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Réforme de la Constitution pour l’immunité du chef de l’Etat

Publie le mercredi 25 juin 2003 par Open-Publishing

PARIS (Reuters) - Un projet de réforme de la Constitution renforçant l’immunité pénale du chef de l’Etat et créant une procédure de destitution limitée sera présenté "dans les prochaines semaines" en conseil des ministres, a annoncé Dominique Perben.

Ce projet est critiqué par l’opposition, qui estime que le président Chirac cherche ainsi à se mettre définitivement à l’abri des juges d’instruction enquêtant sur de possibles malversations lorsqu’il était maire de Paris (1977-1995).

"J’ai rédigé un projet de texte constitutionnel (...) J’ai l’intention de le présenter en conseil des ministres dans les prochaines semaines, la date n’est pas encore fixée", a dit le ministre de la Justice en marge d’une conférence de presse sur d’autres projets.

Le garde des Sceaux, qui confirmait partiellement une information du Monde daté de mercredi, a préparé cette réforme dans une grande confidentialité.

Refusant de répondre aux questions de la presse, il a simplement précisé que le Conseil d’Etat avait déjà approuvé le projet et que le texte final suivait "en tous points les propositions de la commission Avril".

Cette commission, composée de douze juristes nommés par Jacques Chirac en juillet 2002 et présidée par le constitutionnaliste Pierre Avril, a soumis en décembre dernier l’idée d’une réforme de la Constitution qui inscrirait "dans le marbre" ce qui n’est actuellement qu’une jurisprudence.

Après une première décision controversée du Conseil constitutionnel de janvier 1999, la Cour de cassation a en effet déjà interdit dans un arrêt d’octobre 2001 toute audition comme témoin du chef de l’Etat sur des faits qui le mettent en cause, ou toute mise en examen, pendant son mandat.

Le nouveau projet propose d’interdire de plus tout acte d’enquête, ainsi que toute procédure au civil, devant les tribunaux administratifs ou devant des commissions.

INTERDICTION DE TOUT ACTE D’INSTRUCTION

L’article 67 de la Constitution serait réécrit ainsi : "Le président de la République ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite".

La commission Avril a aussi préconisé d’inscrire dans la Constitution une procédure de destitution du chef de l’Etat mais exclusivement pour des "manquements à ses devoirs" survenus en exercice, ce qui exclurait l’usage de cette procédure pour Jacques Chirac dans les "affaires" de la Ville de Paris.

Si la réforme aboutissait, les juges d’instruction saisis actuellement de plusieurs informations judiciaires risqueraient de se heurter à l’interdiction d’enquêter.

Les billets d’avion payés en liquide pour trois millions de francs par Jacques Chirac entre 1992 et 1995, par exemple, ne pourraient plus faire l’objet d’investigations, de perquisitions et d’auditions comme en 2001.

La réforme serait aussi susceptible de mettre fin ou d’entraver l’enquête que le juge d’instruction Philippe Courroye vient de décider d’ouvrir le 5 juin, contre l’avis du parquet, sur les "frais de bouche" des époux Chirac.

Cette information judiciaire contre "X" pour "faux en écriture publique" concerne les factures de supposés achats alimentaires des époux Chirac à la mairie de Paris, pour 14 millions de francs dont 9,3 réglés en espèces.

L’enquête, qui vise une éventuelle fausse facturation, est en théorie susceptible de conduire à une audition de Bernadette Chirac, dont le nom figure sur les justificatifs. L’interdiction éventuelle de "tout acte d’instruction" sur le président pourrait rendre impossible cette audition, qui pourrait être considérée comme une violation indirecte de la nouvelle règle.

Une fois le projet de réforme constitutionnelle adopté en conseil des ministres, il devra être voté en termes identiques par le Sénat et l’Assemblée. Ensuite, deux voies sont possibles pour l’adoption définitive : vote du Congrès (Assemblée et Sénat réunis) à la majorité des 3/5e ou référendum populaire.