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Lettre des intermittents

Publie le jeudi 10 juillet 2003 par Open-Publishing

Lettre rédigée par des membres de diverses commissions de la Coordination
des Intermittents et Précaires d’Ile de France, en vue d’une intervention ce
matin au Sénat par Marie-Christine Blandin, Sénatrice des Verts, en présence
de Monsieur Aillagon :

Monsieur le ministre de la Culture,

Vous avez déclaré hier que dans vos démarches pour " sauver " le régime
d¹assurance chômage des intermittents du spectacle, vous aviez fait le
maximum, vous ne pouviez aller plus loin.
Hors, il apparaît de façon évidente, à l¹étude du protocole d¹accord
concernant ce régime, signé le 26 juin 2003 par le Medef, la CGC, la CFTC et
la CFDT, que celui-ci, dans sa conception, nie la réalité même de
l¹intermittence, pour ne favoriser que les gens qui travailleront de façon
extrêmement régulière.
Les seules modifications que vous avez proposées, intégrées à l¹avenant
adopté par les mêmes signataires le 8 juillet 2003, ne font qu¹étaler dans
le temps des mesures qui sont de toute façon inapplicables, qui nient toute
perspective d¹avenir, qui lèseront de nombreux travailleurs, quelles que
soient leurs conditions de travail (et n¹oublions pas que parmi les
travailleurs du spectacle, la moitié cotisent au régime, sans jamais
percevoir aucune indemnité), et bien au-delà des 35 à 40 % qui seront
d¹emblée exclus de ce régime. Ainsi, les soit-disant mesures de rehaussement
des plus bas salaires ne coûteront rien, vous pouvez en être certain, à
l¹UNEDIC, puisque les personnes concernées ne pourront plus obtenir de
droits aux ASSEDIC du spectacle.

En fait, et nous ne vous ferons pas l¹injure de croire que vous ne l¹avez
pas compris, cette prétendue intention de " sauver " les conditions d¹une
indemnisation de l¹intermittence tue l¹intermittence, et à travers elle,
toute l¹économie du spectacle, vivant et audiovisuel.

Lorsque vous dites que vous avez fait le " maximum ", faites-vous de votre
propre fonction un constat d¹impuissance ? Etes-vous, oui ou non, un " homme
de bonne volonté " ?
Si votre réponse est oui, comment pouvez-vous supporter de continuer à
assumer une fonction aussi vaine ?

Et s¹il vous plaît, n¹avancez pas la sempiternelle excuse que le
gouvernement ne peut s¹immiscer dans la gestion de l¹UNEDIC, quand Monsieur
Raffarin lui-même déclare que le cas de l¹assurance chômage des
intermittents du spectacle est une " patate chaude " que les gouvernements
ne peuvent éternellement laisser aux suivants le soin de traiter.

Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

En toute franchise, demandez-vous s¹il est légitime que dans une démocratie,
des droits sociaux aussi fondamentaux que l¹assurance chômage, pour ne citer
que celui-là, soient mis en péril par une véritable oligarchie, à savoir
celle qui régit l¹UNEDIC.
Faut-il vous rappeler que le protocole d¹accord dont il est question
actuellement a été signé par le Medef, qui ne représente qu¹1% des
employeurs du pays, et trois syndicats minoritaires dans le secteur d¹emploi
auquel cet accord s¹applique, et qui ne connaissent rien à son
fonctionnement ?
Que pensez-vous des propos de M.Seillière, lorsqu¹il déclare que pour les
intermittents, " le droit de grève ne devrait pas avoir droit de cité " ?
Que pensez-vous de la pression temporelle exercée, qui amène, sans
consultation aucune des gens réellement concernés, à concevoir des systèmes
régressifs en termes de bien commun, qui ne tiennent aucun compte des
modifications profondes que connaît l¹organisation du travail ?
Trouvez-vous normal que les 53 questions posées par les députés dans
l¹hémicycle, du 22 juillet 2002 au 30 juin 2003, à propos du régime
d¹assurance chômage des intermittents du spectacle et de l¹audiovisuel,
soient demeurées sans réponse sérieuse, comme lettres mortes ?

Dans ces conditions-là, nous sommes en droit de nous interroger : quel est
le rôle véritable de l¹Assemblée nationale, quel est le rôle du Sénat ?

Apportez-vous votre soutien à ce qui depuis des années s¹installe, à savoir
la privatisation des bénéfices, et la collectivisation des déficits ?

Que signifie une Europe qui ne propose rien, absolument rien, en termes de
protection sociale ? N¹est-ce vraiment qu¹une immense place marchande, et
rien d¹autre ?

Vous semble-t-il acceptable, responsable et légitime qu¹aux nombreux acteurs
sociaux qui depuis plusieurs mois déjà manifestent leurs profonds désaccords
avec les mesures et réformes engagées, il soit toujours et systématiquement
fait les mêmes réponses : " vous n¹avez rien compris, vous êtes des
irresponsables ", assorties d¹une répression policière qui a déjà, en
maintes régions, franchi les limites posées par la charte des droits de
l¹homme, dans un silence médiatique qui en dit long ?

De quel côté se situe donc l¹ " irresponsabilité " ?

Toutes ces questions, que vous ne pourrez, sans faire preuve de mépris pour
ceux qui vous les posent, laisser sans réponse, vous conduiront, nous
l¹espérons, à ne pas soutenir la décision gouvernementale d¹agréer le
protocole d¹accord sur le régime d¹assurance chômage des intermittents du
spectacle, et à ne pas cautionner la destruction systématique des droits
sociaux fondamentaux, des espaces communs de l¹éducation, de l¹assurance
chômage, des retraites, de la santé.

Où se situe le progrès, s¹il ne sert à améliorer les conditions de vie de
chaque membre de la société ?

C¹est pourquoi nous, membres de la Coordination des Intermittents et
précaires d¹Ile-de-France, nous exigeons le retrait pur et simple de cet
accord, et la mise en place de tables rondes de concertations sur la
question des annexes 8 et 10. Et nous souhaitons que vous nous appuyiez dans
cette revendication simple, légitime, et conforme aux principes même d¹un
véritable démocratie.
Nous finirons par cette citation, dont vous reconnaîtrez peut-être l¹auteur
 :
" Nous le savons bien : créer nécessite une autonomie, un sentiment de
pouvoir exercer sa liberté qui ne sont possibles que si l¹on dispose d¹une
certaine sécurité face aux difficultés de la vie. Cela suppose que chacun
soit protégé contre les différents risques qui naissent de la maladie, de la
vieillesse, du chômage et de l¹exclusion. Conformément au principe rappelé
par le préambule de notre constitution française, la Nation se doit
d¹assurer à l¹individu et à la famille les conditions nécessaires à leur
développement. "
Jacques Chirac

Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile de France , membres de
diverses commissions