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L’eau, trop rare pour être gaspillée

Publie le lundi 8 août 2005 par Open-Publishing

de Nicolas Genthial

Sécheresse. La Confédération paysanne met en garde contre l’inflation de culture de maïs irriguée, soutenue par la politique agricole commune.

Au sortir du comité de suivi « sécheresse 2005 », qui s’est tenu au ministère de l’Agriculture, la Confédération paysanne a décidé de pousser un coup de gueule. Pour Jacques Pasquier, responsable du dossier sécheresse pour la Confédération, nous connaissons actuellement « une insuffisance de la ressource en eau » plutôt qu’une sécheresse. Et la question essentielle réside donc dans la gestion de cette ressource, et, plus précisément, la pression exercée par les cultures de maïs irriguées, qui bénéficient d’un important soutien financier apporté par la PAC.

Un gaspillage infernal

Pour le syndicaliste, cette irrigation est « un infernal gaspillage de l’eau. Le maïs est une culture tropicale qui nécessite environ 2 500 m3 d’eau par hectare et par an. En comparaison, une famille française utilise 120 m3. Et pourtant, ce sont eux qui sont priés d’économiser l’eau. De plus, pour l’irrigation, des priorités s’imposent. Mieux vaut donner la priorité aux cultures à forte valeur ajoutée (fruits et légumes) qui valorisent l’eau en créant de la richesse, plutôt que les productions de masse qui n’ont d’autre intérêt que de générer des primes européennes. La monoculture de maïs irriguée est une double aberration écologique et économique, elle détruit les sols, porte atteinte à la ressource quantitative et qualitative en eau. D’ailleurs, elle ne survit que grâce aux perfusions de la politique agricole commune. En effet, une prime spécifique est versée pour les hectares de maïs irrigués dans un grand nombre de départements (208 euros dans la Vienne) et comme si cela n’était pas déjà trop, la collectivité doit aussi financer la construction de réserves d’eau pour pérenniser cette pratique ! Nous dénonçons les excès de l’agriculture productiviste, financée par une PAC folle. La situation hydrologique et sa gestion ne sont qu’un des symptômes de cette politique agricole irrationnelle ».

Tandis que le ministère de l’Agriculture minimise les problèmes d’approvisionnement en eau, le syndicaliste rappelle que les éleveurs du sud-est du Massif central tirent la langue (Haute-Loire, Cantal, Aveyron, Cévennes) et sans doute aussi dans l’Ouest (Vendée, Deux-Sèvres). Pour la quatrième année consécutive, l’Aveyron souffre. Et toujours pas de mesures « calamité » à l’horizon. La situation est pire encore au Portugal, et, selon la Confédération, l’autorisation délivrée par la Commission européenne d’exploiter les surfaces en jachère dans ce pays où, hormis en zone d’irrigation, rien ne pousse cette année, constitue une véritable duperie. Les élevages subissent une pénurie de fourrage qui sera grave de conséquences pour le cheptel du pays. Pire, la Communauté européenne vient d’autoriser la Hongrie à « exporter à un taux préférentiel » 200 000 tonnes de blé vers le Portugal. Jacques Pasquier s’interroge : « Le blé ne remplacera jamais le fourrage, de plus, il sera sans doute distribué aux industriels, pas aux agriculteurs et aux éleveurs. »

Et la Solidarité avec nos voisins ?

Comble de l’absurde, la solidarité dont auraient bien besoin l’Espagne et le Portugal, est empêchée. « La vraie solidarité européenne, un symbole fort, serait qu’on puisse envoyer du fourrage dans ces pays », martèle Jacques Pasquier qui ne décolère pas. « Depuis le mois de juin, la Confédération paysanne a lancé une action de solidarité auprès de ses militants. Elle recense des propositions de don de fourrage à destination du Portugal. À ce jour, ces dons représentent 15 % des besoins recensés par le syndicat portugais, la Confederaçao nacional da agricultura (CNA). Mais le gouvernement portugais fait la sourde oreille et refuse d’attribuer aux éleveurs, une aide financière au transport des fourrages. La CNA a lancé un ultimatum à son gouvernement, fixé au 3 août. La Confédération paysanne va s’adresser à l’ambassade du Portugal en France, en espérant que les barrières à la solidarité seront levées. »

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