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Quand ils nous disent : "Nous sommes en guerre"

Publie le jeudi 14 juillet 2005 par Open-Publishing
6 commentaires

Quand ils nous disent : "Nous sommes en guerre", ayons une pensée pour tous les morts du passé, que l’on a envoyés se faire tuer dans des guerres qui ne les concernaient pas, simplement pour défendre les intérêts des puissants qui, eux, ne risquent jamais leur vie (tout comme aujourd’hui).

Si l’on ignore notre histoire, nous sommes condamnés à la recommencer sans fin, et à prendre pour ennemis les marionnettes que l’on agite complaisamment devant nos yeux et non pas le marionnettiste qui les anime.

Cette chanson de la "grande guerre" n’a pas pris une ride. Ce sont toujours les mêmes menteurs puissants qui engrangent les bénéfices et toujours les peuples qui meurent sous les balles, sous les bombes.

Jusqu’à quand ?!

Chanson de Craonne

En avril 1917, le plateau de Craonne est un des secteurs les plus disputés à l’est du Chemin des Dames. Sa prise est vitale pour l’armée française : en cas de victoire, les allemands seraient pris à revers et les artilleurs bénéficieraient du meilleur observatoire du champ de bataille. Si l’artillerie de Nivelle détruit celle de l’ennemi, elle entame à peine les défenses. Au moment de l’assaut, les vagues fournies de poilus doivent franchir à découvert un marais sans fin, puis escalader une pente abrupte. Les nids de mitrailleuses allemands les massacrent sous un feu croisé. La chanson de Craonne, composée lors de ce désastre, obtient un tel succès au front qu’elle est interdite par le haut commandement - elle le restera jusque dans les années soixante-dix. Une prime importante et le retour à la vie civile sont offerts à qui en dénoncera l’auteur. Jamais trahi, ce dernier est resté anonyme. Le contenu social et et politique de cette chanson, malgré ses tournures naïves, donne une idée très précise du ressentiment des poilus à la suite des offensives Nivelle et au moment des mutineries. Les injustices y sont dénoncées, ainsi que les véritables vainqueurs de cette guerre dont ils sont les "sacrifiés". Le dernier couplet s’en prend au pouvoir de l’argent. Aujourd’hui, le village de Craonne est recontruit à côté de son site original. Tous les jours des ossementsou des objets personnels remontent à la surface du grand charnier, rappel constant à la mémoire.

"Tous unis comme au front" peut on lire sur le monument aux morts du village martyr.

Source : Pierre CHAVOT et Jean-Denis MORENNE "L’ABCdaire de la Première Guerre mondiale" Flammarion 2001

Quand au bout de huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c’est fini on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le coeur bien gros comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civelots
Même sans tambours, même sans trompette
On s’en va là-haut, en baissant la tête.
 
Adieu la vie, adieu l’amour
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne, sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau,
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés.
 
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer,
Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leur tombes.
 
C’est malheureux de voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire Si pour eux la vie est rose
Pour nous, c’est pas la même chose
Au lieu de s’cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien
Nous autres les pauvres purotins
Tous les camarades sont tendus-là.
Pour défend’les biens de ces messieurs là.
 
Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettr’ en grève
Vont tous se mettr’ en grève
Ce sera votre tour messieurs les gros
De monter sur l’plateau
Car si vous voulez la guerre
Payez-là de votre peau.
 
Anonyme

Messages

    • La psychologie du soldat de 14 est un peu plus complexe que le simple fait de dire qu’il sont partis pour défendre l’interêt des puissants : voir à ce sujet les travaux d’Audoin Rouseau ou de Gorge Mosse

    • Ils ne sont pas certes pas partis en 14 "défendre l’intérêt des puissants", ça ils s’en sont aperçus plus tard, en 17, au fur et à mesure que la guerre durait et qu’on les envoyait par vagues se faire tuer absurdement ; ils sont partis "la fleur au fusil" comme partent tous les gars de vingt ou trente ans quand la propagande a bien fonctionné !
      "Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?".
      Dommage que l’Anonyme qui a écrit "la chanson de Craonne" n’avait pas lu les "travaux d’Audoin Rouseau ou de Gorge Mosse"... au moins, il aurait su pourquoi il allait mourir !

    • Ecoutons aussi (pourquoi pas ?) ce que la théorie marxiste a à nous dire au sujet des guerres impérialistes :

      "Selon Lénine, la guerre n’était en fait que le résultat de l’inégal développement des économies mondiales, d’une lutte pour les marchés et du choc des impérialismes. Pour appuyer ses thèses, Lénine dénonçait les buts de guerre "hypocrites" des grandes puissances : la France voulant détruire le militarisme allemand, l’Allemagne désireuse de mettre fin au régime réactionnaire des Tsars, etc. Lénine affirmait que les véritables enjeux de cette guerre étaient plutôt de s’emparer des territoires voisins, de masquer d’éventuelles révolutions par l’envoi au front de millions de paysans et d’ouvriers, de ruiner l’ennemi, etc. Sous un autre angle, il était question du choc des impérialismes. Quand Lénine écrivait en 1916 son ouvrage Impérialisme, Stade suprême du Capitalisme, il voulait mettre en lumière le fait que l’accumulation de richesses augmente la puissance et que cette même puissance se frotte inévitablement à une semblable, d’où une guerre est à prévoir si aucune entente n’est trouvée. Bref , la guerre est simple selon Lénine. Il s’agit, suite à plusieurs décennies de capitalisme, d’une accumulation de tensions et de rivalités à bases économiques et non de la méchanceté de tel ou tel homme d’État. Qui en est victime au bout du compte ? Le prolétariat ouvrier et paysan."

      Voir l’article complet sur www.grande-guerre.org/Articles/Origines.htm

    • La mort de Jaurés n’a rien changé , la guerre aurait eu lieu même avec Jaurés vivant

  • C’est Paul Vaillant-Couturier qui a recueilli en 1919 les paroles de cette chanson écrites par un anonyme. Elles avaient été plaquées sur un air d’une chanson d’amour très connue à ce moment là, "Bonsoir m’amour" d’Adhémar (Georges) Sablon, enregistrée et popularisée par Emma Liebel en 1916. La récompense offerte à qui dénoncerait l’auteur était à l’époque d’un montant "fabuleux". "Bonsoir m’amour" était aussi devenue complètement interdite, c’est logique.

    "La chanson de Craonne" a notamment été chantée par Marc Ogeret en 1973, Michel Grange en 1977, La Bamboche en 1977, Gérard Pierron en 1994, Serge Utgé-Royo en 1999, La Compagnie Jolie Môme en 1999.

    Voici les paroles - interdites - de "Bonsoir m’amour".

    Un joli teint frais de rose en bouton,
    Des cheveux du plus beau blond,
    Ouvrière humble et jolie,
    Ell’ suivait tout droit sa vie,
    Lorsqu’un jeune homm’ vint, comm’ dans un roman,
    Qui l’avait vue en passant,
    Et qui, s’efforçant de la rencontrer,
    S’était mis à l’adorer.
    Et, timide, un soir que la nuit tombait,
    Avec un sourire il lui murmurait :

    Refrain :
    "Bonsoir m’amour, bonsoir ma fleur,
    Bonsoir toute mon âme !
    O toi qui tient tout mon bonheur
    Dans ton regard de femme !
    De ta beauté, de ton amour,
    Si ma route est fleurie,
    Je veux te jurer, ma jolie,
    De t’aimer toujours !"

    Ça fit un mariage et ce fut charmant ;
    Du blond, du rose et du blanc !
    Le mariag’ c’est bon tout d’même
    Quand c’est pour la vie qu’on s’aime !
    Ils n’eur’nt pas besoin quand ils fur’nt unis
    D’faire un voyag’ dans l’ midi :
    Le midi, l’ciel bleu, l’soleil et les fleurs,
    Ils en avaient plein leur c ?ur.
    L’ homme, en travaillant, assurait l’av’nir
    Et chantait le soir avant de s’endormir :

    au Refrain

    Au jardin d’amour les heureux époux
    Vir’nt éclore sous les choux,
    Sous les roses ou sous autr’chose
    De jolis p’tits bambins roses ?
    Le temps a passé, les enfants sont grands,
    Les vieux ont les ch’veux tout blancs
    Et quand l’un murmure : "y a quarante ans d’ça !"
    L’autre ému répond : "Déjà !"
    Et le vieux redoute le fatal instant
    Où sa voix devrait dire en sanglotant :

    Refrain :
    "Adieu, m’amour ! adieu, ma fleur !
    Adieu toute mon âme !
    O toi qui fit tout mon bonheur
    Par ta bonté de femme !
    Du souvenir de ses amours
    L’âme est toute fleurie,
    Quand on a su toute la vie
    S’adorer toujours !"