Accueil > Bravo Mieli Attention à Mieli

Bravo Mieli Attention à Mieli

Publie le dimanche 12 mars 2006 par Open-Publishing

de Piero Sansonetti traduit de l’italien par karl&rosa

Paolo Mieli a été courageux d’écrire l’éditorial, publié hier sur le "Corriere della Sera", dans lequel il exprime le soutien de son journal à l’Unione. En anglais, ou plus exactement en "américain", on dit endorsement, ce qui veut dire approbation et c’est un passage important - aux Etats-Unis - de toutes les campagnes électorales.

C’est-à-dire que c’est un moment,- en général très attendu par l’opinion publique - où les grands journaux (le "New York Times", le "Washington Post", le "Los Angeles Times", le "Boston Globe" et cetera) annoncent aux électeurs quel est le candidat qu’ils soutiendront en vue des élections. Dans les démocraties anglo-saxonnes, le "rite" de l’endorsement est un passage important parce qu’il garantit la "transparence" dans les rapports entre la presse et la politique et aide les électeurs à comprendre les questions essentielles du match électoral.

Chez nous, le rapport entre journaux et politique n’a jamais été très transparent. Pour un million de raisons. Peut-être la plus claire et la plus évidente est-elle une raison historique : au siècle dernier notre pays a vécu sous deux régimes, un non libéral (le fascisme) qui avait complètement aboli les journaux indépendants et un libéral (dans l’après-guerre) dominé par le pouvoir de la démocratie chrétienne et du dit facteur "K" (c’est-à-dire l’impossibilité pour l’opposition, communiste, d’accéder au gouvernement). Dans cette deuxième longue période, c’est-à-dire les cinquante ans de la première république, la grande presse - toute la grande presse - a toujours été subalterne aux partis de gouvernement et en particulier à la Démocratie Chrétienne : cela en fut, en quelque sorte, l’émanation. Cela n’a pas permis a l’Italie d’avoir un journalisme indépendant fort et développé comme celui des autres pays occidentaux.

***

Paolo Mieli a écrit un éditorial très lucide dans lequel il tire au clair la raison pour laquelle le "Corriere" choisit Prodi. parce que le gouvernement sortant et les groupes dirigeants exprimés par le centre droit - et en particulier par le parti de la majorité relative, c’est-à-dire Forza Italia - ne sont pas en mesure de gouverner le pays, c’est-à-dire de prendre en charge un quelconque intérêt général. C’est la raison de leur échec. Naturellement on peut discuter tant qu’on veut sur l’intérêt général et il est absolument évident que l’idée de l’intérêt général que peut avoir n’importe quel lecteur de ce journal [Liberazione, ndt] est très différente de l’idée qu’en a Paolo Mieli ou qu’en ont les lecteurs du "Corriere" ou les groupes intellectuels, politiques, économiques qui sont proches du directeur du "Corriere della Sera". Le fait est que Paolo Mieli, dans son éditorial, soutient que le gouvernement de centre droit n’a su se mettre au service d’aucune espèce d’intérêt général mais n’a travaillé que dans l’intérêt très spécial du Premier et des groupes qui font part de son système économique, financier, politique. Il a privatisé l’Etat. Il me semble, à moi, que, plutôt qu’un endorsement en faveur de Prodi, Paolo Mieli a exprimé la plus nette et la plus irréversible défiance par rapport au Premier ministre sortant. Au point que - s’adressant aux électeurs de droite - il leur a conseillé de voter éventuellement pour Casini, ou pour Fini, ou pour qui ils veulent mais jamais, au grand jamais, pour Forza Italia.

***

Paolo Mieli, en écrivant l’éditorial, a aussi montré à quel point est insidieuse l’hypothèque qu’une large part, très forte, des classes dominantes italiennes (la "grande bourgeoisie", dans notre vieux jargon, les "pouvoirs forts", si nous voulons employer un langage plus moderne) place sur le futur gouvernement de centre gauche. Ce pan consistant de bourgeoisie qui, après dix ans, s’est nettement démarqué de Berlusconi et a décidé de ne plus le suivre, nous dit : "nous investissons sur le centre gauche, nous aiderons le centre gauche à vaincre, mais tout cela ne sera pas gratis".

Et non, ce ne sera pas gratis. Une alliance politique et sociale impose des prix. C’est juste. A condition qu’il soit clair que tout le monde doive payer le prix - le centre, la gauche, la bourgeoisie, les couches populaires - et que le point d’équilibre politique à trouver ne soit pas une simple reconduction - en plus cultivé et plus éduqué - des vieilles politiques de la droite. Comprenons-nous bien : le futur gouvernement de centre gauche - pour utiliser un slogan - ne peut être un gouvernement "Prodi-Montezemolo" et ne peut pas être non plus une alliance dans laquelle soit déléguée à la gauche la mission de s’occuper du "théâtre" (c’est-à-dire des règles du jeu, des droits à la télé, des par condicio et de toutes ces choses-là, les différentes normes et limitations ou exaltations de la classe politique) et où reste aux représentants des "vrais pouvoirs" la mission de décider les politiques économiques et nationales. De cela, il n’en est pas question - et Mieli le sait. Pour une raison, dans le fond, très simple : que dans la coalition, les forces de la gauche radicale guidées par Rifondazione auront un poids consistant.

http://www.liberazione.it