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Les phoques du Canada en quête de glace

Publie le vendredi 24 mars 2006 par Open-Publishing

de Anne Pélouas

L’hiver a été très doux au Canada au grand dam... des phoques. Comme l’a constaté Jean-François Gosselin, biologiste à l’institut de recherche Maurice-Lamontagne, dans le golfe du Saint-Laurent comme au large de la côte est, "la couverture de glace est très faible et très mince dans certaines zones, aussi bien dans le golfe qu’au large de Terre-Neuve". On a déjà connu, d’après lui, de telles variations, notamment dans les années 1980, mais, avec les changements climatiques, on risque fort de voir la banquise fondre de façon irréversible.

Selon les relevés de la Garde côtière canadienne dans le golfe, la glace flottante a perdu au moins un quart de surface par rapport aux printemps passés. De plus, quand elle n’a pas fondu, elle a souvent moins de 30 cm d’épaisseur. Cette situation a un effet négatif sur les populations de phoques qui viennent normalement mettre bas sur la banquise entre janvier et mars. Déjà, fin janvier, les îles de Nouvelle-Ecosse ont été envahies par plus de 3 000 phoques gris femelles qui ne trouvaient pas de glace pour donner naissance à leurs petits. Dans le détroit de Northumberland, les phoques ont dû mettre bas sur les îles. Il y a quelques semaines, environ 1 500 bébés phoques, tout justes nés sur les plages de l’île de Pictou, ont été entraînés à la mer, où ils se sont noyés à la suite d’une forte tempête et d’une marée exceptionnellement haute. Deux autres espèces de phoques, ceux du Groenland (la plus importante) et les phoques à capuchon, fréquentent les mêmes eaux chaque automne après avoir passé l’été en Arctique. Aux alentours du mois de mars, les femelles s’installent sur la banquise pour mettre bas. Que va-t-il se passer s’il n’y a plus de glace dans le golfe ?

La crainte d’une chute de la reproduction peut apporter de l’eau au moulin des opposants à la chasse aux phoques. Après Paul McCartney venu caresser les bébés phoques dans le golfe du Saint-Laurent début mars, Brigitte Bardot a fait un retour remarqué au Canada, mercredi 22 mars, vingt-neuf ans après une visite qui avait déclenché une vaste campagne internationale contre la chasse et un boycott mondial des produits du phoque. Cette fois, elle a réclamé d’Ottawa un nouveau moratoire contre la chasse commerciale, un "génocide animalier" qu’elle a qualifié de "barbare". Côté canadien, on avance au contraire que la chasse se fait sans cruauté et que le phoque n’est nullement en danger.

Il est vrai que la population de phoques du Groenland atteindrait 5,8 millions de têtes, soit trois fois plus que dans les années 1970, selon les chercheurs du ministère des pêches et des océans. "Le troupeau se porte bien et est abondant", soulignait le ministre Loyola Hearn, le 15 mars, en annonçant une hausse - à 325 000 bêtes - des quotas de chasse aux phoques pour la saison 2006 qui débutera début avril.

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