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"Levez votre cul et faites quelque chose !" Ce cri de rage du maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin

Publie le mardi 6 septembre 2005 par Open-Publishing
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Après l’ouragan, le chaos

de Jean Chatain

"Levez votre cul et faites quelque chose !" Ce cri de rage du maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, s’exprimant sur CNN, donne la mesure de l’indignation grandissante non seulement des sinistrés de Katrina, mais aussi de l’opinion américaine dans son ensemble. Les carences de l’administration apparaissent chaque jour plus cruellement : dans le domaine de la prévention durant les jours ayant précédé le déchaînement d’un ouragan prévu et annoncé ; dans celui des secours mis en place tardivement et dans une improvisation totale. Ce que le président Bush lui-même a dû concéder au terme de sa tournée en Louisiane, Mississippi et Alabama : "La réponse des autorités n’a pas été à la hauteur." Après quoi il réentonnait son refrain favori en promettant martialement : "Nous allons rétablir l’ordre à La Nouvelle-Orléans"...

Des conditions de dénuement absolu

Une semaine après le passage de Katrina, des questions essentielles restent sans réponse : combien de morts ? Pourquoi le retard dans les secours ? Pourquoi avoir ignoré les avertissements ? L’ouragan a touché terre lundi 29 août au matin et les autorités sont toujours dans l’incapacité d’avancer une estimation globale du nombre de victimes. Un sénateur a évoqué, au conditionnel, plus de 10 000 morts en Louisiane. Dans le Mississippi, le bilan officiel est de 125 morts. Un chiffre ridiculement bas au regard des destructions occasionnées. Dans une seconde déclaration, samedi, George W. Bush s’est réfugié derrière l’ampleur géographique des zones frappées pour donner un semblant de justification au chaos entourant les opérations de secours : « La magnitude de la tâche de répondre à une crise dans une région - sinistrée plus vaste que la Grande-Bretagne a créé des problèmes énormes qui ont fait toucher leurs limites aux capacités des États (fédérés) et des autorités locales », a t-il assuré. Mais pourquoi des milliers de personnes ont-elles dû attendre des jours durant l’arrivée des secours, dans des conditions de dénuement absolu, alors que les médias du monde entier continuaient à affluer dans la ville immergée ? Et pourquoi personne n’a-t-il tenu compte des avertissements lancés depuis des années sur la fragilité des digues qui protégeaient La Nouvelle-Orléans des flots ?

Le coût des dégâts ? Là aussi l’administration Bush est prudente. L’actuel chiffre de référence - plus de 100 milliards de dollars - a été donné par RMS, une entreprise privée spécialisée dans la gestion des catastrophes. Vendredi, John Snow, le secrétaire au Trésor, restait dans le vague : « Très clairement, cela va être un coup dur pour l’économie, mais heureusement elle se porte bien »...

Le retard apporté aux premiers secours

Tous les témoignages confirment le retard apporté aux premiers secours. Ainsi celui de Francis Adeola, Américain d’origine nigériane et spécialiste des catastrophes naturelles à l’université de La Nouvelle-Orléans. « Au début, nous pensions que ce serait l’affaire d’une heure ou deux », raconte-t-il à l’AFP, avant de décrire les cinq jours de cauchemar vécus avec sa femme et ses cinq enfants dans l’attente des secours. « Le cyclone est arrivé le lundi matin. À la fin de la journée, il y avait deux mètres d’eau dans la maison. Je suis sorti sur le balcon pour atteindre le toit et j’ai agité un drapeau blanc. Je pensais que des hélicoptères des secours ne tarderaient pas. Aucun n’est venu... Mardi, j’agitais toujours mon drapeau. Des traces d’essence et de produits chimiques affleuraient à la surface de l’eau. Mes enfants étaient paralysés de terreur. Nous avions particulièrement peur pour notre bébé de sept mois. Je suis resté sur le toit. Mercredi, aucun hélicoptère. C’est seulement par la grâce de Dieu qu’un secouriste bénévole s’est approché en bateau.

Il nous a recueillis, emmenés vers un endroit non inondé où un camion nous a conduits au Convention Center. Là, on nous a dit qu’un autobus allait venir pour nous emmener au Texas. Nous pensions que ce serait l’affaire d’une heure ou deux. Mais l’autobus n’est pas arrivé. La nuit a été incroyable. Des fous, des gens livrés à eux-mêmes qui ne respectaient aucune règle. Des tirs... Jeudi, on nous a dit que des autobus étaient disponibles. Nous nous sommes mis en file indienne durant des heures au soleil, mais aucun autobus n’est venu. Pas de distribution d’eau ou de nourriture non plus. Des gens partageaient ce qu’ils avaient. Brigitte [le bébé] était dans un état épouvantable, couverte de boutons de chaleur. Nous avons essayé d’affréter des taxis et demandé à des amis de nous tirer de là, mais personne n’avait le droit d’entrer en ville...Vendredi, une rumeur enfle. Des autobus arrivent. Il y avait des vieillards, des gens malades, diabétiques. La réponse des autorités à tous les niveaux a été un désastre total. Quel chagrin. Dans un pays comme les États-Unis, nous espérions au moins une réaction aussi rapide que pour le tsunami. »

Les premiers des 17 000 militaires - 7 000 soldats et 10 000 membres de la garde nationale - envoyés en renfort dans les trois États sinistrés, sont arrivés samedi à La Nouvelle-Orléans. Avec ces renforts, c’est un total d’environ 50 000 hommes - 11 000 militaires et près de 40 000 mem- bres de la garde nationale - qui devraient se retrouver sur le terrain en ce début de semaine. 3 000 soldats de la 82e division aéroportée doivent être déployés à La Nouvelle-Orléans. Ils seront rejoints par 2 700 hommes de la 1re division de cavalerie et 2 000 marines. « Leur mission sera de contribuer à rétablir un environnement stable », a indiqué le général Joseph Inge, précisant : « les règles d’ouverture du feu sont limitées à l’autodéfense. » Sans doute la polémique soulevée par de premières déclarations autorisant les tirs à vue sur les « pillards », explique-t-elle ce langage plus feutré...

Colmater les brèches et consolider les digues

Les équipes du génie militaire américain étaient enfin à pied d’oeuvre ce même samedi pour colmater les brèches et consolider les digues qui, en cédant après le passage de Katrina, ont provoqué l’inondation de La Nouvelle-Orléans. L’embouchure du canal de la 17e rue, par laquelle l’eau du lac Pontchartrain qui domine la ville s’est engouffrée, a été colmatée ont annoncé les services du génie, grâce à l’intervention d’hélicoptères qui ont lâché des sacs de sable, du béton et de la rocaille dans l’embouchure du canal. Parallèlement, un mur de soutènement était en cours de construction le long de la brèche d’une centaine de mètres, qui s’étire sur une des digues surplombant le lac. Les travaux pour colmater cette brèche, la plus importante, devraient être achevés aujourd’hui. Trois autres brèches resteraient à colmater. Une fois ces opérations achevées, le pompage de l’eau dans la ville pourra commencer. Un officier du génie a évoqué vendredi un délai de 36 à 80 jours pour l’assèchement des zones inondées.

Pendant ce temps, les populations restées sur place - à dominante des familles noires aux très faibles revenus - seront-elles laissées à l’abandon ? « Chaque jour, nous perdons des gens, des gens qui meurent par centaines. C’est un désastre national », s’indigne le maire Ray Nagin. Avant de résumer ce qu’il pense de l’administration Bush par cette exclamation : « Ils pensent petit alors que c’est une affaire énorme »...

* Appel. Les États-Unis ont demandé officiellement, hier matin, une aide d’urgence à l’UE, réclamant des couvertures, des kits médicaux d’urgence, de l’eau et 500 000 rations alimentaires pour les - sinistrés, a indiqué la Commission européenne.

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