus facilement du travail que les autres. Là est toute la nuance, toute l’astuce. Plus facilement que les autres. C’est un petit plus. Mais ça ne change rien au problème global. Aucun emploi n’a été créé pour moi. J’ai juste pris la place d’un autre. Si vous généralisez l’apprentissage, à la fin, l’apprentissage ne sera plus suffisant. Il faudra en plus de ne plus avoir de vacances et de travailler comme un ane travailler la nuit ou le week-end, pour "se démarquer sur le marché de l’emploi". Il s’est passé la même chose avec les stages en entreprises. Au début, quelques formations en proposaient. Puis la mesure s’est étendue. Et alors la mesure n’a servi plus à rien. Alors il a fallu créer l’apprentissage.
Maintenant vous voulez généraliser l’apprentissage. Vous voulez "faire sauter tous les verrous". J’imagine que vous imaginez que l’on pourra ainsi y accéder plus jeune, que les plus jeunes puissent travailler plus longtemps, de nuit ou le week-end. Tout cela va user des milliers de jeunes qui ne le méritent pas. Et puis demain, quand tous les jeunes seront en apprentissage le week-end et la nuit et en cours les jours de la semaine, que ferons-nous ? Et après ?
Ne pensez vous pas que la solution au chômage c’est de créer des emplois, plus que de pressuriser encore les travailleurs de ce pays qui n’en peuvent plus.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à mes questions,
Un apprenti.

Messages

  • "Je vous écrit parce que j’ai voté pour vous"
    Pas convaincu ?
    On se renseigne M. avant de voter, cursus, programme, réalisations notables.
    Tout cela aurait du suffire à tout esprit raisonnable pour ne pas voter pour ce guignol au 1er tour.

  • Et puis voter pour un banquier quand on est apprenti...cela en dit long sur l’absence de réflexion (bien orchestrée par la couverture médiacratique massive du phénomène) qui a présidé à cette élection.

  • Bonjour,

    voici un témoignage très intéressant et à contre-courant.
    Celui-ci m’intéresse d’autant plus car étant enseignant en lycée professionnel et militant syndical, nous subissons la concurrence de l’apprentissage au détriment de l’enseignement professionnel public.
    Je souhaiterais relayer cette lettre ouverte mais je pense qu’il faut témoigner de manière transparente et non anonymement, simplement pour s’assurer de l’authenticité de cette lettre. Qui êtes-vous ? Quelle est votre spécialité professionnelle ? Dans quelle région vivez-vous ?
    En espérant obtenir ces réponses, je vous remercie pour ce témoignage qui ne manquera pas d’alimenter le débat (très idéologique) sur l’apprentissage.

    Stéphane Legardinier, professeur de lycée professionnel et militant CGT