Accueil > Pas d’pichon pour Rungis

Pas d’pichon pour Rungis

Publie le jeudi 12 juin 2003 par Open-Publishing

Boulogne sur Mer : L’intersyndicale avait mis au programme de la journée du
10 juin le blocage de Capécure. A Capécure sur le port de Boulogne plus de 6
000 personnes travaillent pour la marée.
De 5 heures du matin à 15 heures les camions font la navette pour alimenter
en produit de la mer le marché de Rungis. L’idée des grévistes était
d’attaquer là où ça fait mal : le porte-monnaie.
Les Dockers ont été les premiers à mettre les barrages en place vers minuit.
Nous étions en train de coller lorsque nous avons vu la fumée des barricades
de pneus. A 6 heures du matin quelques enseignants viennent sur les barrages
relevés les camarades. Il y a également des cheminots, des ouvriers de marée
(dont une partie de non grévistes : ils occupent avant ou après leurs
postes). Les 5 accès au port de Boulogne sont bloqués. On laisse entrer les
camions mais toute sortie est impossible.
Neuf heures trente manifestation en centre ville : 2 500 personnes selon la
Voix du Nord. Peut être plus. Alors que la manif devait rejoindre le
quartier de la marée et qu’un militant de la CFDT Marée nous appelle pour
avoir des renforts au rond point de la Glacière, la tête du cortège CGT part
en divaguant dans le centre ville. Nous ne sommes qu’une poignée à venir
renforcer les barrages. La détermination des ouvriers de marée est
impressionnante. La fumée des pneus indique que les barrages tiennent
toujours. Premier incident, un patron de marée connu pour sa politique
sociale musclée tente de forcer un barrage. Dommage pour sa Mercedes...
Maintenant elle va rouler moins bien.
Une rumeur courre Capécure, les camions vont forcer le blocus à 12 heures, à
13 heures à 14 heures. Ce qui est sûr c’est que la grève n’est pas générale
et qu’on travaille dans les magasins de marée. Vers 13 heures première vague
d’assaut. Les flics de Boulogne ont revêtu leurs tenus anti-émeute. Le
commissaire lance les sommations au rond point de la Glacière. Manque de bol
pour eux le vent nous est favorable et une colline pleine de cailloux les
surplombe. Quelques occupants se placent là. Petit à petit des renforts nous
arrivent. Nous étions vingt à 11 heures nous sommes maintenant une
cinquantaine. Les flics avancent nous repoussent avec leurs boucliers (pas
de coups échangés) au delà de la barricade. Nous sommes au milieu du rond
point. Les pompiers venus avec les cognes éteignent le brasier.
Honneurs au boulonnaises : Dans le face à face qui suit le démantèlement de
la barricade, les camions se préparent à partir. Des ouvrières de marée
posent des planches à clous sous les roues. Les chauffeurs ont compris le
message et n’insistent pas. Les hommes interpellent les flics qu’ils
connaissent et à plusieurs reprises se mélangent à eux ce qui oblige le
commissaire à faire reculer ses troupes pour prendre de la distance.
Finalement ils retournent à leur point de départ. Nous reconstruisons une
nouvelle barricade qui est enflammée immédiatement. Sur les autres barrages
ils arrivent qu’on laisse sortir les particuliers. Les camions ne circulent
toujours pas. Certains ont même placé leur bahut en renfort de la barricade.
A 15 heures le commissaire nous annonce la venue d’une compagnie de CRS de
Calais. Ils sont signalés devant la poste par les camarades qui tiennent le
barrage près de la douane. 15 heures trente ils prennent position devant
nous. Un groupe est chargé de nettoyer la colline en surplomb. Un paquet est
envoyé en vedette sur notre gauche. Incertitudes chez les 200 grévistes à
présent regroupés. Un rendez vous est donné en cas de dispersion : Le rond
point qui se trouve derrière les keufs. Des camarades dockers, cheminots ou
mareyeurs tentent de résister à la charge. Quelques caillasses volent. La
lacrymo couvre la fumée des pneus. Un camarade est frappé au sol, un est
victime d’un tir tendu. Les CRS nous insultent copieusement.
Nous filons à travers les camions arrêtés et rejoignons tous le nouveau
point d’occupation. Les camions sont de nouveau bloqués. Les boulonnais sont
motivés pour résister aux keufs. Et jouer avec eux au chat et la sourie de
rond point en rond point. Les CRS arrivent de nouveau. Un nouvel
affrontement s’annonce quand deus ex machina le maire ps de Boulogne ramène
sa fraise. Il a avec lui les leaders syndicaux enseignants. On t’avait pas
vu avant ti !
Le deal qu’il a fait avec les patrons de la marée s’est de faire lever les
barrages. Le nôtre, qui aurait sans doute été levé dans l’indifférence
durant l’après midi, se trouve radicalisé par la répression policière. la
négociation est difficile. Très difficile d’autant que le temps travaille
pour nous : les camions ne peuvent toujours pas circuler. Finalement, le
maire obtient un barrage filtrant contre le retrait des CRS. Ils a beau
essayer de négocier les délais de passage plus importants les manifestants
restent fermes.
A 18 heures nous partons, les filtrages continuent
Le soir à 10 heures, cheminots, dockers ouvrier de marée installent deux
barrages : rond point de la glacière et sur celui où nous nous étions
repliés. De nouveau les pneus et palettes brûlent. Nous faisons la navette
pour les alimenter. Il y a de moins en moins de monde pour tenir les
barrages et à 4 heures du matin on va se coucher.
Quelques réflexions en vrac : 200 personnes ont suffi pour bloquer
complètement tout un secteur. Ce qui montre que les syndicats qui prétendent
ne pas pouvoir bouger faute d’effectifs nous baladent. A 400 nous aurions
été beaucoup plus efficace des délégués syndicaux allaient bosser en saluant
les grévistes... Et si tout Capécure avait débrayé on aurait même pas eu à
se faire chier sur les barrage. Il est évident que cette action a permis de
souder les ouvriers du public et du privé, que la détermination des
camarades du port ou du rail a impressionné les enseignants, alors que la
durée de la grève chez les enseignants a frappé le monde de la marée. Ce
n’était hier pas un affrontement entre flics et casseurs mais entre force de
l’ordre et une partie de la classe ouvrière. Les tactiques sont moins rodées
mais les mots d’ordres sont appliqués à la lettre.
Texte reçu d’un camarade de La Mouette Enragée, du groupe libertaire de
Boulogne sur Mer.