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Les gilets jaunes : spontanéité ou continuité ?

par Raymond H

Publie le lundi 19 novembre 2018 par Raymond H - Open-Publishing
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Le mouvement des gilets jaunes enflamme la médiasphère et les partis politiques sclérosés tant il sort des schémas classiques fixés par la structure politique, sociale et idéologique du pays. Même les directions syndicales (et non pas les syndicats de base), pourtant rompues au combat social, semblent prises de court. J’écris « semblent » car cela ne va pas de soi comme voudrait le faire croire le camp macroniste et, plus généralement, le camp des politiciens établis.
Ce mouvement est « spontané » dans la mesure où il se fait en dehors d’un calendrier social et mouvements et de manifestations établi par les organisations syndicales.
Il est « spontané » dans la mesure où il utilise les réseaux sociaux plutôt que les journaux et tracts, comme moyens de mobilisation.
Il est « spontané » dans la mesure où il nous a surpris. Il est parti de nulle part, d’un endroit dont on ne soupçonnait pas l’existence ou que l’on voulait ignorer car, insaisissable dans le schéma binaire qui sert de grille de lecture à nos politiciens et aux grands médias.
On le dit « spontané » car, on ne veut pas voir sa force (Ndr : mais aussi ses faiblesses intrinsèques comme tout mouvement inorganisé et sans projet claire donc facilement récupérable par les réactionnaires et les fascistes) et sa différence.
On le dit « spontané » car on ne veut surtout pas voir (y compris certains de ses participants) qu’il n’est que la continuité d’une longue lutte sociale (avec ses hauts et ses bas) initiée par des syndicats en 1995 contre les politiques gouvernementales. Politiques qui se sont toujours traduites par plus de cadeaux aux riches et plus de ponctions pour les pauvres. La taxe sur les carburants a fait déborder le vase mais, ce n’est pas le seul motif (d’ailleurs des gilets jaunes le disent et veulent aller au-delà).
Donc, à l’origine, il y a bien eu (et il y a encore) un travail syndical de tous les jours à la base en même temps qu’un travail politique continu (notamment des organisations communistes). Tout cela a créé un climat favorable à ce qu’advienne ce mouvement, ce qui serait honnête de reconnaître par certains des participants à ce mouvement qui se veut apolitique (l’apolitisme n’existe pas, dans la mesure où ce mouvement s’oppose aux conséquences de choix politiques. Il faut faire attention, car c’est souvent le cache-sexe des tendances poujadistes).
Tout cela devrait donner l’occasion aux syndicats et aux bases syndicales de soutenir le mouvement, de s’y intégrer non pas pour le récupérer bêtement - au risque de le réduire et de le tuer - mais pour y mener l’enquête et lui éviter d’être pris en main par les réactionnaires et les fascistes (qui sont à l’affût, voyant là l’occasion de se refaire une virginité). Egalement pour augmenter les revendications en dénonçant la politique sociale et économique du gouvernement ; ce qui dépasse la seule taxe sur les carburants.

Ce qui est nouveau dans ce mouvement c’est sa composition sociale et c’est ça qui fait peur aux tenants du pouvoir ainsi qu’aux partis installés, aux journalistes et autres faiseurs de la pensée correcte.
En effet, en dehors d’y trouver des prolétaires (dont certains en rupture de syndicalisme et/ou de participations électorales car n’y voyant plus d’issues à leur souffrance) on y trouve :
  des ruraux et des semi-ruraux paupérisés qui ressentent cette taxe comme une nouvelle punition alors qu’ils n’ont pas d’autres choix que d’utiliser un véhicule diesel pour se déplacer à moindre coût (du moins jusqu’à il y a peu) pour aller à la ville pour atteindre des services publics ou des lieux de travail qui se sont éloignés par des choix économiques qui ne sont pas les leurs ;
  des membres des classes moyennes (petits artisans, commerçants, …) qui se sont paupérisés au fur et à mesure du temps sous les coups de la concurrence mais également des politiques fiscales, les transformant en lumpenprolétariat. Historiquement, dans leur grande majorité, ils forment la base sociale des partis de droite et même d’extrême-droite, puis récemment, du macronisme.
C’est cette alliance sociale de fait dans l’action (mais pas encore dans le politique et encore moins dans le projet de société), qui inquiète les partis installés, les faiseurs de la pensée correcte. Et comme ils sont inquiets pour leur situation de rente et qu’ils ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre) ils sortent l’injure, la ridiculisation, la stigmatisation, en les renvoyant au « fascisme », à « l’extrême-droite ». Ainsi, ils éludent la réflexion, la recherche d’une solution et offre, à bon compte, une base électorale à Marine Le Pen ou Dupont-Aignan sans que ceux-ci n’aient d’effort à faire.

C’est à nous militants communistes et syndicaux, dans l’urgence, de nous intégrer à ce mouvement, pour lui donner un sens politique plus vaste (anticapitaliste) et l’orienter vers les vrais ennemis pour éviter qu’il ne tombe dans de mauvaises mains comme le souhaiteraient discrètement ces partis installés, ces faiseurs de la pensée correcte, pour mieux justifier à postériori leurs positions.
C’est à nous de conserver l’unité sociale née dans l’action en faisant comprendre aux classes moyennes paupérisées que leur intérêt ne réside plus dans le capitalisme mais, dans le projet communiste sur la base de la défense des intérêts du prolétariat.
Nous devons rester vigilants vis-à-vis de ce mouvement pour en dénoncer les dérives éventuelles, mais nous devons rester aussi humbles et constructifs pour qu’il devienne au moins une base sociale de luttes à venir. Luttes qui seront plus dures et plus cassantes avec le capitalisme.
L’avenir de ce mouvement dépend de ce qu’en feront ses participants, mais aussi de nous syndicalistes et militants révolutionnaires, dans l’analyse que nous en ferons et le soutien que nous apporterons ou non.

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