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Un juge convoque M. Berlusconi à son procès par journal interposé

Publie le mercredi 6 juillet 2005 par Open-Publishing

de Jean-Jacques Bozonnet, Rome

L’audience préliminaire du prochain procès de Silvio Berlusconi a été fixée au vendredi 28 octobre, à 9 h 30. Et nul ne peut l’ignorer.

Plutôt que d’envoyer la convocation par la poste, le tribunal de Milan a, en effet, préféré acheter quatre pages dans le quotidien Il Corriere della sera, le plus fort tirage de la presse italienne. Le nom du chef de gouvernement figure au premier rang des quatorze personnes mises en examen dans cette affaire de corruption et d’évasion fiscale concernant Mediaset, le groupe de télévision de la famille Berlusconi. Coût de cette convocation à grand spectacle : 180 000 euros. Il n’en fallait pas plus pour relancer la guerre entre la coalition centre-droite au gouvernement et la magistrature.

Le garde des sceaux, Roberto Castelli, s’est étranglé en ouvrant le journal : "On se plaint toujours du manque de moyens de la justice, a-t-il déclaré. Et puis, on dépense 180 000 euros pour une simple notification, c’est un record." "Une vraie folie !", pour la sous-secrétaire d’Etat à la justice, Jole Santelli, prête à "envoyer une inspection aux magistrats de Milan" . Les responsables de Forza Italia (FI), parti du Cavaliere, voient dans cette publicité une nouvelle preuve de l’acharnement des juges : "C’est une extraordinaire confirmation que, quand il s’agit de Berlusconi, la magistrature de Milan ne regarde pas à la dépense", a déploré Fabrizio Cicchitto, vice-coordonnateur de FI.

PRÉVU DANS LE CODE

Les magistrats voulaient-ils s’assurer que Silvio Berlusconi ne leur ferait pas faux bond, comme lors d’un précédent procès pour corruption de magistrats ? En 2003, le président du Conseil avait "séché" plusieurs audiences, sous prétexte d’un emploi du temps chargé. Son cas avait dû être dissocié des autres accusés. Dans cette affaire, M. Berlusconi avait finalement été blanchi, en partie grâce à la prescription.

Le juge milanais pour les audiences préliminaires, Fabio Paparella, s’est défendu d’avoir cherché à produire un coup médiatique : "J’ai pris une décision ordinaire, a-t-il expliqué. J’avais fait la même chose en 2003 pour les victimes d’un escroc, et personne n’a jamais rien dit." La publication dans la presse d’un avis d’audience préliminaire est en effet prévue dans le code de procédure pénale italien "quand une notification est rendue difficile par le nombre des destinataires ou par l’impossibilité d’en identifier certains" . C’est le cas cette fois puisque, parmi les parties civiles, il y a tous les actionnaires de Mediaset. "Ils auraient été injoignables autrement", a justifié un avocat. Un procédé du même type a été utilisé récemment pour le procès de la banqueroute frauduleuse du groupe agroalimentaire Cirio.

La justice soupçonne M. Berlusconi et ses coaccusés d’avoir contribué à soustraire quelque 280 millions d’euros des caisses de Mediaset lors de ventes et d’achats de droits cinématographiques. Parmi les prévenus figure l’avocat britannique David Mills, accusé notamment de faux témoignage. Tous savent désormais ­ et l’Italie avec eux ­ qu’ils ont rendez-vous à Milan le 28 octobre "à la 5e chambre de la cour d’assises, 1er étage, côté via Manara". Le procès devrait durer jusqu’au 19 décembre.

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