Accueil > La règle du jeu de l’Oie

La règle du jeu de l’Oie

Publie le lundi 1er mai 2006 par Open-Publishing

de André Bouny

Depuis que je suis né, j’entends leurs noms et je vois leurs têtes.

Ils s’appliquent à gravir marche à marche l’escalier du pouvoir qui court en se rétrécissant. Ils s’y engouffrent en qualité de servants des serviteurs d’eux-mêmes. Ils gravissent, glissent et se rattrapent, remontent en faisant tomber les autres, chantent-pleurent, l’oeil visé sur la plus haute marche : le fauteuil de Charles, Georges, Valéry, François, Jacques...

Les premiers arrivés dans le passage étroit de l’entonnoir s’y coincent et font obstruction. C’est la loi. Il faut attirer sur soi le regard suprême, le séduire, l’approcher et le convaincre des bienfaits du servant qui veut tuer le père. Dans un premier temps, être valet de son état et ainsi devenir ministre.

Enfin, faire le premier des ministres est quasi obligatoire. Être le second, ultime test, dernière marche savonnée de tout régime qui veut durer, véritable chaise électrique aussi périlleuse qu’inutile. Occuper cet insupportable poste de second demande aplomb et habileté : installer son nom dans la mémoire collective de l’électorat et créer assez tôt les conditions d’une démission pour se refaire une virginité, mais pas trop tard, de façon à éviter de péter comme fusible du roi...

Parfois -c’est rare- le roi meurt.

Mais même mort il est toujours là représenté par la même cour. Alors vous vous apercevez que vous-même êtes devenu vieux.