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Détails sur la fameuse nuit des dupes du 15 mai 2003

Publie le samedi 13 mai 2006 par Open-Publishing
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ci-dessous le premier chapitre de "La CFDT ou la Volonté de signer" (Hachette Littératures) relatif à l’accord sur les retraites.

Premier chapitre du livre


Retraites, coulisses et traumatisme

Le 15 mai 2003, en fin de matinée, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, sort du bureau du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, à qui il a fini par annoncer qu’il accepte et soutient la réforme des retraites concoctée par le gouvernement de droite. Dans la voiture, François Chérèque, installé à côté du chauffeur, se retourne vers son négociateur, Jean-Marie Toulisse, et lui confie cette dernière interrogation pleine d’incertitudes : « Tu crois qu’on a fait une connerie ? » « Nous étions blancs comme un linge », se souvient Jean-Marie Toulisse. Sept heures plus tard, le secrétaire général de la CFDT confirme publiquement l’accord donné à Matignon. En sortant de l’ultime négociation avec le ministre des Affaires sociales, François Fillon, il lance aux médias : « Compromis acceptable ! » Lorsqu’il prononce cette phrase, François Chérèque clôt vingt-quatre heures de tractations à rebondissements, à l’issue d’une nuit quasiment blanche. Au pied de l’escalier d’honneur du ministère, il a les larmes aux yeux. Ce sont ces deux mots, « compromis acceptable », qui mettront le feu à la CFDT. En quelques jours, le syndicat sera plongé dans la plus grave crise interne de son histoire, pour avoir approuvé une réforme qu’il préparait pourtant depuis plus de cinq ans.
« Aurions-nous pu obtenir plus ? Non, rien, mais c’est toujours la question que l’on se pose dans ce type de négociations », balaie aujourd’hui François Chérèque. Si ce n’est sur le fond, le bât blesse sur la forme. Erreurs de communication, stratégie flottante... Manifestement, ni les militants de base ni le grand public n’ont compris comment la CFDT, pourtant avide d’unité syndicale, en est arrivée à donner son aval en cet après-midi du 15 mai 2003. Voici le déroulé, en coulisse, des événements qui ont changé le visage de la CFDT, mais aussi de l’ensemble du paysage syndical français.

La fameuse nuit du 14 mai

Tous sont parés pour une nuit blanche, avec le cérémonial de circonstance des grandes négociations... Le 14 mai au soir, au ministère des Affaires sociales, François Fillon, son homologue de la Fonction publique, Jean-Paul Delevoye, leurs directeurs de cabinet et conseillers retrouvent les leaders syndicaux et patronaux accompagnés chacun d’un négociateur, autour d’une grande table ovale. Tous ont en tête les chiffres de la manifestation de la veille. Un peu plus d’un million de personnes, selon le ministère de l’Intérieur, plus de deux millions, selon la CGT, sont descendues dans la rue pour protester contre la réforme proposée par le gouvernement. La paralysie des transports est presque totale. C’est une mobilisation sans précédent depuis près de dix ans, depuis la contestation du plan Juppé sur l’assurance-maladie et sa tentative de réforme du régime spécial de retraite des cheminots, à l’automne 1995. Selon un sondage CSA, 64% des Français soutiennent ou éprouvent de la sympathie pour le mouvement. L’après-midi même, François Fillon s’est engagé devant les députés à rediscuter certains points : les petites retraites, le départ des salariés qui ont commencé à travailler tôt, la prise en compte des primes des fonctionnaires, le rachat des années d’études...
François Chérèque, épaulé par son négociateur Jean-Marie Toulisse, arrive au ministère de larue de Grenelle avec une équipe renforcée : Alain Petit-Jean et Marie-Annick Garaud, conseillers techniques à la CFDT, s’installent, seuls, dans un autre bureau du ministère. Ainsi se constitue une petite « cellule » dans une pièce peu éloignée de celle où se tient la grande négociation, de façon à bien faire comprendre au gouvernement que l’organisation syndicale
est décidée à peser lourd dans la discussion. Jean-Marie Toulisse, chargé du dossier retraites à la centrale cédétiste, leur envoie des textos pour les informer de l’avancée des discussions.
Les yeux qui roulent et s’animent derrière ses lunettes, Jean-Marie Toulisse, qui partira à la retraite dans le courant de l’année 2006, est un pro de la négociation syndicale. Il a minutieusement appris son métier en analysant les négociations menées par Henry Kissinger au Vietnam ou par Christian Blanc en Nouvelle-Calédonie. Il a fait appel à un coach pour apprendre l’art de la tractation et s’est payé des cours de théâtre pour savoir mieux s’affirmer et combler ses lacunes d’expression à la télévision. Il est militant depuis ses 21 ans. Depuis février 1968, exactement. Pas mai parce que ce n’est « pas le genre de type à adhérer sur une culture de conflit », dit-il de lui-même. De Mai 1968, il ne garde plutôt qu’un mauvais souvenir : la mort de son père, usé par des rhumatismes. Originaire du Nord-Pas-de-Calais, Jean-Marie Toulisse et ses quatre frères ont vécu une enfance pauvre, dans les corons. Jean-Marie a arrêté l’école après le BEPC. Il ne fera jamais de la classe ouvrière son idéal. Il militera beaucoup à gauche, au Parti socialiste plus particulièrement. Et si Nicole Notat le repère et l’appelle à la commission exécutive de la CFDT, la haute instance dirigeante du syndicat, fin 1998, c’est d’abord pour tenter de pacifier les relations entre la centrale et le parti de Lionel Jospin. Il n’y parviendra pas. Son caractère y est sûrement pour quelque chose. Soupe au lait, il aime taper du poing sur la table plutôt que jouer de la prudence oratoire. Au cours de cette fameuse nuit du 14 mai, François Chérèque devra le rappeler plusieurs fois à l’ordre.
Après le discours introductif des deux ministres, un premier « relevé des conclusions » à amender est, cette nuit-là, remis aux partenaires sociaux. Stupeur de la CGT, qui ne voulait pas d’un accord formel. « C’est quoi, ce procès-verbal ? », clame aussi Marc Blondel, alors secrétaire général de Force ouvrière. Ce sera d’ailleurs l’une des seules interventions de la nuit de cette figure syndicale pourtant forte en gueule. La CFDT, elle, n’a pas de quoi
s’offusquer : Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon, lui avait déjà soumis le texte dans la journée. Et à elle seule. François Fillon a déjà exclu de revenir sur le point clé de sa réforme : l’allongement progressif de la durée de cotisation des salariés du secteur public, alors de 37,5 ans, pour être identique à celle des salariés du privé, à 40 ans, d’ici à 2008, ne sera pas rediscuté. En revanche, le départ anticipé des salariés ayant commencé à travailler tôt ou le niveau des petites pensions restent négociables. La revalorisation des pensions et un système de décotes et de surcotes pour encourager les salariés à rester actifs plus longtemps sont aussi étudiés. Régulièrement, François Fillon louche sur la fiche qui le renseigne sur ce qu’il peut « lâcher ». JeanLuc Cazettes, alors secrétaire général de la CFE-CGC, syndicat des cadres, soutient, à de multiples reprises, le gouvernement.
Quant à François Chérèque, qui n’a pas encore fêté le premier anniversaire de son accession à la tête de la CFDT, tous les témoins le décrivent comme « un peu agité », « tendu et ému ». « Moi je sentais durant la nuit une tension entre François Fillon et Matignon », se souvient-il, de son côté. Si bien que ce sont les hommes de la CFDT et non le ministère qui informent le
conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, Dominique-Jean Chertier, du contenu de la négociation.

Les journalistes, eux, patientent dans le hall d’entrée du ministère, réconfortés par un buffet.
Vers 1 heure du matin, longue suspension de séance. Les syndicats, CFDT incluse, n’acceptent pas les propositions du gouvernement. Aucune organisation, même la CGT, ne claque toutefois la porte. À 3 heures, François Fillon soumet quatorze amendements, également rejetés. Vers 4 heures du matin, le ministre, épuisé, joue son va-tout et demande, en tête à tête, à son principal partenaire, François Chérèque : « Si vous voulez, nous pouvons voir
le Premier ministre. -Me donnera-t-il plus que vous ? », réplique le leader cédétiste. À la réponse négative du ministre, François Chérèque prend la décision de ne pas se rendre à Matignon. Du moins pas pour l’instant.
La séance reprend pour s’achever presque aussitôt. « Le gouvernement met les propositions sur la table. Les organisations les acceptent-elles ? », demande-t-on, côté ministériel. Pour les syndicats, c’est « non ». La séance est levée. « Le compte n’y est pas ! », proclame alors le secrétaire général de la CFDT devant les caméras de télévision.

D’Elkabbach à Matignon

L’ambiance est très tendue mais la pression est générée par la manifestation « préventive » de la veille, à laquelle l’ensemble des organisations syndicales a participé. À la grande surprise du gouvernement, elle a ressemblé entre un et deux millions de personnes dans les rues de Paris et de province. « Une manifestation monstre », se souvient-on chez François Fillon.
Il faut dire que la réforme des retraites du gouvernement se veut la plus importante depuis la Libération, même si elle ne se projette qu’à l’horizon 2020. Depuis 1945, la retraite est l’un des principaux éléments de la cohésion sociale et de la solidarité en France. Mais les chiffres, révélés au grand jour par plusieurs rapports, sont là : l’espérance de vie augmente et le nombre de retraités avec. La France comptera dix nouveaux millions de sexagénaires au cours des quarante prochaines années. Si aucune mesure financière n’est prise, le régime de retraites des fonctionnaires plongera dans le rouge deux ans plus tard, dès 2005, et le régime général entre 2005 et 2010. En se fondant sur l’hypothèse très optimiste du retour au plein-emploi en 2020, avec un taux de chômage de seulement 4,5 %, le gouvernement estime néanmoins à 15,5 milliards d’euros les besoins de financement pour le régime général et à 28 milliards pour les fonctionnaires.

Face à ces chiffres gigantesques, les syndicats n’avancent pas tous les mêmes revendications, ni n’utilisent la même méthode. Par le dialogue avec le gouvernement, la CFDT souhaite avant tout améliorer le niveau des retraites de base, c’est-à-dire obtenir des pensions qui ne puissent plus être inférieures au SMIC, ce qu’elle n’obtiendra finalement pas. De son côté, la CGT use de la discussion mais surtout de la mobilisation pour que le gouvernement accepte de faire financer les retraites en taxant les entreprises et non pas seulement les salariés. Quant à Force ouvrière, le syndicat dont le pourcentage des adhérents dans le secteur public est le
plus fort, elle refuse le moindre compromis et veut revenir aux 37,5 années de cotisation pour tous. Le gouvernement de droite est prévenu : il ne pourra pas contenter tout le monde. Et ne marquera donc sa confiance qu’à la CFDT.
Cette nuit-là, François Chérèque, qui habitait encore en région parisienne, à Melun, part dormir deux heures dans un hôtel à proximité de la rue François-Ier à Paris, où Jean-Pierre Elkabbach doit l’interviewer à 8 h 15 sur Europe 1. À 8 heures, il est déjà dans le bureau du journaliste quand il reçoit un appel de Jean-Marie Toulisse : « Ne disons plus que le compte n’y est pas. Je te propose de dire que la négociation doit reprendre », conseille le négociateur.
C’est ce qu’affirmera François Chérèque et son message sera entendu. « Si le gouvernement fait un geste, nous sommes prêts à faire l’autre », déclare-t-il aussi. Dans sa voiture, le syndicaliste reprend contact avec le gouvernement. Il appelle François Fillon : « Vous m’avez entendu chez Elkabbach ? - Non, je dormais », répond le ministre, qui part ensuite rencontrer Jean-Pierre Raffarin et promet de rappeler. C’est finalement Dominique-Jean Chertier, le conseiller de Matignon, qui téléphone à François Chérèque : « Le Premier ministre aimerait vous recevoir pour envisager de reprendre la négociation. » Rendez-vous est pris à 11 heures.
À Matignon, le face-à-face Raffarin-Chérèque est ferme. « C’est la fin, là », attaque le Premier ministre, rappelant qu’il s’apprête à expédier le projet de loi au Conseil d’État.
« J’avais l’image d’un Premier ministre plutôt rond, et là j’ai vu le type qui tenait le pouvoir », confie Jean-Marie Toulisse, encore tout impressionné. En réalité, six hommes prennent place autour de la table : Raffarin, Chérèque, Toulisse, Chertier, et, pour la partie technique, le directeur et le directeur adjoint du cabinet du Premier ministre, Pierre Steinmetz et Jean-François Cirelli.
Les échanges, de plus en plus codés, sont à lire entre les lignes : « Puis-je vous faire confiance ? », demande le chef du gouvernement au secrétaire général de la CFDT. Autrement dit : Si je deale avec vous, ne déclarerez-vous pas, en sortant d’ici, le contraire de ce que vous m’aurez dit ? François Chérèque réplique de même : « Puis-je vous faire confiance ? » C’est-à-dire : Si je deale avec vous, vos députés ne modifieront-ils pas notre accord ? Tous les sujets sont revus en détail, mais ce sont les « carrières longues », donc le départ anticipé en retraite pour les salariés ayant commencé à travailler tôt, qui fâchent, alors qu’il en avait été paradoxalement peu question durant la nuit. Le syndicaliste s’impatiente : « 
Écoutez, ce sera le départ à 56 ans pour ceux qui sont entrés dans la vie active à 14 ans, ce sera 57 ans pour ceux qui ont débuté à 15, etc. » Il menace : « Sinon, je ne passe pas ! » Le Premier ministre se tourne vers ses conseillers : « Combien ça coûte ? » Le conseiller Jean-François Cirelli sort se renseigner, revient une dizaine de minutes plus tard et s’approche de
Jean-Pierre Raffarin. La tension entre le conseiller et Jean-Marie Toulisse est à son comble. Ce dernier s’emporte : « La réponse, on la veut nous aussi ! » Le Premier ministre fait signe à Cirelli, qui reconnaît donc : « La réponse, nous ne la savons pas. » Jean-Pierre Raffarin tranche : « Ce sera oui ! » En revanche, la CFDT devra se contenter, pour les petites pensions, d’une garantie à 85 % du SMIC et non à 100 %, d’aucune hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et d’une réforme qui, au final, restera en grande
majorité financée par les salariés. La réunion se termine à 12 h 15. Il aura fallu soixante quinze minutes pour parvenir à un accord. Entre-temps, la permanencière de l’Agence France-Presse (AFP) à Matignon voit passer François Chérèque et rédige une dépêche qui va rendre publique sa présence rue de Varenne.

La caméra de France 2

La CFDT a donc « topé ». Et pour confirmer l’accord, un second rendez-vous à Matignon est encore programmé dans l’après-midi. De cette nouvelle entrevue de la journée chez Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marie Toulisse repartira d’ailleurs sur la remarque de l’huissier : « Je ne vous raccompagne pas, vous connaissez le chemin... » D’autres syndicats qui pourraient être prêts à signer dans l’aprèsmidi sont aussi conviés : la CFE-CGC et la CFTC. Pour le gouvernement, l’axe des signataires semble acquis. Ce ne sera pas tout à fait vrai, et même loin de là. La CFDT a besoin de partenaires pour appuyer son choix, mais se retrouvera finalement très isolée. « La CFDT nous disait que la CFTC et la CFE-CGC, elle en faisait son affaire. On avait l’impression que c’étaient ses satellites et le gouvernement a fait une erreur
en prenant très peu de contacts avec elles », regrette un conseiller. La CFTC n’approuvera finalement pas l’accord, mais ne descendra pas non plus protester dans la rue.
Entre les deux rendez-vous à Matignon, François Chérèque court, vers 13 heures, au ministère des Affaires sociales rejoindre François Fillon. Très nerveux, il peste après avoir aperçu une caméra de France 2 dans la cour. Le ministre des Affaires sociales travaille alors dans son bureau avec son conseiller en communication Vincent Roger, témoin de l’anxiété du leader
cédétiste : « Il sentait aussi qu’il entrait dans l’histoire syndicale car il accomplissait un geste fondateur du syndicalisme moderne », explique ce dernier.
« Si vous redémarrez les négociations sur les bases de ce que nous avons négocié avec Jean-Pierre Raffarin, vous aurez l’accord de la CFDT », annonce François Chérèque à François Fillon, qui peut difficilement faire autre chose qu’acquiescer. Le syndicaliste, très stressé, veut en finir : « On signe, il faut y aller ! », répète-t-il. Pour les médias et le protocole, une toute dernière réunion est cependant annoncée pour 17 heures autour du ministre, avec
l’ensemble des partenaires sociaux : on prend les mêmes que la nuit précédente, et on recommence. Avant qu’elle débute, Matignon programme la présence de François Fillon au journal de 20 heures sur France 2. L’accord Raffarin fait pourtant grincer des dents du côté du ministère des Affaires sociales. Dans le staff, on juge ainsi que le Premier ministre a trop cédé face à la CFDT. Autoriser des départs anticipés en retraite à 56 ans, alors que le discours général du gouvernement tend à inciter les salariés à travailler le plus longtemps possible, paraît contradictoire. Globalement, François Fillon et son équipe jugent l’accord trop rapide.
« Nous étions prêts à organiser deux ou trois nouvelles nuits de négociations, affirme un conseiller. Plus on voyait qu’on débattait, qu’on apportait des sandwichs, que les journalistes s’endormaient dans le couloir, plus on voyait que se déroulaient de vraies négociations. »
François Chérèque s’agace : « Ils ne l’ont pas proposé, eux, de faire durer la négociation ! C’est plus facile à dire maintenant. »

Un « compromis acceptable »

Pendant ce temps, la première organisation syndicale française en termes de représentativité est tenue à l’écart. La CGT n’est invitée, pour la forme, qu’à une toute dernière séance de négociation, à 17 heures, au ministère des Affaires sociales. Elle n’ira délibérément pas, après avoir tenté, en vain, de la repousser de deux jours, au samedi 17 mai. « Nous n’avons pas l’habitude de nous rendre à un ministère pour faire de la figuration », proteste le négociateur cégétiste JeanChristophe Le Duigou. Depuis la sortie de la rue de Grenelle à 4 heures du matin, Bernard Thibault et lui n’ont pas dormi.
Ils ont pris leur petit-déjeuner ensemble pour « débriefer » la nuit blanche qu’ils ont vécue, et enchaîné sur la réunion de la commission exécutive, organe directeur de la CGT, convoquée pour 9 heures. C’est par une dépêche AFP de 14 h 11, puis par un message du ministère sur le portable de Bernard Thibault, qu’ils apprennent qu’ils sont convoqués au fameux rendez-vous de 17 heures chez François Fillon. Ils rappellent le directeur du cabinet
du ministre, Jean-Paul Faugère, d’abord injoignable, et pour cause : il se trouve à Matignon en compagnie des syndicats prêts à signer (la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC)...
À 17 heures, le négociateur de FO, Bernard Devy, choisit, lui, de se rendre au ministère des Affaires sociales, mais pour mieux dénoncer les tractations de coulisse et aussitôt claquer la porte. « François Fillon a annoncé de nouvelles propositions. En réalité, c’était ce que François Chérèque avait précédemment négocié », raconte Jean-Marie Toulisse, qui en jubile
encore. Cette fois, l’opposition est absente. La partie est donc jouée. À 18 h 45, François Chérèque annonce, face à un parterre de caméras, son fameux : « Compromis acceptable ! » À cet instant, l’organe principal de son propre syndicat, le bureau national, n’a pas été consulté. Il a pourtant été convoqué le soir même. À cause de cette maladresse, François Chérèque aura bien du mal à faire avaler la pilule en interne.
Pendant longtemps, tout le monde lui posera la même question : mais pourquoi avoir « topé » dès l’après-midi, après avoir déclaré le matin même que « le compte n’y était pas » ? Le changement de cap, en quelques heures, est mal vécu par les militants et mal perçu par l’opinion publique. Interrogé aujourd’hui sur cet enchaînement ultrarapide des événements, François Chérèque hésite d’abord, évoque ensuite une « raison toute simple, matérielle » : « Comme la négociation devait s’arrêter dans la nuit, nous avions convoqué notre bureau national le 15 mai pour 17 heures. Il y a donc eu un élément tout simple : le bureau national était là, nous allions décider tout de suite. Le bureau national est composé à moitié de responsables de province, nous n’allions pas les faire repartir. » Jean-Marie Toulisse explicite
cette logique, qui fait passer la décision des négociateurs avant le débat dans les instances représentatives du syndicat : « Lorsque vous dealez un accord, il faut le formaliser au plus vite. Car ceux qui sont contre, dans le camp adverse mais aussi en interne, se mettent tous à l’oeuvre. Alain Madelin a
d’ailleurs déclaré, dans la soirée, qu’il s’agissait d’un accord calamiteux et que le gouvernement se couchait devant la CFDT. Le gouvernement était sous pression et François Chérèque aussi. » Le secrétaire général de la CFDT craignait de perdre les avancées obtenues de la bouche du Premier ministre en personne.
Le bureau national, instance dirigeante de la CFDT composée de trente-neuf personnes, ne peut finalement se réunir qu’à 19 h 30. Il dure trois heures, dans une « ambiance grave », selon plusieurs participants. « J’ai fait une présentation le plus détaillée possible, puis énormément de questions ont été posées, raconte aussi Jean-Marie Toulisse. Dans ces cas-là, on n’est même plus fatigué, on tient, c’est les nerfs... » « Nous sommes les seuls à signer »,
s’inquiètent plusieurs intervenants. Devant le fait accompli, l’instance ne désavoue pas la tête du syndicat. Une seule voix ose voter contre en interne : Raymonde Piecuch, qui représente le SGEN, le syndicat CFDT de l’Éducation nationale. Comment réagiront les militants de base ?
Le patron du SGEN, Jean-Luc Villeneuve, sent venir la catastrophe. Vers 23 heures, il envoie un mail à tous les syndicats de sa fédération : « Je peux comprendre vos interrogations à la suite des déclarations de François Chérèque. Mais ne prenez pas de décisions intempestives ! », indique ce message, appelant en filigrane les militants à ne pas quitter le navire CFDT.
« Tous les responsables étaient branchés sur Internet et j’ai donc reçu
immédiatement des réponses me remerciant de sentir au moins que ça n’allait pas... », se souvient Jean-Luc Villeneuve. L’incompréhension est réelle.

Menaces de mort et lettre d’Edmond

Le lendemain, la CFDT a la gueule de bois. La confédération reçoit un millier de mails - « négatifs à 98 % », reconnaît la direction -, émanant d’adhérents et d’opposants habituels de la CFDT mais aussi de monsieur et madame Tout-le-monde, alertés par les images du journal télévisé. François Chérèque recevra des lettres de menaces de mort : « J’en ai intercepté deux, mais apparemment il y en a eu d’autres. Mon entourage ne me dit pas tout, à tort, par peur que je m’angoisse », dit-il. Le syndicaliste sera quelque temps plus tard « séquestré » dans les locaux de France 3 Nantes par des « militants d’extrême gauche ».
Après une interview accordée au journal télévisé régional de midi, il ne parvient à s’enfuir qu’à 15 h 30. Les militants ont bloqué toutes les issues : « Ils voulaient me foutre sur la gueule », se souvient-il. Il faudra un car de CRS pour l’évacuer. « J’ai été obligé d’aller jusqu’à Angers prendre le train car les gars me pistaient un peu partout. » Jusqu’en octobre, François Chérèque ne prendra d’ailleurs plus le train de banlieue, comme il le faisait matin et soir, « pour éviter les incidents ».
Dès le vendredi 16 mai, Edmond Maire, ancien secrétaire général légendaire de la CFDT de 1971 à 1988, prend la plume et expédie un mot bref à la commission exécutive, l’instance réunissant les dix principaux dirigeants de la confédération, pour faire part de son regret : « Bravo sur le fond, mais je crois que sur la forme, vous allez souffrir... » « L’espérance de vie augmente, les retraites stagnent, donc il fallait faire quelque chose. Il n’y avait aucun doute que je serais d’accord sur le fond. Mais quand j’ai vu comment les choses se passaient concrètement... », se souvient l’ex-grande figure du syndicalisme français, qui regrette surtout la déclaration de François Chérèque à la sortie du ministère, avant même que le bureau national ait été consulté. « C’est vraiment une erreur de jeunesse pour François Chérèque,
notamment vis-à-vis des médias. Cela m’a rappelé des chocs du même type que j’ai vécus, mais avec moins de départs. Il y a même des événements dont je ne suis pas fier du tout : me retrouvant dans la situation de François, il m’est arrivé de reculer, tout simplement. C’était en 1984, pour le premier accord sur le temps de travail et la flexibilité. » « Erreur de jeunesse », juge donc Edmond Maire... Dès le vendredi 16 mai, débutent aussi les « explications de texte » envers les fédérations CFDT. « Tous les documents sont partis ce jour-là et la semaine suivante, j’ai reçu les fédérations qui le demandaient », explique François Chérèque.
En réalité, le leader syndical doit mettre en place une véritable cellule de crise, menée notamment par le responsable de la communication, Thierry Mestre. « Une bonne partie de nos permanents ont cessé leur activité jusqu’à l’automne pour s’occuper de la communication avec les équipes CFDT. Ils devaient notamment répondre à des milliers de courriers, faire en sorte que chaque contact d’un syndicat soit suivi d’une réponse écrite rapide », confie
François Chérèque.
Se déroule aussi le dernier entretien téléphonique entre le secrétaire national de la CFDT, Michel Jalmain, et le leader d’alors des cheminots CFDT, Denis Andlauer. « Jalmain m’a dit notamment qu’ils n’ont pas pu élargir l’assiette de la CSG car il allait y avoir ensuite la réforme de l’assurance-maladie », raconte ce dernier, qui décédera quelques mois plus tard d’un cancer. « À la fédération, ça a hurlé. J’ai eu des camarades en larmes au téléphone, plusieurs responsables régionaux. Les réactions étaient unanimes, sauf d’une équipe de Montparnasse », relate Denis Andlauer. Son adjoint de l’époque, Éric Thouzeau, confirme : « Comment expliquer en assemblée générale que la CFDT se retirait du mouvement qui avait perduré jusqu’à la manifestation du 13 mai ? On ne le pouvait pas ! » Après une conférence téléphonique de ses dirigeants, le SGEN rédige, de son côté, un communiqué, qui sera repris
entre autres par le quotidien Les Échos et qui ne passera pas inaperçu : « Le compte n’y est pas », proclame-t-il. La fédération enseignante appelle à la manifestation du 25 mai, aux côtés de la CGT, contre le texte de la CFDT ! Dès le lundi matin, François Chérèque reçoit en personne Jean-Luc Villeneuve, secrétaire général du SGEN, et son équipe. « Pour nous, ça va être dramatique ! », se plaint le leader enseignant. François Chérèque ne parle alors que d’un problème de communication : rien à se reprocher sur le fond, dit-il. « Il a accepté de nous entendre, il a compris qu’il fallait maintenir absolument le lien, mais je ne suis pas persuadé qu’il ait été convaincu », explique Jean-Luc Villeneuve.

L’arlésienne des retraites

La direction de la CFDT a donc d’abord alterné les mauvaises analyses de la situation et les maladresses. Elle étudiait pourtant sa stratégie et le fond du dossier des retraites depuis la législature d’Alain Juppé. Mais pour bien comprendre ce dossier et les événements de 2003, c’est au temps du gouvernement de Lionel Jospin qu’il faut remonter. Avec les socialistes, la
CFDT, Jean-Marie Toulisse en particulier, se pose déjà en « partenaire inévitable » d’une grande réforme, qu’elle appelle de ses voeux. Quitte à en brûler les étapes. Et déjà, des clashs se produisent... Avec le PS, comme ce sera à nouveau le cas en mai 2003, et surtout avec un certain Jacques Rigaudiat, ancien militant CFDT pourtant, ex-membre du cabinet de Michel
Rocard à Matignon. En quelques années, l’homme a beaucoup évolué politiquement, sur sa gauche. À l’époque, il est le conseiller social de Lionel Jospin, l’homme des relations avec les syndicats de l’ancien Premier ministre socialiste, avec qui il a aujourd’hui pris des distances, s’engageant plutôt résolument aux côtés d’Arnaud Montebourg.
Les travaux de Jean-Michel Charpin, alors commissaire au Plan, font l’objet de la première grosse dispute sur les retraites. Pour Lionel Jospin, avant de réformer, mieux vaut entreprendre un profond travail de réflexion qui associerait les syndicats... Va donc pour accorder le mandat d’une grande concertation au commissariat au Plan ! Dans la lettre de mission de Jean-Michel Charpin datée du 29 mai 1998, Lionel Jospin invente une expression,
qui sera maintes fois réutilisée ensuite, en particulier par ses successeurs Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin : « diagnostic partagé ». En avril 1999, le rapport Charpin présente au final non pas seulement un diagnostic, mais des propositions concrètes, comme le passage à 42,5 ans de cotisation qui fait la une des journaux. Matignon les refuse et accuse, entre quat’z-yeux, Jean-Marie Toulisse d’avoir poussé le commissaire au Plan à ne pas se limiter à un simple « diagnostic ». Car entre-temps, ce responsable de la CFDT dans le Nord-Pas-de-Calais a été élu à la confédération, à l’occasion
du congrès de Lille de décembre 1998, pour s’occuper entre autres des retraites, dont il n’était jusqu’ici pas du tout spécialiste. « Jean-Michel Charpin a largement débordé la mission que nous lui avions confiée, estime Jacques Rigaudiat. Ses propositions étaient celles du Medef, revues à la baisse et jugées acceptables par la CFDT. Je suis sûr que Jean-Michel Charpin a cru trouver un chemin de sortie avec la confédération de Nicole Notat. »

Feu vert pour un accord

La CFDT et le Medef demandent que la réforme s’engage à partir du rapport Charpin. Et c’est face à la résignation de Lionel Jospin que la CFDT misera sur une stratégie nouvelle, teintée d’illusions mais qu’elle poursuivra jusqu’au 15 mai 2003 : un rapprochement avec la CGT, qui, finalement aujourd’hui, déclare se sentir « trahie » et ne parvient guère à « pardonner » à François Chérèque « La première grande décision que j’ai prise sur les retraites, c’est d’écrire un livre avec Jean-Christophe Le Duigou [économiste et numéro deux de la CGT], raconte Jean-Marie Toulisse.
"C’était une façon de montrer à nos militants que la CFDT n’avait pas peur de la CGT, avec qui elle voulait par ailleurs engager le débat. » Le livre, conçu sous forme de conversations avec l’aide du journaliste de Témoignage chrétien Michel Gairaud, sort en 1999 aux Éditions de l’Atelier. « Je recevais régulièrement Jean-Marie Toulisse et Jean-Christophe Le Duigou ensemble », témoigne aussi Jacques Rigaudiat.
Au printemps 1999, c’est la CFDT qui obtient de Matignon une grande série de consultations bilatérales officielles. Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, s’en retrouve toute vexée de ne pas mener elle-même le tour de piste. Un an après, le Conseil d’orientation des retraites (COR) est créé pour rédiger lui aussi un rapport. Quand un gouvernement veut enterrer un dossier délicat, il crée des commissions, grinçait déjà Georges Clemenceau... « Le COR n’aurait jamais dû être mis en place si la commission Charpin s’était contentée d’un diagnostic partagé. Nous avons perdu deux ans », se justifie Jacques Rigaudiat. Mais c’est avec un nouveau gouvernement, de droite, qu’une réforme pourra concrètement s’instaurer. Entre-temps, nouveau Premier ministre, nouvelle majorité parlementaire, nouveau secrétaire général de la CFDT. Nicole Notat passe en effet la main à François Chérèque, à l’occasion du congrès de Nantes.
« Avant même l’été 2002, nous comprenons, au cours de tête-à-tête entre François Chérèque et François Fillon, que la CFDT souhaite une réforme et qu’elle peut l’accompagner », raconte un proche de l’ancien ministre des Affaires sociales. Au même moment, la CFDT renforce son « axe » avec la CGT. Avant de partir en congé, Jean-Marie Toulisse glisse à Jean-Christophe Le Duigou : « J’aimerais que nous préparions tous les deux chaque prochaine intersyndicale sur les retraites... » « C’était stratégique », confirme le secrétaire national cédétiste.
Il faut dire qu’au sein de la CGT, l’économiste Jean-Christophe Le Duigou, bras droit de Bernard Thibault, est l’un des rares partisans de la réforme, mais pas à n’importe quel prix. C’est un « moderniste ». À l’évocation du dossier des retraites, dont il a la charge, ses yeux clairs et perçants s’illuminent. C’est son dossier, celui par lequel il espérait que la CGT entamerait sa mue. Membre du Parti communiste, il s’est toutefois battu pour l’autonomie de la CGT par rapport au PCF. Lui se définit toujours comme « marxiste » sur le plan intellectuel, tandis que son autre étiquette, de « moderniste », lui a valu quelques remous à son arrivée à la direction de la CGT, en 1994. Bernard Thibault, devenu secrétaire général cinq ans plus tard, l’a confirmé dans ses fonctions et s’est appuyé sur cet homme de réseaux, qui sait aussi, élément plutôt rare à la CGT, dialoguer avec le patronat. Jean-Christophe Le Duigou était l’homme au sein de la CGT avec lequel la CFDT pensait pouvoir pactiser.
Jean-Marie Toulisse missionne donc deux salariés de la CFDT, Alain Petit-Jean et Marie-Annick Garaud, pour étudier les pistes de la réforme. Ces derniers, pleins de bonne volonté, suggèrent à leur chef : « Écoute, si tu nous donnes le feu vert, nous pouvons l’écrire, nous, l’accord sur les retraites !... » L’objectif, approuvé par Le Duigou au téléphone, est fixé : élaborer un texte,
dont la première mouture est finalement achevée en décembre 2002. « À cette date, je vais voir Chérèque et, de son côté, Le Duigou retrouve Bernard Thibault, poursuit Toulisse. Et nous obtenons le sou tien de nos patrons. »

Le rendez-vous de Madrid

Mais parallèlement, la CFDT joue sur un second tableau : celui des contacts étroits avec le gouvernement sur ce même dossier. Si bien que lors d’une tournée en Europe du ministre François Fillon pour y étudier les régimes de retraites en vigueur, « Jean-Marie Toulisse apparaît dans l’avion comme le négociateur numéro un, celui qui veut s’impliquer dans la réforme », relate un conseiller du ministre, témoin. Seule la CGT n’a pas souhaité venir à ces
escapades européennes. Mais parler dans l’avion reste entaché d’un inconvénient : les voisins syndicaux gardent la possibilité de tendre l’oreille...
Lors du dernier déplacement, à Madrid, le gouvernement organise ce qu’un conseiller qualifie de « contact privilégié » et confidentiel avec la CFDT : au matin du 24 janvier 2003, avant de repartir pour Paris, François Fillon programme une discussion en tête à tête avec Jean-Marie Toulisse, dans la chambre d’hôtel du conseiller Pierre Mayeur, le technocrate qui rédigera concrètement la réforme. « Que voulez-vous que nous fassions, sur la forme et sur le fond ? », se renseigne le ministre, à l’abri des regards. « Les autres organisations syndicales attendaient en bas, dans le hall de l’hôtel, ça faisait un peu bizarre... », se souvient un membre du cabinet du ministre des Affaires sociales, encore un peu perplexe.
Auparavant, début janvier 2003, le lundi 6 au soir, l’intersyndicale se réunit, elle, une première fois. Avec un objectif qui, selon la CFDT, lui sera fatal : élargir l’axe aux autres confédérations. Le représentant de Force ouvrière, Bernard Devy, propose un contre-texte : Jean-Marie Toulisse et Jean-Christophe Le Duigou refusent. « Et soudainement est apparue la première ambiguïté : FO a signé notre texte, alors qu’elle s’y opposait pendant toute la
réunion, selon le négociateur CFDT. Jean-Christophe n’a pas voulu s’attaquer à FO au nom du syndicalisme rassemblé. Et le syndicalisme rassemblé, c’est la grande divergence entre lui et moi. » Quinze jours plus tard, la CGT déclare que les régimes spéciaux des retraites ne doivent pas être concernés par la réforme. Ces régimes, hérités parfois du XIXe siècle, permettent le départ à la retraite à des âges précoces pour certains salariés, en particulier les plus exposés à des travaux pénibles. En réalité, plusieurs professions en bénéficient, des agents d’EDF et de GDF aux marins, en passant par les clercs de notaire, les cheminots ou les danseurs d’opéra. Pour la CFDT, cette déclaration de la CGT s’explique par un compromis entre la confédération de Bernard Thibault et Force ouvrière : « Un deal a, entre-temps, été passé avec FO et c’est là que j’aurais dû clasher ! Notre texte, parce que soutenu par FO, organisation qui continuait de réclamer 37,5 ans de cotisation pour tous, devenait non crédible », affirme Jean-Marie Toulisse. « De janvier à mai, il y a eu quelques avatars, quelques difficultés à rédiger des communiqués communs ou autres, confirme Jean-Christophe Le Duigou. Mais pour moi, cela ne signifiait encore rien de bien grave. » La CGT n’est cependant pas à son aise. Sa direction est consciente que des évolutions seront incontournables dans la réforme. Certains de ses militants se montrent toujours arc-boutés sur les 37,5 ans de cotisation, comme le réclame FO. Le gouvernement pense encore toutefois que l’accompagnement de la réforme par la CGT reste indispensable, et ménage donc l’organisation. Après une manifestation « préventive » initiale des syndicats le 1er février 2003, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin lance officiellement, le 3 février, le processus de la réforme, au moyen d’un grand discours au Conseil économique et social (CES). Mais pour éviter de se mettre Bernard Thibault à dos, le gouvernement prend l’engagement de ne rien trancher avant le congrès de la CGT, qui se tient du 24 au 28 mars à Montpellier. Jean -Christophe Le Duigou promet d’ailleurs d’y expliquer aux militants pourquoi les 37,5 ans de cotisation, y compris pour les fonctionnaires, ne forment pas son « objectif premier » : « Pour la déclaration syndicale commune du 6
janvier, nous n’étions pas tombés d’accord sur le financement. Mais le texte réglait déjà, en revanche, la question des 37,5 ans, même si, en interne à la CGT, cela a provoqué des débats animés », dit-il. En réalité, ce texte reste assez flou. L’intersyndicale demeure une union bien fragile. Et les acteurs de la réforme savent déjà que la CGT aura bien du mal à endosser ce texte.

Le mauvais scénario de Chérèque

Mais le processus de concertation se poursuit. Après des rivalités entre les ministères des Affaires sociales et de la Fonction publique sur les consultations syndicales pour les fonctionnaires, le gouvernement instaure, pour avancer à pas comptés, un groupe de travail. « Lorsque ce groupe de pilotage se réunissait deux fois par semaine, je comprenais bien que des questions avaient préalablement été traitées entre le gouvernement et la CFDT, je n’étais pas naïf. Mais alors, ça ne m’empêchait pas de dormir », poursuit Jean-Christophe Le Duigou.
Le dialogue de sourds entre la CFDT et la CGT s’amplifie pourtant. Ou plutôt, la CFDT renforce encore à la fois les tractations avec la CGT et les négociations en sous-main avec le gouvernement, et toujours séparément. À quel jeu joue-t-elle ? La CGT lui soumet un scénario, qu’elle n’accepte pas mais ne rejette pas non plus : place au bal des ambiguïtés... Le négociateur cégétiste résume le scénario qu’il proposait : « Mon sentiment, c’est que la
majorité parlementaire avait la capacité institutionnelle de faire passer la réforme. Nous voulions, nous la CGT, le texte le moins mauvais possible, avec des concessions gouvernementales, mais serions restés en désaccord avec la réforme globale. Et nous imaginions que la CFDT, de son côté, émettrait une appréciation moins négative, mais tout en demeurant en désaccord. » Il précise : « Nous n’avions pas de pacte formel avec la CFDT
là-dessus, mais mes discussions avec Jean-Marie Toulisse visaient à gérer ce schéma-là. » Celui-ci se retrouvera d’ailleurs appliqué plus ou moins pour le plan Douste-Blazy sur l’assurance-maladie, un an après, alors que les deux syndicats ne se seront pas réconciliés.
Claude Debons, alors patron de la fédération des transports CFDT, membre de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) jusqu’en 1993 et surtout porte-drapeau des opposants internes à la CFDT, mise également sur cette option : « Nous avons fait savoir que la CFDT ne devait pas approuver de façon franche et massive un texte gouvernemental. Et il nous avait été répondu, en avril, que la CFDT ne signerait rien et ne donnerait pas d’avis tranché. Nous étions à moitié rassurés », affirme-t-il.
Un tel scénario ne peut toutefois être envisagé que si le gouvernement ne soumet pas un accord formel et écrit aux syndicats. Bernard Thibault et Jean-Christophe Le Duigou font des pieds et des mains pour éviter cela : lorsqu’ils rencontrent François Fillon en tête à tête, le 22 avril, Bernard Thibault demande si la concertation des partenaires sociaux s’achèvera par un texte ou par une décision du gouvernement. « Nous ne solliciterons pas l’accord des organisations syndicales, vous donnerez simplement votre appréciation sur nos propositions », répond le ministre. Une phrase qui réjouit alors la CGT, et que retranscrit immédiatement sur son cahier Jean-Christophe Le Duigou, qui fait office de scripte à chaque séance de négociations, notant les dialogues et les ambiances. Le ministre ne tiendra pas sa promesse.

Opérations médiatiques

Le lendemain de ce tête-à-tête entre Bernard Thibault et le ministre, François Fillon est l’invité attendu de 100 minutes pour convaincre, l’émission politique de France 2, présentée par Olivier Mazerolle. L’objectif est surtout « d’interpeller l’opinion et passer ainsi à unenouvelle phase de la réforme », comme se souvient son cabinet.François Chérèque mène une semblable opération médiatique : le 27 avril, il choisit lui aussi la télévision, France Europe Express sur France 3, présentée par Christine Ockrent, pour
annoncer ses cinq « exigences ». Parmi elles, surtout : que les smicards puissent bénéficier d’une retraite équivalente à 100 % de leur salaire, déjà modique. Une exigence qui ne sera pourtant jamais satisfaite.
Pendant ce temps, des responsables nationaux de la CFDT prennent contact avec les dirigeants des fédérations pour préparer les militants à un probable accord avec le gouvernement. Michel Jalmain, ancien bras droit de Nicole Notat et en charge habituellement des dossiers liés à l’emploi, se met alors à téléphoner régulièrement à Denis Andlauer, secrétaire général de la branche cheminots, réputée à juste titre oppositionnelle, et dont la moitié des adhérents rejoindront la CGT. Michel Jalmain ne contacte ainsi pas directement la fédération des transports, dirigée par Claude Debons, avec qui plus aucun dialogue n’est jugé possible, mais tente de faire passer autrement ses messages. « Il me tenait au courant, pas à pas, des négociations, nous racontait Denis Andlauer, peu avant son décès, intervenu en août 2004. Les contacts ont toujours été très courtois. Je lui disais ce que nous ne pourrions pas accepter et ce qui pourrait se discuter. Et tous les jours, au cours d’une conférence téléphonique avec nos représentants régionaux, je faisais état des informations de Michel Jalmain. » Annie Thomas, secrétaire nationale en charge de l’éducation et de la formation professionnelle, reste, de son côté, en « contact permanent » avec le SGEN, qui figure parmi les créateurs de la CFDT en 1964 et se montre régulièrement
contestataire : « J’appelais le SGEN tous les jours. Avant l’accord des retraites, il y a eu un travail d’information énorme avec les fédérations et en interne. Même si nous aurions dû être beaucoup plus attentifs au secteur public. Tout le monde connaissait nos positions, qui reprennent d’ailleurs fidèlement les textes du congrès de Nantes de 2002, au cours duquel
François Chérèque a succédé à Nicole Notat », affirmet-elle.
Le secrétaire général du SGEN, Jean-Luc Villeneuve, confirme les contacts :
« Les prénégociations se passaient bien dans un premier temps. Nous nous retrouvions dans les exigences affichées par François Chérèque. D’ailleurs, contrairement à d’autres syndicats du champ de l’éducation, nous avions nous aussi, dès la fin 2002 au cours d’un conseil fédéral, abandonné la revendication du maintien des 37,5 ans de cotisation. Ce qui comptait
davantage, c’était le niveau des pensions, ce que nous allions toucher. Cette position ne nous choquait pas, même s’il y a eu quelques grincements de dents. » La seule gaffe viendra d’une communication en externe. Le secrétaire cédétiste Michel Jalmain déclare au cégétiste Jean-Christophe Le Duigou : « Nous allons arriver à un accord avec le gouvernement. » Les
dirigeants de la CGT comprennent alors que la CFDT travaille, seule, sur un texte avec Jean-Pierre Raffarin et François Fillon.

Jean-Pierre Raffarin panique

Mais un événement inattendu affolera le gouvernement et, dans une moindre mesure, la CFDT qui s’inquiète de ne plus maîtriser le mouvement social : la grande manifestation du 13 mai 2003, qui remporte un plein succès. La CFDT y participe pour « peser sur laréforme », mais après s’être tâtée.
Initialement, la CGT proposait d’annoncer une manifestation qui aurait lieu après les négociations, la CFDT en préférait une avant. François Chérèque a « bousculé » sur ce sujet Bernard Thibault, croisé à Bruxelles en marge d’une réunion de la Confédération européenne des syndicats (CES). Résultat : deux journées d’action sont finalement programmées, les 13
et 25 mai, la CFDT indiquant toutefois qu’elle ne se joindrait pas à cette dernière. « Huit jours avant, quand l’intersyndicale se réunit pour appeler à la manifestation du 13 mai dans des locaux de la FSU, la confédération syndicale enseignante, dans le VIIIe arrondissement de Paris, il règne une double tension, raconte Jean-Christophe Le Duigou. D’un côté, Force ouvrière remet en cause la plate-forme commune et le principe de l’unité syndicale, et réclame notamment 37,5 ans de cotisation pour tous. Et de l’autre, la CFDT
hésite à se lancer dans un appel commun. Il a fallu deux heures de discussions. » Et pendant ce temps, le SGEN vit son « premier désaccord » avec la confédération : « Nous pensionsque pour maintenir la pression, il fallait appeler aussi à la manifestation du 25 mai », explique Jean-Luc Villeneuve.
Face à l’ampleur du défilé du 13 mai, Jean-Pierre Raffarin déclare, sur TF1, que « ce n’est pas la rue qui gouverne ». Pourtant, « le gouvernement accélère la réforme et convie les partenaires sociaux à des négociations dès le lendemain soir », raconte un des principaux conseillers qui, chez François Fillon, travaillaient sur les retraites. Les événements sont précipités. Jean-Pierre Raffarin, soucieux de faire croire aux médias que la réforme des
retraites ne pourrait aboutir sans lui, tente de programmer à l’avance un rendez-vous avec François Chérèque juste avant la fin théorique de la négociation qui se déroule au ministère des Affaires sociales. François Fillon, furieux, s’incline pourtant. Un conseiller l’explique :
« Il fallait que la nuit soit longue, donner l’impression que le gouvernement écoute et qu’il donne, mais sans non plus être veule. Et en même temps, il ne fallait pas que ce soit totalement réussi. Il était prévu, avant même le début de la nuit, que François Chérèque parte à Matignon et que la dernière concession vienne du Premier ministre. » François Chérèque confirme le scénario : « Matignon nous a dit qu’il serait possible qu’au cours de la nuit, le
Premier ministre s’insère dans la négociation. Si nous allions pratiquement au bout, il pouvait venir débloquer une situation. » De son côté, Michel Jalmain annonce, par téléphone, au cheminot Denis Andlauer que la signature dans la nuit est acquise, qu’entre-temps, la CGT pourrait claquer la porte et que la CFDT en profiterait pour lancer un appel à Jean-Pierre Raffarin et aboutir avec lui à un accord. Le scénario rêvé par la CFDT ne se produira pas tout
à fait... « Manque de bol, la CGT ne sortira pas de la salle, elle voudra rester », sourit, aux côtés de Denis Andlauer, Éric Thouzeau, alors secrétaire général adjoint de la CFDTCheminots, passé depuis à la CGT.
« J’aurais aimé que nous aboutissions dans la nuit : je n’entre jamais dans une négociation pour la perdre, voyons ! », répète, lui, Jean-Marie Toulisse. La CGT ne choisira de se retirer du jeu qu’au tout dernier moment, dans la journée du jeudi 15 mai, quand elle apprendra que François Chérèque négocie en tête à tête avec Jean-Pierre Raffarin à Matignon, sans même
l’avoir prévenue.
Le clash avec la CGT se révélera dramatique : c’est l’explosion de toute perspective d’unité syndicale, dans un pays où la représentation des salariés est déjà affaiblie par le très petit nombre d’adhérents. 9 % seulement des salariés sont syndiqués. Avant la réforme, François Chérèque et Bernard Thibault se téléphonaient deux ou trois fois par semaine. Après, les
contacts seront totalement coupés, ou passeront par des intermédiaires.
« Il y a quelques reproches à faire au gouvernement, mais pour l’essentiel, nous en voulons à la CFDT. Elle a lâché le mouvement social pour cautionner une réforme contestable », tempête Jean-Christophe Le Duigou. Tandis que le cédétiste Michel Jalmain peste, lui aussi :« La CGT était, comme dans tous les dossiers difficiles, dans une logique où la négociation ne se terminait jamais. Pour eux, ce n’est jamais la dernière réunion ! » Avant l’été, Jean-
Marie Toulisse et Jean-Christophe Le Duigou se recroisent à deux reprises dans les couloirs du Conseil économique et social, dont ils sont tous les deux membres. « Nous prenons une demi-heure pour nous parler franchement, relate le négociateur CGT. À ce moment-là, je lui dis qu’il ne s’agit pas d’une anicroche mais d’un événement plus fondamental. Il y a un problème de confiance envers le secrétaire général de la CFDT. Bernard Thibault a eu
l’impression très légitime que François Chérèque lui avait fait un enfant dans le dos. » « Mais quoi qu’on fasse, vous n’auriez pas cautionné la réforme des retraites ! », s’étrangle JeanMarie Toulisse. (« C’était absolument évident », reconnaît aujourd’hui Jean-Christophe Le Duigou.) « Mais nous, nous ne savions pas que vous l’auriez aussi clairement cautionnée », réplique son interlocuteur. « À ce stade, la CFDT minimise la chose », se souvient-il.

Montebourg a-t-il fait acclamer Thibault ?

Après la fameuse nuit du 14 mai, le texte Fillon-Chérèque sur les retraites est également stigmatisé lors d’un événement très médiatique : le congrès du PS à Dijon, qui se tient durant le weekend qui suit tout juste l’accord. Le parti politique n’a pas fait exprès de prévoir son rassemblement deux jours après la négociation sur les retraites, mais François Chérèque le vivra mal car la réforme du gouvernement qu’il vient d’approuver y sera vilipendée. Le
secrétaire général de la CFDT y avait initialement été invité : « Nous sommes toujours invités aux congrès du PS mais jamais le secrétaire général n’y va, explique-t-il. D’ailleurs heureusement ! Imaginez si j’y avais été... » « Réforme dangereuse », s’emporte, durant le congrès socialiste, François Hollande, qui est reconduit au poste de premier secrétaire. « Il faut attaquer frontalement la réforme », renchérit Laurent Fabius, qui, lui, est nommé numéro deux du parti. « Ce sont des effets médiatiques qui, pour nous, sont désastreux, constate François Chérèque encore aujourd’hui. Ce congrès a beaucoup joué dans le lancement de la crise à la CFDT. » Même s’il omet toutefois de dire que la crise a démarré le soir même de son approbation de la réforme, sur le parvis du ministère.
Bernard Thibault a, lui, accepté de se rendre au congrès du PS. Et il y est acclamé, pendant six minutes, soit la plus longue ovation du congrès ! Les socialistes n’applaudissent pas un discours du leader cégétiste, mais sa simple entrée. Jean-Christophe Cambadélis, qui parle alors à la tribune, doit même interrompre son intervention.
Les images sont reprises en boucle sur les chaînes d’information. Qui a organisé la claque ? Les suspicions germent à la confédération cédétiste, comme du côté de la rue de Solférino...
« Après ce congrès de Dijon, ils sont tous venus me dire au PS que l’accueil de Thibault n’avait pas été organisé et que c’était un mauvais coup d’Arnaud Montebourg », dévoile François Chérèque. On connaît en effet les très mauvais rapports entre, d’un côté, le créateur du Nouveau Parti socialiste et la CFDT, et de l’autre, entre le NPS et la direction du PS. Les autres leaders socialistes l’ont donc « balancé » : des militants locaux d’Arnaud Montebourg
auraient surjoué la venue de Bernard Thibault pour éclipser les interventions de François Hollande et tenter de mettre en difficulté le premier secrétaire du PS. C’est en tout cas ce que « tous les poids lourds du PS » viennent affirmer au patron de la CFDT.
« Mais cette explication ne tient pas la route », se défend, de son côté, Jacques Rigaudiat, l’ancien conseiller social de Lionel Jospin qui soutient dorénavant Arnaud Montebourg. Lui aussi était présent au congrès de Dijon : « Thibault a été acclamé par les délégués. Et que je sache, le NPS ne représentait que 17 % des mandats, pas 100 %... » Pour lui, c’est clair, Hollande se défausse sur Montebourg !
Dans l’immédiat, à l’issue du congrès, François Chérèque ne reçoit que deux coups de fil de ténors socialistes. François Hollande, bien sûr. « Il m’a fait des excuses un peu plates », assure le syndicaliste. Le maire de Paris, l’ami Bertrand Delanoë, téléphone aussi : « Il n’était pas content non plus. Avec Bertrand, j’ai des relations personnelles assez fortes. »
Jean-Marie Toulisse, lui, en veut toujours au PS : « Ils ont été couards ! » S’ils étaient restés au pouvoir, les socialistes auraient-ils mis en oeuvre, à peu de chose près, la même réforme des retraites, comme l’ont affirmé ensuite Michel Rocard ou Jacques Delors ? La CFDT en reste persuadée.
Avec le PS comme avec la CGT, les ponts sont toujours coupés à la rentrée. Pendant ce temps, la crise interne à la CFDT prend de l’ampleur. Car après le « séisme » de l’aval donné à la réforme des retraites, deux autres négociations continueront de mettre le syndicat sur le devant de la scène : celle sur les intermittents du spectacle, en juin 2003, soit à peine un mois
plus tard, et celle sur l’assurance-chômage, initialement bouclée en décembre 2002 mais dont les premiers effets commencent seulement à inquiéter les chômeurs.

Messages

  • En voilà un beau texte chronologique sur une négociation qui va permettre à des millions de salariés en France de travailler plus longtemps pour gagner moins. Bien joué les "négociateurs" de "syndicats" de salariés. C’est tellement important, François, de rentrer dans l’histoire... par la petite porte. Quant au "camarade" Le Duigou, qu’il reste ratiociner sur confrontation.org, ça reposera les salariés.
    37,5 annuités de cotisations pour toucher sa retraite bien méritée point barre.
    Ce texte est apparu sur bellaciao le 13/05/06 à 14h, je suis étonné qu’il n’y ait aucun commentaire des copas, claude de toulouse,etc si prompt à s’indigner si rapidement sur la moindre attaque des droits démocratiques, du citoyen etc.
    C’est vrai qu’autant de duplicité laisse bouche bée.
    Allez bon anniversaire du 13/05/03.
    Alain

    • C’est vrai qu’autant de duplicité laisse bouche bée.c’est pourquoi je n’avais pas réagi .
      Et c’est pourquoi je ne réagis toujours pas , pour qualifier la CFDT .
      les messages à caracteres injurieux n’etant pas admissible .
      claude de Toulouse .

    • Alain, je ne comprend rien à cette phrase :"Quant au "camarade" Le Duigou, qu’il reste ratiociner sur confrontation.org, ça reposera les salariés." ! Si "ratiociner" c’est, (comme le dit le dico), "raisonner d’une façon subtile", le reproche que tu semble faire à Le Diguou serait plustôt flatteur.Mais raisonner avec subtilité sur " confrontation. org" pour que cela "repose les salariés" c’est du n’importe quoi !!!

      En fait Alain, je pense que tu ne pouvait rien écrire sans tenter de "mettre dans le même sac" la CFDT et la CGT sur un sujet aussi dramatique pour les salariés. Tu transpire l’antigégétisme et son odeur m’indispose car tu oublie que nos retraites par répartition, basées sur une solidarité inter-générationnelle est issue , (comme la sécu et les comités d’établissements) du CNR en 1945 avec pour acteurs la CGT et le PCF.
      Tu oublie aussi de rappeler que le patronat qui dans une importante proportion avait collaboré avec l’occupant et qu’il avait du adopter "un profil bas" ! Tu oublie également de préciser que le Syndicat chrétien de cette époque, dont est issue le CFDT était opposé à cette énorme conquette sociale obtenue dans une France en partie détruite et que ceci explique sans doute cela, c’est à dire que la collaboration CFDT- MEDEF et gouvernement libéraux, ou sociaux libéraux, est un fait bien réel aujourd’hui ! La vengeance est un plat qui se mange froid dit-on et il y en à qui ont la rancune tenace, il est là le fond du problême.Cela est favorisé par un taux de syndicalisation extrémement bas qui ouvre la voie à la destructions des protections sociales dont on ne ne peut en aucunes maniéres rendre responsable le syndicat CGT.De gaulle lui même avait, sitot aprés avoir singé ces accords, commecé à les attaquer !
      Pour faire "bonne mesure" tu inclu dans ton "amalgame", Copas et Claude de Toulouse, qui ont le mérite de réagir de façon parfaite à de nombreuses intervention et sur des sujets d’importance, ce qui te ridiculise un peu plus et qui démontre que "l’objectivité" n’est pas ta qualité premiére.
      Georges du 64

    • Alain,

      Ton attaque n’est pas très futée....et me semble incomprehensible.

      Ce n’est pas parcequ’on ne se jette pas sur tout ce qui bouge qu’on n’en pense pas moins. Tu sembles mélanger un peu tout.

      Mon point de vue est clair : On ne lâche pas d’un millimètre sur les droits des travailleurs. La seule chose que je conçoive est une avancée.

      La question des organisations syndicales ne se conçoit pas comme la question des partis politiques où on peut multiplier à foison les organisations.

      Je suis pour une refondation du syndicalisme en France qui démarre en se construisant sur des structures unitaires à la base, plus démocratiques que l’existant. De telle façon que des accords, explicites ou implicites , ne puissent se faire hors de la vigilance des travailleurs.

      Je sais bien qu’à la tête de beaucoup de syndicats en France, CGT comprise, on a de tout, et pas forcement de l’avouable, on a des gens comme Thibault qui sont un petit peu trop à droite à mon goût. Mais ceci ne tresse pas ce qu’est la CGT, ne résume pas ce qu’est la CGT. Même la CFDT n’est pas reductible à la logique de sa direction.

      A la difference d’un parti politique, dans un syndicat tu vas avoir normalement de tout, et de preference de tout. Un syndicat n’est pas un parti politique.

      Une organisation syndicale a vocation à avoir dans ses rangs la majorité des travailleurs (le découpage est social), un parti politique rassemble des gens sur un programme.

      Mais, ne travaillant pas en France, je ne peux qu’être distant sur certaines questions précises d’organisation.

      Sinon, j’ai lu ce texte même si ça m’enerve souvent de voir des gens qui balancent un pavé sans l’alleger pour le rendre aisément lisible.

      Mais je réponds là car, encore une fois, ton attaque est bêbête...

      On ne te voit pas t’exprimer sur des tas de sujets et loin de moi le désir de penser que tu es ceci ou celà, où que tu te tairais lâchement..... Je ne ferai pas, non plus, peser sur toi le soupçon de trahisons ou de couvertures honteuses de trahisons.

      Attaque gratuite et inutile.

      Copas

    • Mon dico ( hachette 1995) à moi y dit :"Ratiociner : v.intr.Litt. Faire des raisonnements oiseux et interminables."
      Je vois que j’ai vexé inutilement des gens que je lis réguliérement ici, qui ont une grande pratique du discours que je n’ai pas, j’en conviens aisément. Mais, voilà, inutile de me faire l’ historique de la lutte du medef et consorts contre la sécu.
      Il ne faut pas oublier que dans cet article, le résultat des courses, c’est qu’on voit bien comment fonctionne la démocratie interne d’un syndicat français, trois fois hélas.
      La tête signe et après elle fait avaler les couleuvres aux syndiqués de la base.
      Malheureusement, sur un sujet comme les retraites, les syndiqués de la base n’ont rien avalé. Et ils touchent moins de pension en ayant bosser dur et plus longtemps.
      PS : "Tu transpire l’antigégétisme et son odeur m’indispose"
      "ce qui te ridiculise un peu plus et qui démontre que "l’objectivité" n’est pas ta qualité premiére."
      Cher Georges du 64, tes réflexions ci- dessus me montrent que je n’ai pas dû me tromper de beaucoup, hélas.
      Alain

    • "Attaque gratuite et inutile"
      Pas une attaque mais un simple constat.
      Ecorché vif, Copas ?
      "Je suis pour une refondation du syndicalisme en France qui démarre en se construisant sur des structures unitaires à la base, plus démocratiques que l’existant. De telle façon que des accords, explicites ou implicites , ne puissent se faire hors de la vigilance des travailleurs." Ouais, ben pour le moment on fait avec ce qu’on a, pas facile des fois.
      Il est évident, pour moi, que la pratique démocratique demande du temps qui ne nous est pas donné, pour l’instant. Ce temps est-il demandé ?
      "Je ne ferai pas, non plus, peser sur toi le soupçon de trahisons ou de couvertures honteuses de trahisons." Tout de suite les grands mots.
      Allez salut, je viens d’aller voir un concert de Raoul Petite, enfin de l’énergie pure.
      Alain

  • L’article est bien documenté...et on comprend mieux.Mais qui est l’ateur de ce livre "La CFDT ou la volonté de signer" ? La Confédération CFDT ? étonnant