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l’ile des esclaves... ou les nantis en otage

Publie le lundi 14 novembre 2005 par Open-Publishing

Théâtre représentation 26/10/2005 > 30/12/2005
Théâtre du Nord-Ouest
13 rue Faubourg Montmartre, 75, Paris IX, France
tel. 01 47 70 32 75 - 06 81 89 87 64

L’Île des Esclaves

Pièce de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux montée par Mahmoud Said Avec Catherine Toffaletti , Jean-Luc Muscat , Ahmed El Kouraichi , Fanny Laudicina Paul-Armel M’Belel

Entrevue avec Marivaux M. Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, dans “l’Île des Esclaves”

c’était audacieux de votre part d’avoir critiqué le comportement des maîtres de votre époque et d’avoir insisté sur la bonté des esclaves et des valets. Mais bien sûr comme toujours tout finit bien.

PCCM : “Tout finit bien” ! Vous êtes drôle Monsieur. À l’époque tout devait bien finir, sinon on n’était pas au théâtre. D’ailleurs aujourd’hui encore tout finit bien, soit pour les personnages, soit pour les spectateurs et souvent pour tout le monde. Pardonnez-moi, dans vos salles de spectacles on ne vend que des “happy end” et il n’y a pas d’émeutes ou de révoltes devant vos théâtres. Pourtant dans vos spectacles subventionnés on ne voit que des décors et des costumes qui coûtent cher aux contribuables et en plus, les salles sont vides.
Pire, vos théâtres ne sont même pas gérés par des artistes puisqu’ils abritent plus de gens qui travaillent dans les bureaux que d’acteurs.

Oui, mais de nos jours la classe moyenne peut aller au théâtre...

PCCM : Vous avez bien dit “la classe moyenne” ? Moi, sous l’ancien régime, je rêvais de voir des valets venir assister à mes pièces. Chez les grecs il y avait même des esclaves qui allaient au théâtre.

Mais à votre époque il y avait le “code noir” qui régissait légalement la traite des esclaves africains et puis tous les hommes ne naissaient pas libres et égaux.

PCCM : Parce qu’aujourd’hui vous croyez qu’ils naissent libres et égaux !? Vous me faites rire et vous mélangez tout. Vous oubliez que Karl Marx n’était pas encore né, Brecht non plus, et puis je n’avais pas encore connu “les Lumières”. Quant à Shakespeare, je ne l’avais pas lu.

Revenons à “l’Île des Esclaves”.

PCCM : Pourquoi ? Pour me recoller l’étiquette de “moraliste”, de père du “marivaudage” et de je ne sais quoi d’autre ? Cette pièce, vous l’aviez oubliée durant deux siècles et soudain elle vous paraît utile, comme c’est bizarre ! Je crains que vous ne souffriez d’un déficit d’auteurs pour écrire sur votre monde d’aujourd’hui ! La distance nous manque, il nous faut un ancien ou quelqu’un qui n’est pas encore né pour pouvoir regarder le monde de loin et vers le lointain.

C’est pourquoi nous continuons à revisiter les grands classiques, “l’Île des Esclaves” en fait partie.

PCCM : Là, vous me flattez, vous me rappelez Arlequin ! Alors je vais vous répondre et puis on va s’arrêter là. Quand j’ai écrit cette pièce, ça marchait pour moi, surtout après le succès de “La Double Inconstance”. J’avais découvert un truc : “l’inversion des rôles”, que j’utilisais, avec d’autres ingrédients, dans mes pièces d’amour que vous connaissez. A l’époque, les gens aimaient ce genre de théâtre et les acteurs avaient des “emplois”. Tout baignait pour moi.
Pourtant quelques esprits malveillants me considéraient comme un auteur mineur. Alors j’ai décidé de raconter une histoire qui ferait peur à mes contemporains, en mettant les nobles et les maîtres en situation d’isolement, de ridicule et de perte de statut social et de privilèges.
C’est comme si je vous disais à vous d’abandonner votre téléphone portable, votre voiture, votre télé, vos vacances, vos parfums et de partager votre salaire avec un citoyen pauvre ou malade quelques part sur la terre. Tout ce que je viens de citer, ce sont des privilèges, et en même temps des droits et des acquis. C’était exactement la même chose sous l’ancien régime, les privilèges étaient des “droits”. Evidemment cette histoire faisait peur aux maîtres de mon époque.
L’hypothèse était mortelle pour eux. Il fallait qu’ils se mettent à la place de personnages “maîtres” dépourvus de leur pouvoir et dominés par leurs valets. Par ce procédé de provocation et de comédie, je croyais leur faire du bien. Je pensais qu’ils allaient s’assouplir, devenir respectueux des pauvres, des dominés et des humiliés. Sinon ces derniers accumuleraient la haine, et l’irréparable adviendrait. L’Histoire ne m’a pas démenti : un demi-siècle plus tard, la tête de notre roi fut coupée. Puis ce fut la suite tragique partout dans le monde, à chaque fois qu’il y a eu tentative de changer les sociétés rongées par l’injustice. Alors faites attention aux injustices et surtout à l’humiliation de l’autre, parce qu’un jour ou l’autre vous en payerez le prix... Vous devriez vous interroger tous les matins sur la notion du Pouvoir - toutes les sortes de pouvoir - : est-il légitime et comment l’exercer ? Et croyez-moi c’est la grande question depuis toujours...

On peut donc conclure que “l’Île des Esclaves” est une tentative d’oeuvre politique ou une utopie rêvée ?

PCCM : Écoutez, vous me fatiguez avec vos classifications débiles, je m’en vais...

M.Saïd / Septembre 2005

Ce spectacle est dédié à la mémoire des 32 spectateurs qui ont péri dans l’incendie du théâtre de Beni Ouseif au sud du Caire, le soir du 5 septembre 2005.

Remerciements à Jean-Luc Jeener, Eliane Kherris, Daphné Hesnard et Cédric Mazalon-Monneret

Novembre
Mer 02 17h00
Sam 05 14h30
Mer 09 19h00
Dim 13 17h00
Mer 16 17h00
Sam 19 19h00
Mer 23 17h00
Sam 26 14h30
Dim 27 12h30
Lun 28 20h45
Décembre
Sam 03 19h00
Mer 07 19h00
Sam 10 14h30
Dim 11 14h30
Jeu 15 20h45
Jeu 22 20h45
Dim 25 19h00
Ven 30 14h30
affiche