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L’UNION FAIT-IL TOUJOURS LA FORCE ? A propos de l’union d’AL et de la CGA

par Nemo3637

Publie le samedi 27 juillet 2019 par Nemo3637 - Open-Publishing
6 commentaires

Deux groupes politiques libertaires, Alternative Libertaire et la Coordination des Groupes Anarchistes (CGA) ont finalisé en juillet dernier leur union , devenant l’Union Communiste Libertaire. C’est un fait notable car dans le milieu de l’anarchisme politique on est plus habitué à des scissions et dissidences, qu’à des unions en fanfare.

Hormis la Fédération Anarchiste qui représente la vision « synthèsiste » (1) de l’anarchisme , Alternative Libertaire est resté le seul groupe militant libertaire d’une relative importance. Son périodique « Alternative Libertaire », devenu l’organe de la nouvelle UCL, se trouve depuis un certain temps déjà, régulièrement en vente dans les kiosques. Les groupes, les militants d’AL, sans être très nombreux, étaient, sont déjà présents et actifs dans nombre de luttes.

La ligne politique se veut unitaire au sein du mouvement ouvrier et syndical, avec, compte tenu du degré de combativité, une préférence pour la CGT et SUD. Cette attitude unitaire, « oecuménique », rappelle la stratégie trotskyste. AL restait en effet régulièrement mentionnée en signature de nombre d’actions dont les têtes de liste était la Ligue Communiste Révolutionnaire, puis le NPA.

L’activisme a souvent prévalu, avec un manque d’analyse. Il impliquait un suivisme où nombre de militants, par exemple, se retrouvaient fiers de jouer les « porteurs d’eau » de la CGT qui elle-même participa à l’enterrement du mouvement de grèves de 2010 (2).

AL est ainsi apparu longtemps comme un groupe gauchiste gentillet parmi d’autres. L’effondrement du gauchisme, et particulièrement du trotskysme, dont nombre de ses défenseurs ont rendu les armes (3) laisse aujourd’hui un créneau à la nouvelle UCL. Sous condition que des analyses conséquentes soient élaborées au vu des derniers mouvements sociaux. Ce qui pourrait déboucher naturellement sur des stratégies en réseaux bien comprises, facilement adoptables.

Quant la CGA, née d’une scission d’avec la Fédération Anarchiste (4), la décantation qui l’a affecté, a permis de voir partir les vieux « fondamentalistes » - encore une scission ! - se réfugiant dans une nouvelle « Organisation Anarchiste » ultra groupusculaire. La CGA apporte ce qu’il restait de plus dynamique en elle. Mais dans l’histoire il apparaît bien que c’est AL, par son expérience, qui reste la locomotive .

Il conviendrait d’approfondir certaines analyses comme par exemple celles concernant l’explication du rejet du keynésianisme, la nature de la crise qui affecte le système capitaliste, la place du travail, sa valeur, dans la société actuelle, la définition du prolétariat, l’affaiblissement de l’idéologie de la marchandise, la mort de l’environnement promise par le système, etc.

L’UCL devrait pouvoir compter sur certains penseurs alsaciens... .

Sans ce travail indispensable, l’union des deux groupes aboutira à une simple addition de deux faiblesses, allant des dérives de l’idéologie et du folklore, au petit groupe gauchiste aux slogans faciles..
.

(1) Dans les années 1950 une grave scission affecta la Fédération Anarchiste qui se divisa en deux tendances : les « communistes libertaires », plus activistes, parfois électoralistes. Et les « synthèsistes » plus rassembleur, du végétarien à l’évolutionniste. C’est cette tendance qui finalement prévalut dans la FA...

(2) « Partie remise – Le mouvement social de l’automne 2010 » Ensemble d’articles publiés dans le journal « Alternative Libertaire ». Face à la faiblesse de la riposte syndicale, on justifie une politique d’entrisme (« les communistes libertaires dans la CGT ») « pour contrecarrer le réformisme confédéral dans les niveaux intermédiaires »(p.80).

(3) Affinités Révolutionnaires. Nos étoiles rouges et noires. Pour un solidarité entre marxistes et libertaires (Paris, Fayard, Mille et une nuits, 2014) . Dans ce petit ouvrage constructif, un constat apparaît clairement entre les lignes : l’écroulement du marxisme-léninisme face à l’anarchisme ....

(4) La CGA est née d’un désaccord quant aux élections présidentielles de 2002 où Le Pen se retrouvait en lice pour le 2e tour. La FA était favorable à un vote Chirac. Mais une partie des adhérents soutenaient l’abstentionnisme...et se séparaient en créant ledit CGA. Motif suffisant pour susciter un programme ?

Messages

  • A propos de la note 4 – « La CGA est née d’un désaccord quant aux élections présidentielles de 2002 où Le Pen se retrouvait en lice pour le 2e tour. La FA était favorable à un vote Chirac. Mais une partie des adhérents soutenaient l’abstentionnisme...et se séparaient en créant ledit CGA. Motif suffisant pour susciter un programme ? » –, je tiens à réagir à cette affirmation erronée et stupide. Ayant été témoin de cette scission, je peux affirmer que la véritable raison fut, comme l’indique Wikipédia, le refus de groupes du sud de la France « de la pratique de l’unanimité dans le processus décisionnel au sein de la FA, jugée “source d’immobilisme“ au profit d’un mode de prise de décision à la majorité qualifiée ». J’ajouterai que des désaccords personnels et d’ego s’y ajoutaient, comme bien souvent. Pour le reste, je ne ferai aucun commentaire. L’interprétation est libre…
    PB (Anarlivres)

    • Quant à moi j’ai le souvenir de débats agitant la FA à propos de l’abstentionnime ou d’une participation au vote. Et d’un sentiment de révolte quand emergea la tentation d’un vote anti-Le PEN (donc Chirac) dans la FA. Un tel courant, m’a t-il semblé,était porteur du CGA. Mais j’admets qu’il y ait pu y avoir d’autres raisons...

    • Écrire que « La FA était favorable à un vote Chirac. Mais une partie des adhérents soutenaient l’abstentionnisme » est une contre vérité.

      Voici la Motion adoptée au congrès de la Fédération anarchiste 15 jours après le second tour par l unanimité des congressistes comme il se doit :

      Motion anti-électorale
      Motion d’orientation adoptée au 59ième congrès de la Fédération anarchiste réuni à rouen les 18, 19 et 20 mai 2002

      La Fédération anarchiste ne peut se féliciter de la victoire d’un Chirac, tout comme elle n’aurait pu se réjouir de celle d’un Jospin ou de qui que ce soit de plus fasciste. Nous rappelons que le principe de la démocratie représentative est d’abandonner sa voix et son pouvoir au profit d’un politicien. Á cet égard, rien n’a changé : malgré les taux d’abstention records jusqu’à ce pathétique second tour (les politiques antisociales de droite comme de gauche et l’impunité des élus en sont la cause principale), les élections passent et les problèmes restent...

      La majeure partie des partis politiques, des organisations syndicales et des associations a voulu nous faire croire qu’il fallait sauver la République ; celle-là même qui, pilotée de nouveau par Chirac, met en danger nos libertés fondamentales.

      Á gauche ou à droite, plus personne ne remet en cause une société fondée sur les inégalités économiques et sociales : tous défendent le droit d’opprimer et d’exploiter autrui. Nous n’avons rien à attendre d’eux. Á coups de privatisations, de casses du service public, de lois sécuritaires, les gouvernements successifs sont responsables et coupables. Qu’ils ne comptent pas sur le mouvement social pour les sortir du gouffre.

      La démocratie ne protège pas de l’extrême-droite. Aujourd’hui en Europe, cette dernière est présente dans de nombreux gouvernements : Italie, Autriche, Danemark, Pays-Bas... Les élections n’ont jamais barré la route au fascisme, très souvent, le vote a légitimé les pires canailles ; Hitler et Mussolini sont arrivés au pouvoir par les urnes et c’est la chambre des députés qui a investi Pétain des pleins pouvoirs.

      Les abstentionnistes ont toujours été calomnié-e-s. Quand ils/elles ne sont pas accusé-e-s de faire le jeu de la droite, ils/elles sont désigné-e-s comme les responsables des scores de l’extrême-droite.

      Depuis des années, la social-démocratie et l’extrême-gauche parlementaire ont toujours muselé les mouvements sociaux en présentant comme seul débouché possible aux luttes, l’échéance électorale. Aujourd’hui, l’échec de cette stratégie attentiste est patent. Il faut sortir de l’impasse : pied à pied, dans les luttes sociales, dans tous les lieux et espaces, et au quotidien, nous devons développer collectivement des alternatives au capitalisme, au nationalisme, à la xénophobie, à l’État et au patriarcat et proposer un autre projet de société.

      Ce projet devra remplacer l’exploitation de tous par la gestion directe de la production et de la distribution des richesses, par et pour la population. Ce projet, au lieu de confier la gestion des intérêts de la population à une minorité de privilégié-e-s, devra structurer l’intervention directe de chacun-e dans les décisions le/la concernant. Il est de la responsabilité de chacun-e de le faire vivre partout.

      Partout, affirmons notre présence. Occupons le terrain, soyons actifs, manifestons. Avec toutes celles et ceux qui aspirent à une autre société, construisons une alternative sociale, d’émancipation, de liberté et de justice.

      Fédération anarchiste

    • Et pour finir le tract federal diffusé avant et pendant l élection présidentielle de 2002 :

      Abstention révolutionnaire !
      Tract de la campagne fédérale abstentionniste de la Fédération anarchiste pour l’élection présidentielle de 2002

      Les abstentionnistes ont toujours été voués aux gémonies. Quand ils ne sont pas accusés de « faire le jeu de la droite », ils sont désignés comme les responsables des scores extrémistes.

      Les abstentionnistes devraient faire l’objet de plus de considération de la part de nos politiciens. En effet, ils représentent une partie de la population autrement plus importante que celle de chaque courant politique participant à la mascarade. Les abstentionnistes ont toujours servi d’exutoire à la colère du « syndicat des perdants » en matière électorale.

      Ce discours est aussi tenu par les partis de la gauche « plurielle » ou de l’extrême gauche d’une part parce qu’ils sont des défenseurs du système parlementariste et bourgeois, et d’autre part parce qu’ils n’ignorent pas qu’un courant du Mouvement ouvrier rejette l’électoralisme comme moyen de parvenir à une société de paix, libre, égalitaire et solidaire. Ce courant c’est l’anarchisme. Aussi, quand les politiciens fustigent les abstentionnistes , c’est surtout aux anarchistes qu’ils adressent leurs plus vifs reproches !

      Quelques précisions...

      Les abstentionnistes d’aujourd’hui peuvent être classés en trois catégories distinctes :

      Ceux qui sont désignés sous le vocable de « pêcheurs à la ligne » par les politiciens et qui ne font aucune propagande pour l’abstention. De ce fait ils ne désirent entraîner personne derrière eux et ne se sentent pas concernés par la vie politique.

      Ceux qui, déçus des partis de gauche depuis 1981, se sont éloignés soit définitivement, soit provisoirement des urnes. Cependant, ils n’ont pas pour autant repris à leur compte la dimension révolutionnaire du discours sur le refus de vote, sur l’abstention engagée et sur la nécessaire mobilisation dans les luttes.

      Les anarchistes ont opté pour le choix de l’anti-électoralisme afin de ne pas tomber dans les rets du pouvoir. Ce choix, loin d’entretenir l’immobilisme, conduit celles et ceux qui refusent le vote comme instrument de transformation sociétaire à s’inscrire totalement au sein du Mouvement social pour changer la société actuelle.

      Partout les hommes d’État, les hommes d’argent, les hommes de répression ont toujours assouvi leur soif de pouvoir sur les masses par le truchement des urnes. Ce moyen légal, contre- révolutionnaire, est défendu par l’ensemble des idéologies qui se réclament peu ou prou de l’Étatisme. Pourtant vous pouvez constater que les isoloirs n’ont accouché que d’illusions... Très souvent même le vote a légitimé les pires canailles : Pinochet le massacreur d’Allende, Mussolini et ses centuries fascistes, Hitler et son N.S.D.A.P., Pétain et ses pleins pouvoirs, le F.I.S. et son intégrisme... La liste est longue... Les élections n’ont jamais barré la route au fascisme. Pas plus, d’ailleurs, que la politique politicienne ne propose une alternative crédible et efficace à cette société de sinistrose, inégalitaire et anti-humaniste. En réalité, ce ne sont pas tant les idées de Le Pen qui interpellent les bonnes consciences de nos politiciens, mais plutôt les scores que les fascistes atteignent... Ces scores se sont toujours nourris des politiques suivies : le seuil de tolérance des socialistes, les odeurs à Chirac, les rodomontades à Pasqua, les circulaires à Chevènement, les reculades de la gauche, les coups de gueule de la droite... les affaires et les scandales financiers de tous bords !

      Complètement discrédité, enfoncé dans des scandales, financiers ou autres, le personnel politique ne pense qu’à défendre ses intérêts particuliers, individuels ou de clan. La politique et l’électoralisme n’intègrent aucune dimension de morale. Et quand il est question de morale, il s’agit d’une morale de comportement... Une éthique des rapports individuels et collectifs, basée sur la Sincérité, la Justice, la Solidarité et l’Egalité : toutes choses qui s’écrivent avec une majuscule et que la classe politique ignore superbement.

      L’abstentionnisme comme alternative...

      C’est dans ce cadre que l’abstentionnisme prend une dimension alternative. Son corollaire, l’action directe donne des résultats plus probants que le « chèque en blanc » attribué aux politiciens... En opérant le choix politique de ne pas voter, les anarchistes mettent en évidence l’inutilité du « vote ». En effet, les anarchistes ne peuvent entretenir l’illusion des changements qui sont proposés pour plus tard... après... La misère et les inégalités, solidement installées dans notre pays, ne sont que la résultante de la passivité de larges couches de la population qui choisissent de voter plutôt que de lutter. Cette passivité est savamment entretenue par la classe politique, toutes tendances confondues, dont les intérêts se nourrissent de la démission électorale...

      Pendant que certains votent...

      Et pendant ce temps, Ernest-Antoine Seillière, le 15 janvier 2002 à Lyon, a fait entériner son programme très libéral par 2000 patrons officialisant ainsi l’entrée du patronat dans l’arène présidentielle. A un C.N.P.F. du compromis social a succédé un M.E.D.E.F. du combat politique. Quelques jours seulement après que Michelin ait annoncé la progression de ses bénéfices en même temps que 7000 suppressions d’emplois, la gauche plurielle, P.C.F. en tête, a rappelé Jospin à ses devoirs d’homme du "camp du progrès" et a exigé de lui que la loi donne un coup d’arrêt à ces « licenciements boursiers ». La politique, en l’occurrence la cohésion de la majorité gouvernementale, a vite repris le dessus et tout est rentré dans l’ordre... Les patrons ont pu poursuivre leurs mauvais coups en toute impunité. Jospin, dans le rôle dangereux du pompier chargé d’éteindre tous les incendies ? même quand ils éclataient dans le privé (Michelin, Danone, Moulinex) - a bradé l’héritage d’une gauche convertie a l’idée de compromis social. Au plan européen, la social-démocratie française et son homologue allemande ont, le 20 janvier 2002 à Berlin, mis la dernière main à un texte d’orientation commun intitulé : « Bâtir ensemble l’avenir de l’Union européenne ». Une récente réunion, à St Jacques de Compostelle, des ministres de l’Intérieur et de leurs homologues de la Justice des 15 de la C.E.E., a permis la mise en place du mandat d’arrêt européen... le ministre ibérique de la justice a déclaré : « Un pas important a été franchi vers l’Europe des libertés, de la sécurité et de la justice ». En fait il s’agit là de mesures communautaires tendant à réguler les flux migratoires, de blinder la porte sud de l’Europe. Une future police commune des frontières est envisagée à moyen terme.

      En conclusion... Pendant que vous votez , ils profitent ! Pendant que les travailleurs et les exploités délaissent le terrain des luttes sociales pour devenir de dociles électeurs, les politiciens et leur alliés capitalistes préparent des lendemains qui déchantent... Les patrons s’emploient à faire progresser leurs marges bénéficiaires, au besoin en licenciant tous ceux qu’ils jugent "non rentables" et les édiles européens bâtissent des murailles pour protéger leurs prébendes... Loin de promouvoir la démocratie, la classe politique la réprime constamment. Les mobilisations contre la mondialisation, contre les politiques sécuritaires, contre les O.G.M., le nucléaire et les risques industriels, les luttes aux côtés des Sans Papiers se retrouvent le plus souvent en butte aux condamnations de l’injustice bourgeoise. L’illusion électorale retarde la prise de conscience qui ne peut naître que de la pratique de l’action revendicative et collective. Loin des urnes, c’est en agissant au sein des luttes sociales que nous favoriserons le développement d’une véritable démocratie.

      Fédération anarchiste

    • Vroum, un grand merci pour ces rappels et contre la démocratie représentative fossoyeuse de notre émancipation et de nos libertés vite l’action directe, la gréve générale expropriatrice et l’autogestion.

    • Je maintiens mon propos concernant le choix du vote Chirac par nombre d’anarchistes en 2002, en réponse à la menace Le Pen.
      Mais ce genre d’attitude, de sentiment, n’a évidemment pas sa place dans un congrès de la FA où l’on se doit de marteler les grands principes de l’anarchisme, dont l’abstentionnisme fait partie.
      Si l’on se doit de "rétablir la vérité" ce genre de débat éloigne du propos initial qui était de commenter l’union de deux organisations, de s’en réjouir même si l’on peut se permettre de critiquer certains travers des anars.