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Référendum contre la privatisation d’ADP : les loups dans la bergerie

par François Graphard

Publie le jeudi 19 décembre 2019 par François Graphard - Open-Publishing
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Le front politique baroque qui s’est constitué pour soutenir le RIP contre la privatisation d’ADP n’est qu’une alliance de circonstance. Derrière quelques Insoumis, se cachent en fait des libéraux bon teint qui manipulent les gens pour déstabiliser Macron et son gouvernement.

Hémicycle

François Ruffin, député de La France Insoumise, est l’un des opposants les plus déterminés à la privatisation d’Aéroports de Paris et l’un des plus fervents soutiens du référendum d’initiative partagée (RIP) sur le sujet. On peut le créditer d’être fidèle à ses convictions. Mais son parti est loin d’être le seul à s’être engagé dans cette aventure du RIP. L’attelage hétéroclite qui s’est constitué à cette occasion balaie l’intégralité du spectre politique : France Insoumise, communistes, Parti Socialiste, mais aussi Les Républicains et UDI, avec en prime le soutien du Rassemblement national.

Derrière quelques Insoumis, on trouve donc des libéraux bon teint, issus des Républicains. Des hommes de droite qui n’ont jamais hésité à soutenir toutes les privatisations que leur famille politique a menées tambour battant entre 1986 et 2012, dont celle des autoroutes en 2005. Jusqu’au programme de leur candidat à la présidentielle de 2017, François Fillon, qui intégrait un vaste plan de privatisations et une réduction drastique du nombre de fonctionnaires.

Mais on y trouve également des hommes « de gauche », des libéraux-sociaux du PS, qui semblent avoir également oublié – ce n’est pourtant pas si vieux – qu’ils ont eux-mêmes privatisé les aéroports de Lyon, de Nice et de Toulouse sous la présidence de François Hollande. Le député PS Boris Vallaud, en pointe dans le combat contre la privatisation d’ADP, est bien placé pour le savoir puisqu’il était alors secrétaire général adjoint de l’Elysée et a lui-même supervisé la cession des aéroports.

Tous ces parlementaires de l’opposition savent bien que la campagne des signatures a très peu de chances d’aboutir à un référendum, même si le seuil des 4,7 millions était finalement atteint. Tous les spécialistes de la Constitution sont unanimes sur ce point : il sera pratiquement impossible de déclencher un référendum à la fin.

Les textes constitutionnels ne contraignent en effet le président de la République à organiser un référendum que si l’Assemblée nationale et le Sénat n’examinent pas la proposition de loi qui fait l’objet du RIP dans un délai de six mois. Pour la majorité LREM, qui détient les rênes à l’Assemblée, il sera facile d’éviter cette situation. Et comme elle a déjà voté la loi autorisant la privatisation d’ADP, l’issue ne fait guère de doute.

Il ne s’agit pas en réalité pour tous ces libéraux de se battre contre la privatisation d’ADP, mais bien de créer le buzz pour exister en tant qu’opposant et pour déstabiliser le gouvernement, avec lequel ils partagent pourtant bon nombre d’idées.

Quant à la France Insoumise, avec ce nouveau combat, elle vise une nouvelle fois Emmanuel Macron. L’anti-macronisme est d’ailleurs à peu près le seul point commun de l’alliance de circonstance qui s’est constituée autour du RIP contre la privatisation d’ADP. Mais les Insoumis risquent, avec ce pari risqué, de décevoir leurs électeurs, quand ceux-ci s’apercevront que leur mobilisation a été vaine.

Derrière le buzz médiatique de l’augmentation du nombre de signatures, il y a donc une réelle manipulation. Pas vraiment étonnant quand on regarde bien ceux qui sont derrière cette initiative et quand on analyse leurs véritables motivations. L’offensive des 248 parlementaires d’opposition apparaît avant tout comme une manœuvre opportuniste pour exister face à un président qui a fait éclater depuis 2017 les ex-partis dominants de droite (Les Républicains) et de gauche (PS). Ce front anti-Macron rassemble en fait tous les partis qui essayent de se relever depuis l’élection présidentielle. Elle relève également de l’illusionnisme dans la mesure où elle ne conduira même pas, quel que soit le nombre de signatures recueillies, à un référendum.

Mais tenter de « se refaire la cerise » en détournant un instrument de démocratie participative, en dissimulant sa véritable idéologie et en manipulant les citoyens n’est sans doute pas la manière la plus noble de faire de la politique. Avec de telles pratiques, il ne faudra pas se plaindre si le discrédit du politique progresse encore.

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