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Berlusconi veut limiter les écoutes téléphoniques

Publie le mercredi 10 août 2005 par Open-Publishing

de Richard Heuzé

Silvio Berlusconi veut restreindre les écoutes téléphoniques aux affaires de terrorisme et de mafia et empêcher leur divulgation. Aussi annonce-t-il pour le premier Conseil des ministres de la rentrée un projet de loi « très énergique » prévoyant cinq à dix ans de prison contre toute personne coupable d’en diffuser le contenu.

Le président du Conseil estime « scandaleux » qu’on puisse mettre sur la place publique des conversations privées. Par la même occasion, il s’insurge contre les incursions judiciaires qui bloquent Bourse, sociétés et marché : « J’y mettrai bon ordre. Le plus tôt sera le mieux », promet-il.

Cela fait trois semaines que l’Italie vit au rythme des révélations relatives à l’assaut d’une banque de Padoue, l’Antonveneta, par un banquier lombard, Gianpiero Fiorani. Ouvertes dans le but de prouver que cet assaut a été organisé par Fiorani de concert avec d’autres associés, les enquêtes judiciaires ont mis en exergue le rôle actif joué par le gouverneur de la Banque d’Italie, Antonio Fazio, à qui sa fonction impose pourtant de rester neutre et impartial.

Jour après jour, les principaux quotidiens de la péninsule publient des pages entières de comptes rendus d’écoutes. Assez ingénument, les auteurs de ces conversations, dont Antonio Fazio lui-même, exposent leurs stratégies au téléphone et dévoilent leurs contacts.

Les documents publiés dépassent largement le cadre des enquêtes pour s’ingérer dans la vie privée de leurs protagonistes. Certains détails sont pittoresques. Comme ce SMS dans lequel, le 6 juillet, Anna Falchi, une blonde sculpturale qui vient d’épouser le promoteur immobilier Stefano Ricucci, l’un des alliés de Fiorani, assure son mari qu’elle « l’aime à la folie ». D’autres sont plus franchement sordides. Tels les comptes rendus des conversations de Cristina Fazio, épouse du gouverneur et femme très pieuse, aussi bien avec un prêtre, Don Andrea, qu’avec Gianpiero Fiorani, ami intime du couple, à propos d’un don à une oeuvre de bienfaisance. Bon nombre n’ont rien à voir directement avec l’enquête.

A la longue, ce déballage devient nauséabond autant qu’insipide et incompréhensible au commun des mortels. On en perd vite le fil conducteur. Comme lors des enquêtes des années 1992-1993 sur la corruption politique ou des prétendues « révélations » de repentis de la mafia témoignant contre Giulio Andreotti (qui sortira blanchi de ses procès). D’où la crainte de certains que cette publication ne finisse par alimenter une chasse aux sorcières disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Le gouverneur Antonio Fazio se voit déjà condamné alors qu’il n’a pas été mis en examen.

Le chef de l’Etat, Carlo Azeglio Ciampi, s’en est inquiété. La semaine dernière, il a pris les devants pour demander au vice-président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qu’il préside, de vérifier « les critères d’autorisation des écoutes téléphoniques et de divulgation de leur contenu ». Les présidents des deux chambres du Parlement ont enjoint de leur côté au parquet de Milan de leur transmettre les actes de son enquête afin de vérifier si, comme il semble, des téléphones portables de certains parlementaires ont été placés sous écoute, ce qui serait tout à fait contraire à la loi.

Un institut sociologique de gauche, Eurispes, chiffre à trente millions de personnes le nombre d’Italiens écoutés par le « Grand Frère » depuis dix ans. Depuis le retour de Silvio Berlusconi au pouvoir, les parquets, dans une véritable frénésie persécutrice, ont augmenté leurs autorisations de... 128%. Il en coûte 300 millions d’euros par an à l’Etat. Franco Pizzetti, garant des libertés privées, estime que les Italiens sont quatre fois plus « espionnés » que les Allemands : « Le plus souvent, c’est pour des aspects de la vie privée qui n’ont rien à voir avec les faits incriminés. »

http://www.lefigaro.fr/europe/20050809.FIG0011.html?064914