Accueil > "Les ONG, c’est pour les pigeons" Traduction de "Charity is for suckers", (...)

"Les ONG, c’est pour les pigeons" Traduction de "Charity is for suckers", de Ted Rall.

Publie le dimanche 18 septembre 2005 par Open-Publishing

Laissez le gouvernement s’occuper de l’aide humanitaire dans les zones sinistrées

D’après la Chronique de la Philanthropie, l’ouragan Katrina a incité les Américains à envoyer plus de 700 millions de dollars à des organisations caritatives. Tant de pigeons et si peu de prévoyance.

Le gouvernement se dérobe à ses obligations les plus élémentaires depuis les années 80 quand Reagan nous a vendu ses convictions que les malades, les pauvres et les malheureux ne devraient plus compter sur la manne de l’Etat pour les assister, mais qu’ils devraient plutôt vivre et mourir selon le bon vouloir de donateurs d’organisations humanitaires privées. Avec le cyclone K, dont les dégâts ont d’abord été estimés à 100 puis à 125m de dollars, la privatisation du désespoir instituée par Reagan atteint son paroxysme.

La Croix Rouge américaine qui arrive en tête des dons aléatoires est en passe d’atteindre les 524 millions de dollars qu’elle a reçus peu après le 11 septembre. Mais la porte parole de la CR, Sheila explique qu’il faudrait un demi milliard de plus dans les semaines à venir pour répondre aux besoins des milliers de personnes évacuées hébergées dans 675 de leurs foyers répartis dans 23 états.

Shelley Borysiewicz, responsable des associations catholiques américaines qui ont récolté 7 millions de dollars jusqu’à présent, continue de faire appel à des dons. « Nous ne voulons pas que le public perde de vue qu’il va falloir des années pour reconstruire et nous seront là pour aider ceux qui tomberont dans les fissures ».

Quelles fissures ?

Pourquoi les sinistrés de la NO devraient -ils vivre dans des foyers privés ? Nous sommes aux Etats-Unis, pas au Mali. Si les victimes des inondations ne reçoivent pas d’aide gouvernementale, c’est uniquement parce que le gouvernement refuse de la leur donner.

La CR avec ses bataillons d’équipes de secours évite aux autorités paresseuses, incompétentes et corrompues de prendre leurs responsabilités. Il en va de même pour ceux qui envoient des dons.

C’est absurde mais de toute évidence, il est nécessaire de rappeler à chacun que l’Amérique n’est pas seulement le pays le plus riche au monde actuellement mais la société la plus prospère de tous les temps. Le gouvernement américain peut très bien régler l’addition pour ceux qui souffrent de désagréments liés au climat, s’il estime que les aider est une priorité. L’addition est double pour Katrina, une catastrophe due à la décision du gouvernement de supprimer en toute connaissance de cause la subvention d’à peine 50 millions de dollars nécessaire à la réparation des digues à la NO.

Pour nos dirigeants, c’est la guerre accessoire en Irak qui est prioritaire. D’après l’Office du Budget du Congrès américain, la guerre aura coûté 600 m de dollars d’ici 2010. C’est 4 ou 5 Katrina qui partent là-dedans (c’est également là qu’a été englouti l’argent pour la digue).
Parce que les riches sont toujours une priorité, leurs impôts ont été réduits de 4 trillions de dollars en dix ans, c à d l’équivalent de 32 Katrina. Nos fonctionnaires se font tellement de souci pour les charges fiscales imposées aux riches qu’ils sont à l’affût des riches qui sont morts.

C’est la raison pour laquelle ils ont vidé de leur substance les impôts fonciers qui perdent 75 milliards de dollars de recettes annuelles, c a d la moitié du coût de Katrina.

Les économistes qui soutiennent la théorie que l’argent des riches finit par profiter aux plus pauvres, à commencer par Milton Friedman, braillent « dégraissez le mammouth ». Mais on constate seulement qu’alors que les programmes sociaux sont réduits à la portion congrue, les puissants grippe-sous s’empiffrent plus que jamais.

L’aide aux catastrophes est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des organisations privées, avec leurs campagnes autonomes et auto-financées de collectes de fonds, leurs frais d’administration (9% du budget total pour la CR) et leurs stratégies de clocher, souvent inspirées par des dogmes religieux.

Cela revient également bien trop cher. En dernière analyse, quand les eaux des crues se seront retirées et que les quartiers pauvres auront été rasés avec l’aval des autorités, les organisations humanitaires les plus importantes auront de la chance si elles ont pu réunir un pour cent du coût total de la catastrophe. Le Congrès, convenant que seul le gouvernement fédéral a les moyens d’assumer les coûts de la catastrophe, a débloqué 58 milliards de dollars d’aides (plus de dix fois la somme récoltée par les organisations humanitaires) pour les zones inondées le long du Golfe du Mexique. Comme le dit Bush, ceci n’est qu’un acompte.

Envoyer un chèque à la CR, ce n’est pas seulement donner un chèque en blanc aux gouvernements irresponsables, mais c’est aussi une goutte d’eau par rapport à ce qu’on va payer en impôts sur le revenu supplémentaires.

D’accord, en termes d’éventualité de succès auprès du public, essayer de persuader les gens de ne pas donner d’argent aux organisations humanitaires, c’est comme faire campagne contre des chiots.

L’impulsion de faire un don n’est-elle pas inscrite dans nos gènes ? En voyant les habitants de la NO mourir à cause de la soif, des maladies et des violences générées par le désordre ambiant face à l’indifférence du gouvernement Bush et à l’incompétence des autorités locales, des millions d’entre nous avons réagi de la seule façon qui nous paraissait logique : rédiger un chèque ou envoyer un don par Internet.

Cette générosité-là, hélas, alimente la théorie de ces sinistres idéologues qui prétendent que le gouvernement n’est pas là pour assister les gens (une théorie à l’origine de la rupture des digues qui a transformé un événement dramatique en véritable holocauste et entraîné l’absence de réaction des autorités). Et c’est, aussi, déjà préparer le terrain pour la prochaine catastrophe évitable.

Il est temps de « dégraisser le mammouth » : c à d ces ONG qui sont utilisées par le gouvernement pour justifier son désengagement vis-à-vis de ses concitoyens.

Ted Rall ; Sept 13, 2005

http://news.yahoo.com/news?tmpl=sto...

Traduction : emcee

Pour des commentaires personnels et d’autres infos :

http://emceebeulogue.tooblog.fr/?Ch...

Voir dans Newsweek (en anglais) : « So desperate ». Certaines zones rurales du Golfe du Mexique attendent toujours des aides. 17 septembre 2005.

http://www.msnbc.msn.com/id/9374821...