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Un nombre record de journalistes morts en Irak

Publie le samedi 8 octobre 2005 par Open-Publishing

Des correspondants et des techniciens meurent au rythme de trois
par mois

de LISANKA GONZALEZ SUAREZ, de Granma international

LE métier de correspondant de guerre est l’un des plus dangereux au
monde. Un nombre incalculable de travailleurs de la presse ont
laissé leur vie au cours de conflits mondiaux, de guerres civiles,
d’opérations punitives, et d’agressions armées de toutes sortes.
Mais le nombre de journalistes assassinés par les troupes
étasuniennes alors qu’ils couvraient l’occupation en Irak, a battu
tous les records.

La situation est arrivée à un tel stade que certaines organisations
internationales ont été obligées de demander une protection pour
leurs vies. L’Institut international pour la sécurité et
l’information, il y a quelques jours, a accusé les Etats-Unis de ne
pas prendre « les précautions suffisantes pour garantir la sécurité
des journalistes », une accusation basée sur le fait que depuis le
début de l’invasion par les troupes nord-américaines dans cette
nation arabe en mars 2003, des journalistes et des techniciens des
médias meurent à un rythme moyen de trois par mois. Jusqu’à
aujourd’hui plus de 70 ont péri sur le sol irakien - dont 18 sous le
feu direct des forces d’occupation nord-américaine - un chiffre
supérieur à celui de la guerre du Vietnam, considéré jusqu’alors
comme la plus cruelle pour les journalistes, où 63 d’entre eux sont
morts en 20 ans.

L’ambassadeur nord-américain en Irak, Zalmay Jalilzad, quand on lui
a demandé un jour ce qu’il pensait de la mort d’un correspondant de
l’agence de presse Reuters, pour excuser les faits, avait déclaré
que les opérations militaires n’étaient pas une science exacte.

Ce qu’a passé sous silence le sieur Jalilzad c’est que les
militaires nord-américains ouvrent de plus en plus le feu d’une
manière injustifiée, en justifiant leurs attaques par la présence de
francs-tireurs dont les seules armes s’avèrent le plus souvent des
objectifs de caméras. Et ils refusent le plus souvent de reconnaître
leurs erreurs, ce qui évacue du même coup l’existence d’ « 
accidents ».

Selon les experts, durant la Première guerre mondiale (1914-1518),
les photographes de presse ont éprouvé les pires difficultés pour
être admis sur le front des batailles du fait que les troupes
alliées craignaient l’impact des images sur les populations civiles.
Lors du conflit suivant, l’idée a été la même, car le propre général
Dwight D. Eisenhower, commandant suprême des forces armées,
soutenait l’idée selon laquelle « le travail des correspondants de
guerre doit être le même que celui du personnel militaire car c’est
l’opinion publique qui gagne les guerres ».

Aujourd’hui les Etats-Unis se moquent simplement éperdument du lieu
où atterrissent leurs balles, et l’opinion publique mondiale est le
cadet de leurs soucis, vu qu’ils agissent comme si tout ce qui se
trouve en face - qu’il soit médecin, journaliste ou même un enfant -
, était son ennemi.

La profession de reporter devient de plus en plus périlleuse, et il
arrive souvent des « accidents » où les correspondants ou leurs
collaborateurs perdent leurs vies. Il y a quelques jours, le
directeur général de Reuters, David Schlesinger, a envoyé une lettre
au sénateur républicain John Warner, qui dirige le Comité des
services de l’armée à la Chambre haute, dénoncent le comportement
des troupes nord-américaines en Irak, qui « empêchent de couvrir
entièrement la guerre pour le public des Etats-Unis ». Dans sa lettre
il spécifie que leur comportement comprend « l’augmentation des
arrestations et de tirs accidentels contre des journalistes ». De
même, il a rappelé « la longue liste d’incidents au cours desquels
des journalistes professionnels ont été assassinés, arrêtés par
erreur ou victimes d’abus de la part des forces étasuniennes dans la
nation arabe ».

Il a déclaré, en outre, que les « forces étasuniennes limitent la
capacité de travail des journalistes indépendants » et a demandé
instamment à Warner de rendre compte des préoccupations des médias
pour le comportement des troupes au secrétaire de la Défense, Ronald
Rumsfeld.

« La situation de plus en plus précaire pour les journalistes
professionnels en Irak limite directement la capacité de ceux-ci
pour faire leur métier et, encore plus important, elle créé un effet
de panique dans les médias en général », a écrit Schlesinger. « En
limitant la capacité des médias de couvrir entièrement et de façon
indépendante les événements en Irak, les forces étasuniennes
empêchent leurs citoyens de recevoir les informations (¼) et
étouffent les mêmes libertés que les Etats-Unis prétendent vouloir
encourager et pour lesquelles ils engagent des vies et des dollars »,
a-t-il ajouté.

Le directeur a rappelé que l’armée nord-américaine a refusé de faire
des enquêtes indépendantes et transparentes sur la mort des
journalistes de Reuters, pour s’en tenir, en revanche, à celles
confiées à des officiers des unités responsables, qui ont évidemment
exonéré leurs soldats.

Monsieur Schlesinger ne devrait pas être étonné, quand la famille et
les amis du caméraman José Couso, qui est mort précisément avec un
journaliste de Reuters sous le feu direct d’un tank nord-américain
dans l’hôtel Palestine où se trouvaient des dizaines de
correspondants de plusieurs pays, attendent depuis déjà deux ans
l’enquête des autorités des Etats-Unis, pendant que le Tribunal
national d’Espagne attend toujours une réponse à leur demande
d’interrogatoire des trois officiers responsables de l’assassinat.

En rapport avec ces faits, une dépêche de Notimex, de Bruxelles, a
indiqué il y a quelques semaines que la Fédération internationale
des Journalistes (FIP), après la mort d’un preneur de son de Reuters
a émis un communiqué qui demande que l’Organisation des Nations
Unies (ONU) entreprenne une enquête internationale sur les morts de
journalistes en Irak « des mains » des troupes des Etats-Unis. « L’ONU
a, en théorie, la responsabilité de garantir la protection
appropriée de la loi internationale et des droits des victimes ».
Elle estime que « le moment est venu pour l’ONU de faire un pas et
d’exiger la justice et le respect des droits humanitaires
fondamentaux de la part des pays démocratiques impliqués dans ce
conflit ». « Nous croyons qu’il est urgent de faire une enquête
approfondie, indépendante sur tous toutes ces affaires pour garantir
que les médias aient l’assurance que les gouvernements remplissent
leurs obligations », indique le communiqué.

Face à des événements comme l’assassinat de l’employé de Reuters, la
FIP a accusé les Forces armées des Etats-Unis d’ « incompétence,
d’imprudence et d’indifférence cynique pour la vie des journalistes
qui couvrent les événements en Irak ».

http://www.granma.cu/frances/2005/octubre/juev6/41periodista.html