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Égypte, la farce présidentielle ... : promesses mirobolantes pour allécher les électeurs

Publie le samedi 3 septembre 2005 par Open-Publishing

de Al Faraby

Sans souci de réalisme, les candidats à la présidentielle en Egypte ont multiplié les promesses mirobolantes pour allécher les électeurs, dans un pays où la pauvreté et le chômage étouffent la population.

Sûr d’être élu, Hosni Moubarak, 77 ans, a égréné des engagements à donner le vertige : création de plus de 4 millions d’emplois, hausse de 75% à 100% des salaires des 5 à 7 millions de fonctionnaires, construction de 500.000 logements sociaux pour les familles à faible revenu.

Les infrastructures qu’il promet s’il est élu pour un cinquième mandat de six ans sont tout aussi impressionnants : 12.000 kms de routes, 500 ponts, 3.500 écoles, des milliers de chambres d’hôtels ou de 1.000 à 2.000 usines, selon ses discours de campagne. Le chômage "continuera d’être le défi le plus important que j’affronterai avec vous", a dit Moubarak. Le taux de chômage est estimé à 10,5 % selon les chiffres officiels et à plus de 20 % selon des estimations indépendantes.

Le quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté, avec environ deux dollars par jour, selon le ministère de la Planification, et de telles promesses ne peuvent manquer de frapper les 32 millions d’électeurs. Le principal rival de Moubarak, le chef du parti Al-Ghad, le libéral Ayman Nour, a proposé une aide mensuelle de 150 livres égyptiennes (environ 26 USD) à chaque chômeur sur une période de deux ans. "Pendant ce temps-là, un programme de création d’emplois sera mis en place, en plus de la lutte contre la corruption", a-t-il dit lors de sa campagne.

Nour a également promis de faire libérer "immédiatement les (prisonniers de la pauvreté), qui ont été mis en prison pour n’avoir pas pu payer les crédits contractés pour acheter un réfrigérateur, des meubles ou une cuisinière". Les effets du chômage sont accentués par ceux de la corruption et du népotisme généralisés. Certains assurent que les emplois dans l’administration et les organismes publics se négocient entre 3.000 et 15.000 LE (520 à 2.500 USD). "Chaque emploi a désormais un prix : dans l’électricité, c’est 3.000 LE, dans la Justice c’est 5.000 LE (860 USD)", affirme Zaki Haydar, 42 ans, un fonctionnaire dans la région pauvre de la Haute Egypte. "Ces pots-de-vin sont payés à des proches de députés qui s’interposent pour trouver un emploi", ajoute-t-il.

Les mêmes accusations sont formulées à Tanta, dans le Delta. Samia Ali, 29 ans, qui a dû se résigner à occuper un emploi modeste dans une papeterie après avoir en vain tenté de travailler dans un service de l’Etat, affirme que "le népotisme est partout". "Pour obtenir un emploi, il faut payer entre 10.000 (1.700 USD) et 15.000 LE (2.600 USD)", déplore-t-elle. "On m’a demandé 10.000 LE pour mon inscription à l’école militaire des infirmiers, qui me garantit plus tard un travail fixe dans les hôpitaux militaires", assure de con côté Imane Hamid, 16 ans.

Les promesses de Moubarak de mettre fin à ces pratiques laissent plus d’un sceptique, d’autant qu’il s’est engagé à prendre de nouvelles mesures de libéralisation économique. "Pourquoi Moubarak n’a pas créé les emplois qu’il promet aujourd’hui, pendant les 24 ans qu’il a passés au pouvoir ?", s’est interrogé son rival du parti néo-Wafd, Noumane Gomaa. Pour les experts, le programme du président risque d’emballer l’inflation qui est dejà de 4,7%, selon les chiffres officiels, mais de 8,5% selon le Fonds monétaire international (FMI).

Selon Ahmad al-Naggar, du centre d’études stratégiques Al-Ahram, le déficit dans le budget 2005-2006 s’élevera à plus de 52 milliards LE, alors que la dette intérieure atteint des sommets. "Si les dépenses augmentent, le déficit augmentera aussi", souligne-t-il. "Le programme de création d’emplois de Moubarak est irréaliste. En 24 ans, 291.000 postes ont été créés par an (pour 500.000 nouveaux demandeurs/an). Comment compte-t-il doubler ce chiffre en seulement six ans", se demande Naggar. "C’est une déclaration de bonnes intentions, dont le financement compte sur les banques et les investisseurs privés, sans aucune garantie qu’il s’y impliquent vraiment", ajoute-t-il.

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