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Tchernobyl - Repeuplement encouragé en zone contaminée

Publie le mardi 25 avril 2006 par Open-Publishing

Sur la carte, Bartolomeïevka est censé être en territoire interdit. À la périphérie, une pancarte portant le symbole international de la radioactivité invite à « ne pas entrer ». Pourtant, de la fumée s’échappe des cheminées et à l’approche du village se fait entendre l’aboiement des chiens et le bruit de villageois vaquant à leurs occupations.

Bartolomeïevka est l’un des villages contaminés du Belarus repeuplés 20 ans après la catastrophe de Tchernobyl. Ces localités reprennent vie sous l’impulsion des autorités, qui estiment que le pays a besoin des terres cultivables et que le danger de la radioactivité a été exagéré. Bartolomeïevka avait été exposé à de tels niveaux de radiations que ses dizaines d’habitants avaient dû être évacués. Pourtant, au cours de la dernière décennie, 10 villageois sont revenus, malgré les avertissements. Dans les villages voisins, également contaminés mais encore considérés habitables, d’autres reviennent en nombre, accompagnés d’immigrés des anciennes républiques soviétiques à la recherche d’un emploi.

« On ne peut pas échapper à la mort », dit Ivan Musichenko, 70 ans. « Mieux vaut mourir d’irradiation que mourir de faim... » Aujourd’hui, un potager, dix oies, une vache et un cochon améliorent le quotidien du couple, qui doit survivre avec une pension cumulée de 162 euros (228 dollars). Ivan préfère balayer les mises en garde sur la probable contamination des légumes et des animaux et ramasse des baies et des champignons dans les bois aux alentours.

Un cinquième du territoire du Belarus avait été évacué après l’explosion du réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, le 26 avril 1986. D’après les autorités sanitaires, environ 20% des dix millions d’habitants souffrent de maladies liées à l’irradiation, notamment des problèmes circulatoires et des affections de la thyroïde. Officiellement, 2800km2, soit moins de 1,5% du territoire, restent trop irradiés pour être habités.

Mais aujourd’hui, le régime autoritaire du président Alexandre Loukachenko encourage le repeuplement des villages évacués. Non loin de Bartolomeïevka, Beliaïevka a récemment été retiré de la liste des centres de population hautement contaminés. Conséquence, les 16 euros (22 dollars) mensuels accordés à ceux qui y résidaient ont été supprimés. Une mesure dénoncée par des mères de famille qui arguent que les 58 enfants du village souffrent de problèmes de santé et ont désespérément besoin d’une alimentation saine et de vitamines.

Les ouvriers belarusses qui ont participé au nettoyage de Tchernobyl ont vu aussi leurs allocations réduites. Dans la région, 19 coopératives agricoles ont été relancées. Les autorités assurent que des engrais spéciaux assurent l’innocuité des récoltes. Trente-neuf autres fermes collectives attendent leur tour.

L’objectif, c’est « d’apprendre aux gens à gagner de l’argent et à l’investir dans la région », explique Vladimir Tsalko, le patron de la commission d’État Tchernobyl, chargée des conséquences de la catastrophe. À la question de savoir si l’économie prime sur la santé, il répond sans hésiter : « oui ». « On a besoin de ces terres », explique-t-il. « Qui va les nourrir ? »

« Profiter du manque d’information de ces gens et leur faire croire qu’ils ne courent pas de risque ici, c’est le plus grand crime qui soit », dénonce Valentina Smolnikova, de l’association des Enfants de Tchernobyl. Elle explique que dans l’un des secteurs de la zone de contamination étudié par les Enfants de Tchernobyl, les anomalies congénitales ont été multipliées par quatre, le nombre de cancers par deux et celui de crises cardiaques par sept depuis l’accident. Aujourd’hui, elle se bat pour obtenir des fonds étrangers pour surveiller et traiter les niveaux de contamination chez les enfants.

Les victimes se plaignent aussi de la réticence du gouvernement à lier l’irradiation à des problèmes de santé comme les maladies cardiaques, certaines tumeurs cancéreuses et le diabète.

Iakov Kenigsberg, le principal expert médical de la commission Tchernobyl, explique que seul le cancer de la thyroïde est reconnu internationalement comme une cause directe de la contamination radioactive. Selon lui, il serait « stupide » de lier d’autres maladies à Tchernobyl.

(AP) Maria Danilova
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