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Néocolonialisme Français actualisé : EXTRA !

par joclaude

Publie le vendredi 11 décembre 2020 par joclaude - Open-Publishing
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Source : blog"Histoire et Société" Vu d’Amérique latine : Néocolonialisme en Afrique, la France fer de lance

Cette analyse va peut-être éclairer le rôle joué par Macron et ses prédécesseurs dans la lutte désespérée pour l’hégémonie occidentale, en lisant ce réquisitoire argumenté on comprend mieux la violence xénophobe anti-chinoise qui s’est emparée de la France, de ses médias, et l’on voit à quel point l’unanimité du sénat n’est pas simple hasard, ce soutien aux politiques de l’OTAN part d’une vision néo-coloniale ancienne et réactualisée par un pseudo anti-terrorisme qui l’utilise partout. A lire impérativement pour mesurer le rôle de la France et l’étonnante unanimité des forces politiques françaises autour de ce rôle. (note et traduction de Danielle Bleitrach)
Mardi 8 décembre 2020 par CEPRID

Alberto Cruz

CEPRID (CEPRID)
Nous avons près d’un quart du XXI e siècle derrière nous, il y a déjà deux ou trois choses claires : l’hégémonie occidentale disparaît à une vitesse vertigineuse alors que l’Asie est le continent qui en est bénéficiaire, sans aucune discussion, pour tout ce siècle. C’est la fin de la toute-puissance, un processus qui est vécu très douloureusement par les pays qui contrôlent le monde depuis 500 ans, puisque dès le XVIe siècle, ils ont commencé à établir des règles et des règlements qui imposaient ce qui était bien ou mal.

La crise de 2008 nous a déjà fait voir le soleil se lever à l’est et se coucher à l’ouest. Elle a été la visualisation qu’un monde multipolaire a commencé face auquel l’Occident a été forcé de battre en retraite alors qu’émergeaient à l’Est toutes ses puissances, à la fois la Russie et, surtout, la Chine. La pandémie covid-19 n’a fait incontestablement que rendre cette réalité plus massive. Parce que le coronavirus a laissé l’Occident nu, mis en évidence sa fragilité et sa vulnérabilité, et démontré la force économique et politique de la Chine. Le fait que les pays de l’Association des États de l’Asie du Sud-Est (ANASE, qui sont tous inclus dans le nouveau Partenariat économique global régional) soient devenus le premier partenaire commercial de la Chine cette année de la pandémie, dépassant une Union européenne de plus en plus moribonde, a été le facteur déterminant. Dans le même temps, c’est la Chine qui a délogé les États-Unis en tant que premier partenaire commercial de l’Union européenne.

Sans cette épidémie, les pays asiatiques n’auraient pas finalisé quelque chose qui a commencé peu de temps après la crise de 2008 et le Partenariat économique global régional (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Birmanie, Cambodge, Chine, Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande) n’aurait pas existé, donnant lieu au plus grand accord commercial au monde, englobant 31 % de la population mondiale, qui représentent presque la même part du PIB mondial et un peu moins que cette part du commerce mondial.

Le seul pays asiatique laissé de côté est l’Inde (en plus de la Corée du Nord) et cela après qu’il ait dérivé vers les États-Unis avec cette lune de miel entre Modi et Trump qui a commencé il y a quelques années. Toutefois, si Trump quitte la présidence, il est fort probable que l’Inde reconsidérera sa position afin de ne pas être exclu d’un marché aussi lucratif. D’autant plus que ce que préconise ce nouvel accord économique, c’est la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires entre les pays membres, et qui à elle seule devrait déjà augmenter le PIB de tous les pays d’au moins 2% par an. Il s’agit d’un accord dans lequel tous les pays asiatiques gagnent (et dans lequel l’Occident perd).

Que tous les pays asiatiques, sans exception, aient été en mesure de lutter contre la pandémie beaucoup mieux que les Occidentaux et en sont sortis non seulement plus rapidement, mais avec plus de force ne peut plus être nié par personne. C’est ainsi que des pays aussi éloignés politiquement que la Chine et le Japon, par exemple, se sont reconnus comme faisant partie de l’EIR.

Mais l’Occident tente de raviver son hégémonie, quelque chose comme le sursaut de l’agonisant. D’une part, imposer des sanctions à tout ce qui bouge (sanctions illégales au droit international si elles ne sont pas imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU) et ainsi montrer leurs fameuses « valeurs démocratiques ». D’autre part, le recours au néocolonialisme classique en essayant de raviver les anciennes gloires passées du colonialisme stricto sensu. L’Europe est un expert en la matière. Sans surprise, donc, la Grande-Bretagne du Brexit tente de renforcer sa marine pour relancer sa scène coloniale (Johnson a dit que les navires britanniques seront « toujours présents » dans les mers asiatiques et même en mer Noire) ou que la France recourt à sa zone traditionnelle de domination coloniale : l’Afrique.

Le deuxième axe

Un peu plus d’un demi-siècle après avoir achevé les processus formels de décolonisation des pays africains, ce continent est l’autre axe où se joue l’équilibre géopolitique du monde post-pandémique. Et c’est là que l’Union européenne mourante s’accroche à la vie en essayant de conserver une sorte de pouvoir et d’autonomie face à des rivaux anciens et nouveaux : les États-Unis, la Chine, la Turquie et les pays du Golfe.

Le fer de lance est la France, puissance coloniale par excellence sur le continent africain. Dès juillet, les anciennes colonies françaises se sont abstenues de soutenir l’initiative de l’Organisation pour l’unité africaine en demandant de l’aide à la Chine pour faire face à la pandémie. Face aux appels désespérés des pays africains pour une aide économique et sanitaire, l’UE a déclaré qu’elle ne pouvait pas faire plus et que ce que ces pays devaient faire était de « compléter les programmes en cours ». Traduction : L’Afrique doit se contenter de ce qu’elle a.

La France semble alors avoir à cœur d’empêcher ses anciennes colonies de se tourner vers a Chine et elle offre 1,2 milliard d’euros par l’intermédiaire de l’Agence française de développement à toutes ses anciennes colonies (23 au total sur le continent africain), en particulier le Sénégal, le Burkina Faso, la Guinée et Madagascar. Les propos de Macron étaient très clairs : « C’est dans une perspective stratégique, le jeu n’est pas seulement de développer un contre-discours [à la Chine], mais aussi de pouvoir compter sur un équilibre [économique] éloquent. » Mais après la déclaration anti-chinoise expresse, la réalité : sur ce montant, seuls 150 millions d’euros ont été versés, le reste a dû être retourné avec intérêt et les pays bénéficiaires ont été contraints d’allouer 500 millions d’euros pour le « traitement de diverses maladies infectieuses ». Donner d’une main, reprendre de l’autre et se faire prendre en photo en souriant à propos de la santé. La France coloniale était de retour.

La France ces dernières années a déjà été très présente militairement au Sahel (onze pays) sous couvert de « lutte contre le djihadisme » bien qu’en profitant du déclin occidental, elle tente aujourd’hui de « s’étendre » aux territoires d’autres métropoles coloniales. Par exemple, au Mozambique, avec ses importantes réserves de gaz (la neuvième au monde à ce qu’on dit) et où une version du soi-disant État islamique a récemment surgi. Ou, par exemple, au Nigeria, un grand pays pétrolier, où elle vient d’annoncer un accord pour la construction d’une raffinerie de pétrole. Le Mozambique était une colonie portugaise, le Nigeria britannique.

Ces mouvements néocoloniaux sont en train d’être contrecarrés par des mesures qui semblent être un retrait de l’influence de la France dans ses anciennes colonies, comme l’adoption d’un projet de loi qui abroge définitivement la franchise de la Communauté financière africaine (CFA), monnaie utilisée dans tous ces pays influencés par les Français et qui était non seulement garantie par la France mais qui obligeait ces pays africains à avoir la moitié de leurs réserves monétaires à la Banque de France.

Mais ce qui se fait d’un côté est supprimé de l’autre, parce qu’il y aura une nouvelle monnaie, appelée echo, qui maintient également sa subordination à la métropole en ayant une parité fixe avec l’euro, ce sera aussi la Banque de France qui garantit ou non sa convertibilité et maintient également l’obligation de ces pays africains de déposer « au moins » 50% de leurs réserves de change à Paris.

S’en suit une spécificité en France que la révolte et la critique de sa présence en Afrique suivent, comme au Mali où le coup d’Etat militaire de fin août a mis en évidence le rejet de ce néocolonialisme. Quelle a été la réaction de la France ? Elle a demandé tout de suite la suspension « immédiate » du Mali au titre de l’Organisation mondiale de la francophonie (49 pays). Aussitôt il a été fait de même pour L’Organisation pour l’unité africaine, bien qu’elle l’ait levée début octobre.

Néocolonialisme-djihadisme

La France est le fer de lance de cette tentative occidentale de rester hégémonique quelque part. Il s’agit d’une tentative de consolider une distribution leadership mondial dans les sphères d’influence, quelque chose comme l’Asie pour la Chine, l’Amérique pour les États-Unis et l’Afrique pour l’Europe. En juin, l’UE a alloué 8 milliards d’euros, renouvelables tous les quatre ans, dans le but fondamental de « financer des opérations militaires dans des pays étrangers ». La main de la France dans ses anciennes colonies est tout à fait reconnue et est sous son influence, de sorte que l’UE maintient quatre de ses cinq missions militaires actuelles sur le continent africain, et il est vrai qu’elle aussi en vue de contenir l’immigration.

L’UE parle désormais pas tellement d’immigration mais plutôt de « lutte contre le djihadisme ». Il est typique de l’Occident de remarquer la chaleur des flammes lorsque arrive le feu. En France, notamment avec les attentats islamistes. Que ce soit l’Occident avec son alliance avec les pétro-monarchies du Golfe qui l’ait utilisé et défendu pour atteindre ses objectifs géopolitiques ne fait aucun doute. Le premier succès a été l’Afghanistan, le dernier la Libye. Au milieu se trouve le soutien aux djihadistes en Syrie, aujourd’hui presque vaincus et soutenus essentiellement par la Turquie.

Mais il est très difficile de trouver des analyses liées aux effets du néocolonialisme sur l’expansion du djihadisme et comment ce djihadisme est utilisé comme excuse pour protéger les intérêts économiques néocoloniaux occidentaux. C’est le cas au Mozambique, où la France a entraîné l’UE parce qu’elle fait valoir que les intérêts de sa multinationale Total, le plus grand projet français sur le continent africain, sont menacés. Ce n’est pas le cas, parce qu’au cours des trois années où l’État islamique a existé au Mozambique, pas une seule fois la multinationale n’a été attaquée. Mais il faut continuer à agiter le chiffon rouge pour que les gens assument l’inassumable.

En effet, la présence de l’UE au Mozambique s’explique formellement par une demande du gouvernement mozambicain en septembre, lorsque le soi-disant État islamique (qui au Mozambique agit comme Ansar al-Sunna) a commencé ses opérations dans la province du Cap Delgado, où se trouvent les principales réserves de gaz et de rubis et où se trouve la multinationale française. Bien sûr, la séquence chronologique est plus que simplement curieuse et il est peu probable qu’il s’agisse d’une coïncidence. Car un peu plus tard, en octobre, l’UE a réagi en annonçant son « engagement à fournir une aide à la sécurité contre l’Etat islamique » tout en ajoutant le nouveau mantra moderne : « la formation et la logistique technique dans plusieurs domaines spécifiques [non mentionnés], ainsi que l’assistance pour faire face aux défis humanitaires, y compris les services médicaux ».

Stopper la Chine (et la Turquie)

Les Français, qui tirent l’UE, ont beaucoup à voir avec cette tentative de produire un « contre-discours » pour contrer la Chine sur le continent africain. Les trois grandes compagnies pétrolières et gazières chinoises (toutes sous contrôle de l’Etat) sont très actives et près de 25% de toutes les importations de ces matières premières arrivent d’Afrique. Et il proviennent principalement de quatre pays : le Nigeria, l’Angola, l’Ouganda et le Mozambique. Comme il a été mentionné ci-dessus, la France est également entrée au Nigeria et au Mozambique.

La lutte est sourde, bien que la France (et l’UE) soient clairement désavantagées. Ils n’ont ni l’argent ni le prestige de la Chine, augmenté non seulement par l’aide fournie par la pandémie, mais par l’annonce d’offrir 55 milliards d’euros de financement sous forme de prêts sans intérêt aux pays africains (3 septembre) et l’annulation de la dette aux pays les plus pauvres. Et surtout, la Chine a adhéré aux principes de ne pas interférer avec les pays africains dans l’exploration des voies de développement qui s’adaptent à leurs conditions nationales, de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures, de ne pas imposer de conditions politiques pour aider l’Afrique et de ne pas chercher d’avantages politiques privés en matière d’investissement et de financement en Afrique. C’est pourquoi toutes les références de l’UE à l’Afrique commencent maintenant à dire que « il faut abandonner le paternalisme ». Les efforts de la France et de l’UE se concentrent pour tenter de ne pas laisser l’impression que leur « nouveau comportement » n’est guère plus qu’un changement de nom aux choses.

Mais il n’y a pas que la Chine, c’est aussi la Turquie. Le soutien actif de la Turquie à l’Azerbaïdjan dans la guerre du Haut-Karabakh a tenté d’être combattu par la France avec l’annonce par le Sénat français, non mise en œuvre, de reconnaître la république d’Artsakh (le nom par lequel les indépendantistes se réfèrent au Nagorny-Karabakh) comme un pays indépendant. C’est un autre exemple de la confrontation presque historique entre Macron et Erdogan qui a conduit au retrait de l’ambassadeur turc de Paris. Mais avant le Haut-Karabakh se trouve la Libye, où la France et la Turquie sont chacune d’un côté opposé. Ici, la France a un allié évident : l’Egypte. Français et les Égyptiens ont le même intérêt, « éviter l’expansionnisme » turc. Pour ce faire, et sous le couvert de la « lutte contre le djihadisme », ils s’entendent.

Alberto Cruz est journaliste, politiste et écrivain. Son nouveau livre est « Les Sorcières de la Nuit. Le 46e Régiment « Taman » d’Aviateurs soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale », édité par La Caída avec la collaboration du CEPRID et qui en est déjà à sa troisième édition. Les commandes peuvent être passées à libros.lacaida wL7 gmail.com ou à ceprid wL7 nodo50.org peuvent également être trouvés dans les librairies.

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