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...ont tenté de bloquer le talk-show de France 3.

Publie le jeudi 10 juillet 2003 par Open-Publishing

Pas de grève, c’est le choix de la prod’
Des intermittents ont tenté de bloquer le talk-show de France 3.

Par Bruno MASI

jeudi 10 juillet 2003

« Ce qu’il faut bloquer, c’est une émission en direct. Ce qui ne sera pas
fait aujourd’hui sera fait demain. » Un technicien e rendez-vous est donné
à 15 h 30 hier, devant la station de métro Bir-Hakeim, dans le XVe
arrondissement. Une quinzaine de techniciens et de réalisateurs, tous
intermittents, se retrouvent là, sans connaître la mission à accomplir. Pour
que l’opération réussisse, la cellule audiovisuelle de la coordination des
intermittents et précaires d’Ile-de-France a préféré ne divulguer que très
peu d’infor mations.

Farida, la meneuse, les réunit à l’écart du boulevard surchauffé : « Nous
allons cet après-midi à la Maison de la radio, où s’enregistre l’émission
C’est mon choix, présentée par Evelyne Thomas et produite par Réservoir
Productions et Jean-Luc Delarue. On va tenter d’entrer et de parler aux
techniciens qui travaillent sur le plateau. »

C’est mon choix embauche une trentaine de cadreurs, preneurs de son ou chefs
opérateurs, tous intermittents, embauchés par la Maison de la radio. Des
questions fusent : « Si on ne nous laisse pas entrer ? Et on fait quoi du
public ? » Farida rassure : « Une fois à l’intérieur, on discutera avec la
production et le public pour que les techniciens puissent voter la grève ou
non. Cette action est non violente et on ne répond pas aux provocations. Si
jamais on ne parvient pas à entrer, on reviendra. Réservoir Prod sait que
l’on doit intervenir depuis dix jours, ils nous attendent. »

Oreillettes. Par petits groupes de sept, l’équipe prend la direction de la
Maison de la radio, sur l’autre rive de la Seine. A l’entrée, évidemment, le
plan capote : deux vigiles bloquent les portes du studio 102, au
rez-de-chaussée. La session d’émissions (trois enregistrées en une
demi-journée) a débuté. On entend les applaudissements et les rires du
public. Costards, oreillettes et micros, les deux vigiles prennent la petite
assemblée de haut. Puis décident d’appeler les chargés de production.
Entretemps, on sympathise avec les colosses, qui tentent discrètement de
faire reculer les intrus.

Délégation. Avec l’arrivée des producteurs de l’émission, le ton change :
« J’ai beaucoup d’amis artistes et comédiens, mais, aujourd’hui, j’ai autre
chose à faire », déclare l’un d’entre eux, passablement inquiet. S’ensuit une
heure de discussions acharnées pour obtenir qu’une délégation pénètre dans
le studio, entre deux émissions. Contrairement à toute attente, l’ensemble
de l’équipe technique quitte le plateau et se retrouve devant la porte. Mais
on s’interroge : « Ce qu’il faut bloquer, c’est une émission en direct. Bien
sûr que nous sommes solidaires. Mais ce qui ne sera pas fait aujourd’hui le
sera demain. » Un cadreur précise : « On ne bosse plus pour certaines boîtes,
celles qui ne paient pas ou magouillent. Après, comment prendre la parole
sans se faire boycotter ? »

Dehors, le public venu assister à l’émission s’impatiente. Il veut voir
Evelyne. Certains manifestants tentent d’expliquer leurs revendications,
mais l’incompréhension règne. L’assemblée décide de voter. La direction de
production accepte, certaine de l’issue du scrutin, et prend l’initiative du
dépouillement. La grève est votée, 21 voix contre 10. Les manifestants
exultent.

Alors que l’enregistrement aurait dû tout simplement être annulé, la chargée
de production perd son sang-froid, puis s’adresse à chaque technicien pour
savoir s’il veut reprendre le travail. Nerveusement, elle les invite à
rejoindre le plateau. La plupart ne savent pas comment réagir. Sous la
pression latente qui règne alors, tous décident de regagner l’enceinte, dans
le plus grand silence.

« Liste noire ». Quelques minutes plus tard, Stanley, un électricien qui a
voté la grève, ressort, blême : « Ils ont organisé un nouveau vote, cette
fois à main levée. On s’y est opposé, et on a revoté à bulletin secret. On
ne fait pas grève. Certains techniciens, après ce qui s’était passé, n’ont
pas participé au scrutin. D’autres, des petites assistantes, ont été
invitées à s’exprimer. C’est ahurissant ! Je suis certain que je suis sur la
liste noire désormais. » Le producteur exécutif demande aux vigiles de mettre
tout le monde dehors et de faire entrer le public. Le travail reprend. Ce
n’était pas leur choix.