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Non : la dette publique n’est pas celle de « nos » enfants !

Publie le mardi 17 janvier 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

de Jean-Jacques Chavigné - Gérard Filoche

Quels bons apôtres ! Quels cœurs sensibles ! Qu’ils sont soucieux de l’avenir, tous ceux (Villepin, Breton, Sarkozy et tant d’autres...) qui s’inquiètent, les larmes aux yeux, du lourd fardeau que la dette publique pourrait faire peser sur les fragiles épaules de nos enfants !

Une question vient, pourtant, faire douter de la pureté d’intention de tous ces gens si bienveillants : cette dette n’aurait-elle pas, quand même, quelques bénéficiaires ?

Il est difficile, en effet, d’imaginer une dette sans créancier. Mais si tel est bien le cas, si la dette publique est due, comme tout dette, à des créanciers : tout le monde n’aurait donc pas à pâtir de cette dette publique. Certains pourraient peut-être même en bénéficier !

C’est évidemment, loin des contes de fées de nos bons apôtres libéraux, très exactement ce qui se passe dans la réalité. Les créances de la dette publique sont aux mains des heureux détenteurs des titres du Trésor public, notamment les Obligations Assimilables du Trésor (OAT) émises chaque mois par l’Agence France Trésor, remboursables au bout de 7 à 50 ans.

Les détenteurs de ces titres empocheront, en 2006, 42 milliards d’euros : six fois plus que le budget de la justice, 12 milliards de plus que le « financement de l’emploi ». Au total, une somme équivalente au total des budgets de l’armée, de la diplomatie, de la justice et de l’intérieur (43 milliards d’euros).

Les créances de la dette publique sont donc aux mains des rentiers. Ceux dont François Mitterrand affirmait qu’ « ils s’enrichissent en dormant ». Et ces bienheureux créanciers de la dette publique pourront parfaitement transmettre leurs titres à leurs enfants.

« Nos » enfants ne verront donc pas tous le poids de la dette peser sur leurs fragiles épaules. Certains paieront les intérêts de la dette, d’autres les encaisseront. Et avec une dette publique de plus de 1 000 milliards d’euros cela représentera un sacré pactole pour tous les enfants de rentiers.

Mettre tous « nos » enfants dans le même sac relève donc de la supercherie. Les enfants des rentiers, loin de ployer sous le fardeau de la dette, percevront les intérêts de cette dette. Ce sont, par contre, les enfants de tous ceux qui ne bénéficient pas de cette rente qui devront payer. Un peu comme sur cette image de 1788 où l’on voit le clergé et la noblesse brandissant leurs sacs d’écus et se faisant porter par le tiers-état...

La manœuvre est grossière. Les libéraux espèrent pourtant qu’elle leur permettra d’atteindre trois objectifs.

Ils escomptent bien, tout d’abord, que le tapage qu’ils mènent autour de la dette de « nos » enfants leur évitera d’avoir à reconnaître l’origine de la dette publique : la baisse des impôts des riches et les intérêts payés chaque année aux rentiers.

Les deux sont d’ailleurs liés puisque c’est parce que les impôts des riches ont diminué que l’Etat a été obligé de leurs emprunter les sommes qu’il ne leur prélevait plus sous forme d’impôt. Mais alors qu’avec l’impôt, les sommes prélevées aux riches ne coûtaient rien à l’Etat, il n’en va plus de même avec l’emprunt.

Le service de la dette (les intérêts versés aux rentiers, créanciers de la dette publique) est aujourd’hui le deuxième poste de dépenses de l’Etat, juste après l’Education nationale. Avec la hausse des taux d’intérêts programmés par la Banque Centrale Européenne, il pourrait bien, d’ailleurs, devenir le premier.

Ils attendent, ensuite, de cette manoeuvre qu’elle impose l’idée qu’il n’existe (complétée par la vente au secteur privé d’EDF-GDF ou d’autres services publics) qu’une solution au problème de la dette publique : diminuer les dépenses publiques.

C’est ce qu’ils appellent « la pédagogie de la dette ». Cette façon de rembourser la dette est bien évidemment la pire : elle détruit le lien social, l’égalité entre citoyens, marginalise les plus pauvres et multiplie les ghettos. La crise des banlieues de nos grandes villes vient pourtant de donner un avant-goût de ce qui peut advenir quand les services publics reculent et désertent des quartiers entiers.

Il espèrent, enfin, que la manœuvre permettra d’occulter la solution qui pourrait autrement apparaîtrait comme la plus évidente et la plus juste : augmenter les impôts des riches et baisser les taux d’intérêts des rentiers.

Messages

  • J’AI EU PEUR !

    j’avais cru un instant que la gauche au pouvoir , avait participé à l’alourdissement de la dette de l’etat , vous me rassurez , seuls les partis de droite , ont augmenté cette enorme dette pour que les enfants de riches en beneficient , salauds de droite , et bravo à la gauche qui avec ses petits bras musclés a essayé depuis 1981 d’effacer cette horrible dette !
    claude de toulouse .

    • Et puis la gauche au pouvoir n’a jamais utilisé la dette pour nous faire avaler la pillule !
      J’ai dû rêver....
      La dette, la crise, on nous la ressort à chaque fois qu’on veut casser les protections sociales.
      A propos je vous conseille découter l’emission de La-bas si j’y suis "vive la crise"
      sur le site http://www.la-bas.org/ emission du 6 janvier.

      Francesca

    • oui Claude. Et c’est justement contrainte et forcée par le poids in-su-por-table de cette dette que la gauche plurielle n’ a pas pu faire autrement et a du privatiser comme jamais on ne l’avais fait auparavant. C’est pas idéologique, c’est réaliste comme on dit maintenant !

      Assez rigolé, on dirait bien que Filoche n’arrive pas à se départir d’une certain discours dominant sur ce sujet. Du coup je comprends mieux pourquoi il reste au PS !
      A la lecture du papier de Filoche j’ai l’impression qu’il reprend le cliché "il faut gérer le pays comme on gère son budget personnel". Filoche explique que la dette explose car l’Etat emprunte aux riches ce qu’il n’ose pas leur prélever. Là on ne peut être que d’accord évidemment. Et effectivement à cet égard une révolution fiscale me parait indispensable.

      Mais la dette de l’Etat n’est pas de la même nature qu’une dette dans le budget familial contrairement à ce que nous répètent tous les ministres de l’économie successifs : la dette de l’Etat résulte des investissements (sociaux ou d’infrastructures) qui bénéficieront aux générations suivantes. Ces investissements permettront à celles-ci de générer davantage de richesses, il est donc juste que ces générations remboursent la dette.

      Ne nous laissons pas intoxiquer par le discours dominant expliquant que nous devons nous serrer la ceinture et que la priorité des priorités c’est le remboursement de la dette ! Et ce d’autant plus qu’une simple politique fiscale de gauche permettrait de s’y attaquer de front !

      Jips

    • petit commentaire zaz ,

      je ne sais plus qui a dit : " on ne prete qu’aux riches et on a raison car les pauvres ont quelques difficultés à rembourser "
      l’on pourrait dire aussi : on n’emprunte qu’aux riches , car les pauvres n’ont pas de quoi preter !

    • Moi, je voudrais bien avoir le droit de critiquer la droite sans critiquer la gauche.
      Et aussi de critiquer la gauche comme la droite.
      Et pourquoi pas de critiquer la gauche et pas la droite.
      Selon les cas.

      C’est trop demander ?
      C’est comme au supermarché, on a pas le droit de défaire les emballages ?

      MC

    • Moi aussi j’ai eu peur Claude !

      J’ai pensé que ces messieurs allaient dénoncer la gauche pour avoir :
       commencer le massacre des services publics ;
       introduit le libéralisme dur et assassin vers 1982/1983 ;
       privatiser comme personne n’avait fait avant eux, ni après d’ailleurs ;
       abreuver les patrons d’aides et de réductions de charges sociales sans aucune contrepartie.

      L’équipe d’oligarques ultra-libéraux en place actuellement va certainement faire mieux mais, à ce jour, ces messieurs ne peuvent certainement pas dire que la gauche caviar a trahi ses électeurs.

      Durdo REIL