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Adresse au public

Publie le jeudi 10 juillet 2003 par Open-Publishing

Nous, Intermittents du Spectacle Vivant et de l’audiovisuel, rejetons catégoriquement le texte signé au MEDEF le 26 juin ; nous sommes déterminés à barrer la route à son agrément par le gouvernement.

 Parce que la représentativité des signataires est nulle ;
 parce qu’il est violemment anti-social, parce qu’il saccage l’exercice de nos métiers
 parce qu’il est violemment anti-culturel, au mépris de tout un bassin d’emploi, de son fonctionnement, de son économie ;
 parce qu’il ne mettra pas fin au déficit et aux abus ; parce qu’il n’assure pas la pérennité
 parce qu’il est accompagné d’une rhétorique mensongère (intermittent-privilégié- fainéant-profiteur) totalement démentie par les faits
 parce qu’il enfonce un coin dans la solidarité interprofessionnelle qui caractérise jusqu’à ce jour l’Unedic.

1) La représentativité des signataires est nulle : Sont signataires, côté salariés : la CFDT, la CFTC, la CGC, qui ne représentent personne dans nos professions ; les deux derniers se sont vus désavouer par leur branche Spectacle ; ne sont pas invités, les syndicats récents, tels que SUD ; la CGT, majoritaire dans le Spectacle, et FO, rejettent totalement le texte.
Est signataire, côté employeurs : le MEDEF, qui représente seulement les entreprises de plus de 500 salariés (1 % dans le secteur). Ne sont pas invités, SYNDEAC, SYNPTAC, syndicats d’employeurs du Spectacle et de l’audiovisuel.
C’est le résultat d’une loi de 1937, révisée en 1968, sur la gestion paritaire des organismes sociaux.
De plus, le MEDEF avance, pour le déficit particulier à la branche, des chiffres sans le mode de calcul, et aucun état des autres branches, ce qui fait dire tout et n’importe quoi.

2) Le texte est violemment anti-social : Au lieu de « 507 heures travaillées sur une période de douze mois, ouvrent le droit à 12 mois d’indemnisation au taux de 31 % », il faudra lire : « 507 heures sur une période de 10 mois, ouvriront droit à 8 mois d’indemnisation au taux de 19 % ».
Présenté comme un compromis sur les paramètres, cela équivaut mécaniquement à rejeter du dispositif 30 à 50 % des allocataires, qui ne sont eux-mêmes qu’une partie des professionnels tels qu’ils sont recensés par la Caisse des Congés Spectacle, en raison des condition déjà restrictives d’accès. Les plus démunis, à qui on promet une revalorisation, doivent comprendre qu’ils seront les premiers exclus.
Mais le texte, tortueux, complexe et opaque, révèle son cynisme par bien d’autre perles encore.
Pour les spécialistes : la date de ré-examen des droits deviendrait flottante, avec pour effet que les jours travaillés en début de période ne seraient pas pris en compte à cause du décalage ; c’est la course, sans cesse renouvelée, aux 507 heures sur une période mouvante, alors que nous ne maîtrisons pas l’agenda de nos cachets ; de plus, l’arrivée d’un cachet exceptionnellement élevé aurait pour conséquence de différer l’indemnisation mais aussi la période de prise en compte des jourstravaillés, amplifiant l’effet du décalage. Ainsi la prévisibilité (mêmes durées travaillées, mêmes droits) recule devant l’aléatoire ?
La réalité de l’intermittent (je ne suis payé que les jours de représentation, le lendemain matin je suis chômeur malgré moi) est la grande oubliée.

3) Le texte saccage le Spectacle Vivant et l’Audiovisuel en tant qu’activité culturelle et économique, dans son fonctionnement. En effet, les employeurs de ce secteur (institutions publiques incluses) ont recours massivement au travail des intermittents : parce que l’on rétribue un orchestre seulement le jour du concert ; parce que chaque tournage est différent ; parce que, quand les danseurs arrivent, le décorateur a fini sa part. Aucun festival ne souhaite se payer un guitariste mensualisé. Ce texte met des bâtons dans les roues de toutes les entreprises culturelles, qui ont besoin de l’intermittence comme cadre d’emploi et comme main d’ ?uvre.
L’objectif, c’est d’une part une industrie du divertissement aux produits ultra-formatés, d’autre part un étroit secteur patrimoine prestigieux subventionné.
Ceci est à rapprocher avec une situation inédite : pour la première fois, un ministre de la Culture ne défend pas ses artistes : au contraire, bien intégré dans son équipe gouvernementale, il se rend complice de baisses drastiques de crédits, surtout aux initiatives les plus actuelles et innovantes ; ceci aggrave la situation de l’emploi, et donc des cotisations.
La culture est bel et bien en danger.

4) Le texte ne mettra pas fin aux abus ou aux fraudes, et donc au déséquilibre. Entendons nous bien : si, depuis dix ans, les annexes 8 et 10 de l’Unedic sont plus déficitaires, ce n’est pas parce que les conditions d’accès sont devenues plus faciles (cela se saurait), ni parce que les allocations ont augmenté (cela se saurait), ni parce qu’il y a tout simplement de plus en plus de travail (cela se saurait). C’est peut-être parce que de nombreux employeurs indélicats, contournant les coûts et contraintes du CDI, rémunèrent leurs permanents en CDD assimilé spectacle, s’engouffrant dans des failles du champ d’application des annexes. Ni l’article sur le croisement des fichiers, sibyllin, ni aucun autre article, n’explorent cette voie.
Ces sociétés sont les mieux placées pour s’accommoder du dispositif proposé. Le MEDEF joue donc clairement le pourrissement.
Par ailleurs le texte promet sa propre remise en chantier en 2005 : le MEDEF ne manquerait pas de montrer du doigt les ingérables annexes 8 et 10 pour mieux les liquider, car c’est son objectif affiché.

5) Nous , intermittents du Spectacle vivant et de l’Audiovisuel, souhaitons rappeler aux salariés du régime général, mais aussi à tous les candidats à la désinformation, mais encore à tous les citoyens qui se préoccupent d’un futur modèle européen :
 507 heures sur 12 mois, c’est un cap déjà difficile à franchir ; pour preuve, une large partie des professionnels, comptabilisés par la Caisse des Congés Spectacle, n’est pas allocataire.
 Percevoir 31 % de son salaire moyen, plafonné, ce n’est pas un luxe (dans le régime général : 56 %, non plafonné)
 Ouvrir des droits pour douze mois, ce n’est pas un luxe (dans le régime général : 24 mois)
 Le risque de connaître une baisse de travail, entraînant de surcroît une éjection du dispositif du chômage, c’est notre réalité.
 La plupart d’entre nous travaillent plus souvent 35 heures par jour que par semaine ; nous n’échappons pas à la nécessité de trouver, souvent nous-mêmes, les débouchés pour notre activité.
Nous sommes plus des précaires que des assistés.

6) Le protocole de réforme signé le 26 juin est censé réaliser des économies sur la branche Spectacle de l’Unedic prise séparément ; ceci va contre la solidarité interprofessionnelle que nous connaissons.
Demain, tel ou tel secteur sera considéré comme pas assez rentable (dégraissages massifs), mais aussi, par conséquence, trop lourd pour l’Unedic : on proposera un barrage de l’accès à l’assurance chômage pour les licenciés. C’est le comble du cynisme.

NE LAISSONS PAS PASSER CE TEXTE
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