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TAXE D’HABITATION : Un cadeau virtuel ?

par JO

Publie le vendredi 22 décembre 2017 par JO - Open-Publishing

Exonération de la taxe d’habitation : un cadeau empoisonné ?
Posté le 22 décembre 2017 10:01 Modifié le 22 décembre 2017 19:30
source:Laurence Ollivier/L’express.fr

afp.com/PHILIPPE HUGUEN
Faut-il se réjouir de la baisse de la taxe d’habitation ? Pas si sûr. Ce nouveau coup de rabot porté au budget des communes risque au final de coûter très cher aux Français.

Promesse de campagne du président Macron, l’exonération de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour 78% des Français a été définitivement adoptée ce jeudi 21 décembre dans le cadre du vote du projet de loi de finances 2018. Faut-il se féliciter d’une telle annonce ? Rien n’est moins sûr. Pour des millions de contribuables, ce dispositif pourrait bien ressembler à une victoire à la Pyrrhus. Il faudra bien en effet que quelqu’un paie l’addition des 10 milliards d’euros confisqués aux communes. D’autant que l’expérience passée démontre que les promesses de compensation de l’État n’engagent que ceux qui les croient. Réponses aux questions qui fâchent.
Qui va dédommager les communes de leur manque à gagner ?

L’État s’est engagé à compenser chaque année les 10 milliards de pertes induites par ce nouveau dégrèvement de la taxe d’habitation. Mais comme le rappelle Antoine Homé, maire de Wittenheim, rapporteur de la commission finances et fiscalité locales de l’Association des maires de France (AMF), par le passé l’État s’était déjà engagé à compenser "à l’euro près" la suppression de certains impôts (part régionale de la taxe d’habitation, taxe professionnelle) et il n’a pas tenu promesse. "Par ailleurs, difficile de prêter foi à la parole d’un État endetté et confronté à des difficultés budgétaires, observe Antoine Homé. Les maires de France n’y croient pas."
Que risque-t-il de se passer si l’État ne tient pas ses promesses ?

La taxe d’habitation représente selon Antoine Homé, entre 20 et 25% des recettes des communes. Un manque à gagner qui pénaliserait donc les finances des collectivités territoriales. D’autant que le chiffre de près de 80% de Français exonérés fait office de leurre. Il n’est pas uniforme au plan national. Certaines communes vont voir la quasi-totalité de leurs administrés exonérés tandis que pour d’autres ce taux ne dépassera pas à 30% ou 40%. Cela risque donc de creuser les inégalités territoriales.

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Autre écueil pointé du doigt par Christophe Céron, secrétaire national du Syndicat Solidaires Finances Publiques "la compensation de l’État se faisant sur la base de 2017, les communes dont la population s’accroîtra à l’avenir ne verront pas en parallèle augmenter leur dotation. Et elles ne disposeront plus du levier de la taxe d’habitation si la population qui vient s’installer entre dans le champ de la réforme. Or elles auront besoin d’investir, en particulier dans les services publics locaux (crèche, garderie, école, sport, culture...) Un réel problème de financement peut se poser à terme."
Les communes ne chercheront-elles pas alors à augmenter d’autres impôts locaux ?

Ce que l’État donne d’une main - en se servant dans la poche des communes -, ces dernières pourront chercher à le reprendre de l’autre. Selon Christophe Céron, "pour certaines communes, les dépenses risquant d’augmenter par le biais, notamment, d’un accroissement de la population, la tentation pourra être grande de jouer sur les leviers encore en leur possession comme les taxes d’habitation sur les résidences secondaires ou la taxe foncière ".

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D’autres pourront également envisager de rendre payantes ou d’augmenter certaines prestations qui pouvaient être gratuites ou subventionnées et réduire encore certaines aides accordées.

Bref, les contribuables qui se frottent aujourd’hui les mains pourraient bien faire grise mine demain.
Le dégrèvement de la taxe d’habitation rend-il cet impôt plus juste ?

Avant la réforme Macron, la taxe d’habitation était considéré un impôt injuste. Après, rien n’aura vraiment changé. Le dégrèvement total dont bénéficieront 78% des Français en 2020 ne fait pas disparaître l’injustice préexistante qui consiste à appliquer des valeurs locatives différentes aux contribuables d’une même commune.

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La réforme actuelle gèle d’ailleurs les inégalités, déplore Antoine Homé qui milite pour une révision des valeurs locatives à l’instar de celle adoptée pour les locaux économiques et commerciaux. Il rappelle au passage que la distorsion des valeurs locatives impacte non seulement les 22% des Français toujours assujettis à la taxe d’habitation mais également ceux qui acquittent la taxe foncière, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la cotisation foncière des entreprises (CFE).