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La culture sous clé ?

Publie le samedi 17 décembre 2005 par Open-Publishing
3 commentaires

de ara kiri

C’est un débat essentiel qu’escamote la procédure d’urgence (une seule lecture) décidée pour le vote, par les députés français, du projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI, transposition dans le droit français d’une directive européenne (1)). Ce texte éminemment polémique, qui sera examiné à l’Assemblée nationale le 20 décembre, semble avoir été conçu sur mesure pour les grandes industries du disque et du film, appuyées par les principales firmes du logiciel propriétaire.

Motivé par la « lutte contre le piratage », ce projet de loi permettrait aux industriels de soumettre chaque consultation d’une œuvre numérique à un contrôle préalable grâce à des « mesures techniques de protection » (MTP).

En imposant l’utilisation des MTP, les grands éditeurs s’octroient le droit de bloquer ou de limiter à distance les accès non autorisés a priori par une licence d’utilisation marchande. Demain, il pourrait être proscrit de copier un CD pour son usage privé, de le prêter à un ami ou de regarder un DVD sur son ordinateur avec un logiciel libre.

Des dispositifs de contrôle intrusifs obligeront les utilisateurs à acheter des logiciels et matériels compatibles avec les MTP, et donc liés aux intérêts des grands éditeurs. En effet, le projet DADVSI prévoit la pénalisation de l’utilisation de technologies alternatives permettant de contourner directement ou indirectement les mesures techniques de protection. Les logiciels libres, dont le code source, par définition, est public, et qui permettent de lire et de diffuser des œuvres numériques sans MTP, sont ainsi mis en danger d’illégalité : l’un des effets « collatéraux » de cette loi, fort bienvenu pour les lobbies qui l’ont inspirée, serait donc d’exclure les logiciels libres de ce champ d’activité.

Ce monopole des grandes firmes sur les technologies permettant l’accès à la culture et à l’information remettrait en cause les usages actuels (notamment le droit à la copie privée et les échanges pair-à-pair) pour instituer la présomption d’utilisation déloyale. Il légaliserait le contrôle généralisé des usages, avec toutes les dérives relatives à la protection de la vie privée que cela peut impliquer : de nombreux incidents survenus par le passé donnent de bonnes raisons de penser que les mouchards installés en toute légalité sur les ordinateurs ne résisteront guère à la tentation de glaner tous les renseignements possibles sur les goûts et habitudes des utilisateurs...

Mais cette limitation organisée des modes de diffusion de la culture menace aussi l’égalité des citoyens devant l’accès aux œuvres et à l’information, désormais réservé aux seuls acheteurs équipés du matériel agréé. En appauvrissant la diversité des flux numériques, en mettant en difficulté la création alternative et artisanale, en réduisant les usagers au rôle de consommateurs passifs, elle pourrait se révéler lourde de conséquences pour la vitalité de la culture elle-même. Une étude a révélé récemment que l’échange de fichiers musicaux sur Internet nuisait au quart supérieur des artistes vendant le plus de disques, mais permettait à tous les autres de bénéficier d’une plus grande notoriété. Selon son auteur, David Blackburn, il aurait pour effet de diminuer la demande de disques dans un premier temps, mais de l’augmenter dans un deuxième, grâce à un « effet de réseau » qui accroît l’audience des artistes.

Sont également concernés par ce projet de loi l’enseignement, les services d’archives, les bibliothèques et centres de documentation, dont les activités d’archivage ou pédagogiques seront bridées et inféodées aux stratégies commerciales des grands éditeurs. Des pétitions spécifiques ont d’ailleurs été lancées par des bibliothécaires et par des enseignants-chercheurs. La mobilisation des usagers leur avait déjà permis, en juillet 2005, de remporter la bataille contre le brevetage des logiciels en Europe, qui aurait été fatal au modèle des logiciels libres.

(1) European Union Copyright Directive (EUCD)

 http://www.monde-diplomatique.fr/ca...

P.S : Le numéro du mois de novembre du Monde Diplomatique est désormais consultable intégralement en ligne sur leur site web :
 http://www.monde-diplomatique.fr/20...

Messages

  • Christian Vanneste UMP rapporteur de la loi justifie cette interdiction :

     " Pour éviter que les détenteurs des droits sur les logiciels de protection, qui représentent un marché important, mais avec peu d’acteurs, ne délaissent le marché français ;-"

    Ce vote est prévu non pas le 20/12 mais en catimini dans la nuit du 22 décembreet vous avez raison d’avertir les internautes car ce vulgaire mercantilisme va très loin :

     Rendre possible l’usage DE MOUCHARDS INFORMATIQUES
     La copie qui était autorisée par la loi deviendrait impossible à moins d’acheter ou de détenir du matériel très perfectionné
     la cerise sur le gateau : les consommateurs continueront à payer la redevance de droits d’auteur sur les supports numériques.

    et tout cela en catimini, veille des fetes et personne ne bronche.. Mais n’ayez crainte dans 18Mois notre gauche va ouvrir un oeil..

    pour la petite histoire Christian Vanneste est à l’origine du sous-amendement voté lui aussi en catimini le 11 Juin 2005 : -"Faire reconnaitre à tous les jeunes francais le role positif que la France à joué outre-mer -"

    Nicole

  • La boucle est bouclée, le cerveau de mes enfants est à vendre !
    Me faire offre à mon domicile