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De la Justice, du Droit en France et dans ses anciennes colonies

par Nemo3637

Publie le dimanche 22 avril 2018 par Nemo3637 - Open-Publishing

Le droit dans la société libérale

A l’heure où l’on nous parle de réformes de la Justice masquant tant bien que mal l’indigence dans laquelle se trouve le ministère et son fonctionnement, il semble utile de rappeler les origines des institutions qui nous gouvernent

L’application du Droit et le fonctionnement de la Justice a toujours été cible de nombre de critiques en France. On a souvent évoqué une Justice de classe prompte à condamner le voleur d’orange mais faisant preuve de mansuétude à l’égard de l’homme d’affaires véreux ou du politicien délinquant. Cette Justice n’est-elle pas autre chose que la résultante d’un rapport de force où les puissants ont toujours raison ? Cette vision des choses est partagée depuis longtemps par une large partie de l’opinion, par les plus démunis bien sûr. Mais l’ « état de droit » sait cependant se présenter, faire bonne figure, montrant sur le papier une rigueur et une équité imparable.

Qui a pris la peine de lire la constitution de l’ex-URSS ? Tout y était accent de liberté, lisse, plein de prévoyance pour le bonheur du peuple... C’est simple : celui qui n’était pas heureux dans un tel monde régit par une telle constitution ne pouvait être...qu’un fou digne de l’asile psychiatrique !

Mais ce qui apparaît comme le grossier maquillage d’un totalitarisme évident, se manifeste toujours quand on évoque les constitutions de nos pays occidentaux empreints de libéralisme.

Rappelons quand même ce qui fait l’essence de ce libéralisme. S’opposant à la Monarchie absolue, à toute tyrannie, trois piliers soutiennent le système : Justice, Législatif, Exécutif. La constitution de la République française se présente ainsi pleine de générosité, défendant à la fois la propriété, le droit au travail, les principes de l’égalité, le droit de vote. A ce propos signalons que non seulement les femmes en étaient exclus, mais aussi nombre de catégories sociales comme le personnel domestique. Les premiers votes sont censitaires, seuls les chefs de famille payant l’impot peuvent y participer.Au total c’est moins de trois millions de personnes qui pouvaient voter alors dans les premières années d’une République de 27 millions d’habitants. Cependant, en Europe, jusqu’au XIXe siècle,les peuples se révoltant contre l’oppression, adoptèrent pendant longtemps, la Marseillaise, le drapeau bleu blanc rouge, barré des trois grands principes, Liberté, Egalité, Fraternité furent symboles de l’émancipation. C’était la jeune République des premières années dont on aimait se souvenir.

Mais tous ces droits finalement concernaient peu les pauvres. Les institutions, le vote leur faisaient croire qu’ils pourraient faire entendre leur voix. Mais avec habileté le libéralisme ne leur proposait que des marchés de dupes. Voter ? Mais pendant une large moitié du XIXe siècle le vote est censitaire. Et par la suite, pour se présenter aux élections, il fallait, il faut encore être bien né, avoir de l’argent. Jusqu’aux années 1930, les pauvres, les prolétaires, ne votaient pas ou peu.

Ce Droit qui montre en réalité le triomphe des valeurs bourgeoises, peut quand c’est nécessaire, s’adapter, être sa propre caricature quand il s’agit de défendre un puissant, un représentant du pouvoir.

La justice dans les îles.

Dans les îles, les anciennes colonies de la France, le droit républicain se répandit tardivement - c’estle moins que l’on puisse dire - avec des conceptions et des applications à géométrie variable. Le Droit du Travail ne fit ainsi qu’une timide apparition en 1936, avec la victoire du Front Populaire. Une nouvelle éclipse s’abattit ensuite avec le pétainisme où l’on craignit même le rétablissement de l’esclavage.

Dans une petite île isolée, où les puissants semblent indéchoukables, la problématique est toujours la même : comment faire valoir ses droits quand le pouvoir local vous les refuse par principe depuis toujours, en dépit parfois du droit étatique ? L’habitude est prise et depuis longtemps. Le Droit, encore plus clairement qu’ailleurs, c’est donc celui du plus fort, des descendants des planteurs blancs et de leur clientèle, des quelques riches parvenus, des fonctionnaires appliquant ce Droit dans toute sa rigueur à ceux qui doivent rester soumis.

Le Droit de propriété s’applique avec sélectivité au prétexte de la complexité des dossiers. Les propriétés dont la succession s’avère complexe, du fait d’une multiplicité d’héritiers, pouvant sembler en deshérence, deviennent des proies pour les spéculateurs immobiliers. Ainsi en est-il de la succession Félix Grat où Hervé Pinto se retrouve spolié de ses droits de propriété.

Les victimes de cette Justice injuste se sont courageusement regroupés aujourd’hui dans le collectif-justice.wifeo.com et il est du devoir de tous les Martiniquais de les soutenir.

Dans nos petites îles où tout le monde se connait, où la corruption règne, il est difficile de croire que les cibles sont prises au hasard...

Après, dans ce contexte antillais où l’on fait trainer des années - encore plus longtemps qu’en métropole ! - des procédures couteuses, on peut toujours jouer au naïf, pester, protester contre cette « République injuste », « en contradiction avec ses idéaux ». Mais en vérité on sait bien que même avec des dossiers, pesant des tonnes de papier, de plusieurs mètres de haut, et des arguments imparables, rien n’y fera. On connait déjà à l’avance l’issue de tels combats d’effet de manche, menés par d’habiles avocats, où finalement c’est le faible, le plaignant qui est condamné.

Ces procédures sont les faibles armes en carton pâte que l’on propose aux pauvres en leur faisant croire qu’ils vont pouvoir se défendre contre des puissants... Les bourgeois, eux, se battent certes férocement entre eux. Mais en champ clos. Ils savent d’instinct sauvegarder leurs intérêts de classe et donc éliminer d’emblée des aspirants à la Justice venant de la classe des opprimés

A moins qu’un syndicaliste et ses copains ne fasse une descente, coince un Procureur de la République amené à faire une confession publique filmée...

Mais dans l’ensemble, dans ce domaine de la Justice, comme on sait, on a rarement l’occasion de s’amuser.