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Philippe Val prend-il du service à la Maison Blanche ?

Publie le dimanche 14 mai 2006 par Open-Publishing
8 commentaires

de Elie Carasso

J’écoutais France Inter en ce soir de lundi 8 mai entre 18h30 et 19h, et voilà que Philippe Val , de Charlie Hebdo, faut-il le préciser, prend le micro pour sa chronique "Poil à gratter", et entreprend de nous parler de la nationalisation du gaz décidée par le président Evo Morales en Bolivie.

En quelques minutes, l’auditeur a eu droit à un consternant ramassis de clichés, tout droit issus des milieux financiers mondiaux qui blanchissent leur argent via les chambres de compensation de Clearstream !

Qu’on en juge : Pour Philippe Val, ce n’est pas Evo Morales qui a décidé cette affreuse nationalisation. Il a été cornaqué et mis sous influence, en petit garçon qu’il est, par les chefs du gang Hugo Chavez et Fidel Castro. Ces sinistres comploteurs , au moment même où les peuples d’Amérique latine se mettent à voter à gauche, du Brésil au Chili, de l’Argentine à l’Uruguay, n’ont d’autre but que de détruire la démocratie qu’ils détestent pour déstabiliser tous ces gouvernements de gauche naissants en leur retirant l’accès au gaz (Bolivie) et au pétrole (Vénézuela). La nationalisation du gaz est donc durement condamnée par Philippe Val au nom du soutien... aux gouvernements de gauche, espérance de l’Amérique du Sud !

Que le rédacteur en chef de Charlie Hebdo ait l’indécence non seulement de proférer des contre-vérités consternantes, mais de reprendre sans pudeur la pièce essentielle de l’argumentaire de Condoleeza Rice, qu’elle assène depuis des mois au nom de l’équipe Bush, ne gêne pas le moins du monde notre faux homme de gauche. Revenons donc sur les faits occultés ou dénaturés par Philippe Val.

1. Evo Morales a été élu président de la Bolivie au terme d’une intense et longue lutte des couches populaires, dont 60% vivent en deçà du seuil officiel de pauvreté absolue. Il l’a été par 55% des voix , dès le premier tour de scrutin. Ce triomphe a rendu impossible toute manoeuvre parlementaire des représentants des oligarques et des actionnaires des sociétés multinationales s’accaparant pour leurs seuls profits les richesses du sous-sol bolivien. Ce président a donc été élu dans des conditions démocratiques que bien des présidents européens pourraient lui envier...

2. Le programme d’Evo Morales comprenait deux points fondamentaux sur lesquels il a développé toute sa campagne électorale :

A. La nationalisation du gaz, afin qu’une part des richesses revienne au peuple bolivien par le biais de la redistribution d’Etat afin d’aider l’agriculture indigène, de développer une économie locale, de relever le niveau de vie, de construire une école et un accès au savoir qui n’étaient réservés qu’à une infime minorité de riches. L’analphabétisme atteint des sommets avec le cynisme des parasites du libéralisme ne s’intéressant qu’aux seuls dividendes des actionnaires mondiaux.

B. La préparation et la convocation d’une Assemblée constituante pour jeter les bases d’un nouvel Etat fondé sur la souveraineté du peuple. Rappelons que les Américains et les oligarques locaux ont fomenté des dizaines de coups d’Etat militaires dans ce pays tenu en servitude.

En nationalisant le sous-sol riche en gaz , Evo Morales respecte donc le programme pour lequel il a été élu, n’en déplaise à Philippe Val qui se fait le défenseur des intérêts des actionnaires mondiaux. Nul besoin de diaboliser Chavez, dont l’ancien président socialiste du Chili, Ricardo Lagos, a pris la défense dans un article de l’Herald Telegrafo. Nul besoin d’aller chercher Castro.

3. L’opposition que Val tente de dresser entre de "bons socialistes" et de "mauvais dictateurs" occulte l’enjeu de fond : les Etats-Unis veulent imposer à tous les pays d’Amérique latine un traité de libre-échange dit ALCA par lequel ils entendent déverser les produits de leurs multinationales sur tout le sud de l’Amérique et conquérir tous les marchés. Il s’agit pour eux d’écraser tout effort pour sortir de l’hégémonie US.

4.Leurs opposants au contraire veulent bâtir une alliance économique, financière et industrielle régionale dite ALBA. Hugo Chavez s’appuie sur Castro dont le pays est soumis depuis plus de 45 ans à un blocus de fer de la part des Etats Unis, ce qui a rendu exsangue l’économie cubaine privée du secours de l’URSS depuis bien longtemps, et a étranglé le développement de Cuba.

Que Cuba cherche enfin à desserrer l’étreinte mortelle de l’impérialisme US est parfaitement légitime. Que Chavez, dont la Maison Blanche a fait une cible à éliminer à tout prix (cf. les déclarations de l’entourage de Bush et de MmeRice) s’appuie sur Castro qui lui envoie 15 000 médecins pour soigner les démunis et des enseignants pour impulser une grande campagne d’alphabétisation est non moins légitime ! Chavez et Castro voient en Evo Morales un allié dans la lutte contre l’hégémonie US contre l’ALCA, et c’ est tout aussi juste. Ou l’on signe des accords de libre-échange avec Washington, comme la Colombie et le Pérou, et c’est le maintien de l’emprise de l’oligarchie ultra-libérale sur des peuples voués à la misère, ou l’on défend la perspective de l’ALBA avec Chavez, Morales et Castro.

Philippe Val tait honteusement ces exigences stratégiques. Il épouse la thèse de la Maison Blanche sans le dire.

5. Voyons les " bons socialistes" selon Val, expert ...

A. Kirchner en Argentine n’est pas un socialiste mais un péroniste. Il appartient au parti qui descend de la dictature de Peron et de sa femme Evita, qui ont reçu des milliers de tueurs nazis dont ils étaient les admirateurs. Clientélisme et corruption sont les deux mamelles du péronisme. Kirchner n’a rien changé au fonctionnement ultra-libéral de l’Argentine qui a conduit le pays à la banqueroute et à la ruine. Il paie, comme Lula au Brésil, toutes les dettes exorbitantes dont le règlement est exigé par le FMI. Je ne vois là aucune trace de remise en cause de l’oligarchie mondiale !

Ses deux éléments positifs sont la reprise des poursuites judiciaires contre les bourreaux de la dictature, et l’éviction de Vivendi du marché de l’approvisionnement en eau en Argentine. Ces résultats sont trop modestes en regard du service de la dette, et ne suffisent certainement pas à l’assimiler à un socialiste.

Philippe Val cache l’existence du péronisme à ses auditeurs et distribue des lauriers socialistes à n’importe qui. Il est vrai que, pour un Philippe Val, Tony Blair, de triste mémoire et sur la voie de la ruine finale, Tony Blair doit être un " bon socialiste" ...

6. Lula ! Les scandales de corruption du gouvernement de Lula défraient la chronique du Brésil depuis des années, et le camouflet est cinglant pour des électeurs qui espéraient de ce parti une sortie de la misère noire et des clans mafieux. Tout l’entourage de Lula est compromis, et ses principaux ministres et compagnons de route ont dû démissionner pour avoir acheté les votes de partis de droite au Parlement ! Lula paie le service de la dette et se met à genoux devant le FMI . Enfin, G. W. Bush essaie de s’appuyer sur lui, si docile, pour trouver un pôle d’opposition à la menace révolutionnaire de l’ALBA. Les résultats de Lula sont très loin de son programme et des scissions se font jour dans son parti gangrené.

Philippe Val n’a pas un mot sur ces sordides réalités. Il gagne de l’argent en France en se gaussant de la droite réac de l’UMP, mais il couvre d’un manteau de silence les turpitudes du régime brésilien !

7. Bachelet... Fille d’un géneral abattu par les sbires de Pinochet, sa bonne volonté n’est pas en doute. Mais elle est à la tête d’une coalition droite (démocrates-chrétiens)/ gauche et son étiquette socialiste ne peut recouvrir que des sentiments.L’armée chilienne reste toute-puissante et surarmée par les USA et , surtout, le système économique est le pire qui puisse être : celui des Chicago Boys de Milton Friedmann, qui a creusé des inégalités terribles, parmi les plus fortes de toute l’Amérique latine. Bachelet n’a pas mis à son programme, et pour cause, la réorientation de la politique économique, intouchable. Elle se borne à déclarer qu’il y a des sujets de consensus possibles entre tous les partis:l’extension des crèches et l’aide aux femmes qui veulent travailler. Voire. Elle n’a aucune majorité pour faire même du social-libéralisme. Même sa mère lui a dit, avant qu’elle ne se présente : " Tu ne pourras rien ". Il n’y a pas de gouvernement socialiste au Chili.

Passer sous silence tous ces faits, développer à la place la propagande de la Maison Blanche, de la part de Philippe Val, je n’attendais pas si peu d’honnêteté... Les gauchistes ricaneront à juste titre, car il y a un moment qu’ils dénoncent avec virulence cet " imposteur". Pour ma part, j’en étais à une bonne opinion du combat mené par Charlie Hebdo pour la liberté d’expression, et je n’aurais pas soupçonné, sans cette émission de radio, la désinformation américaine dont Philippe Val semble s’être fait un agent. Je ne passe pas ma vie à l’écouter. Puisque je l’ai pris en flagrant délit, je crois qu’il est bon de rétablir les éléments de la vérité auprès des internautes.

8. Un point ultime et terriblement pernicieux : Philippe Val accrédite la thèse selon laquelle l’ère des interventions militaires directes des USA en Amérique latine est définitivement révolue, il l’a dit expressément pendant ses quelques minutes de propagande, et c’est faux. Aujourd’hui, les USA sont retenus par le guêpier irakien qui leur coûte une fortune, vaut des records d’impopularité à Bush et Rumsfeld, vire à la catastrophe totale au PO ; voilà ce qui les retient d’engager une intervention militaire en Amérique du Sud, et rien d’autre ! Aujourd’hui et depuis de nombreux jours, ils se livrent à de formidables manoeuvres militaires d’intimidation en zone caraibe avec 6500 hommes de troupe, des dizaines d’avions F16, des sous-marins, des porte-avions. Ils ont fait escale à 15 miles des côtes du Vénézuela ! Philippe Val le tait ! (cf. risal.collectifs.fr)

Aujourd’hui encore, des centaines d’hommes des services commandos restaurent un aéroport à 250 kms de la frontière de la Bolivie proche de la zone du gaz de Santa Cruz, capable de recevoir des avions militaires gros porteurs : à quoi donc serviraient ces grands travaux en territoire paraguayen si G. W. Bush n’envisageait pas une action militaire directe en Bolivie ? On peut organiser la sécession de la province gazière de Santa Cruz et " voler à son secours"... ( cf. Le Monde diplomatique et Risal)

Le coup n’a t-il pas déjà été fait au Congo ex-belge dans les années 1960 avec la sécession du Katanga si riche en minerais ? Lumumba, qui voulait que le Congo reprenne le contrôle de ses richesses, a fini par être assassiné, et le sécessionniste Tschumbé a tenu longtemps en défenseur des intérêts de l’oligarchie. Ce coup, les USA, le feront, ou chercheront à le faire, partout où leur empire est remis en cause. En voulant endormir les consciences face à la menace militaire américaine, Philippe Val se montre sous son plus mauvais jour : il semble travailler à l’accomplissement des plans de la Maison Blanche.

Quant à la dictature castriste : le blocus US en est le plus lourd responsable ! Cela ne signifie pas qu’il faille fermer les yeux sur les graves atteintes aux droits de l’homme à Cuba, mais je partage le point de vue d’Eduardo Galeano : le régime dictatorial, s’il doit être condamné fermement, est d’abord le résultat de la terrible guerre du blocus américaine. Levez le blocus et le peuple cubain choisira son chemin. Ne disons rien sur le fait que les massacreurs d’Irak et les bourreaux d’Abou Grhaib n’ont de leçon de démocratie à donner à personne....

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=9519

Messages

  • Il y a encore une vingtaine de % de buses aux USA pour soutenir Bush, dans un monde qui deteste généralement le gouvernement Buh et les Américains (ce qui est injuste pour les Américains d’être assimilés à leurs maîtres débiles)....

    Encore un effort et il n’y aura plus que Valle et Bush pour être bushistes.... Et encore c’est pas joué pour Bush....

    Il n’a pas honte.....

    Copas

  • Encore lui !!!!!! Je vais finir par croire que Bellaciao est un site de propagande de la "pensée" Valienne. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ait droit à une exégèse de de la dernière ineptie du pitre de Turbigo.

    Valère

  • IL NE VAUT PAS CET EXCES D’HONNEUR !

    ... qu’on lui fait en le citant.

    Mais par contre l’article qui évalue la situation en Amérique du Sud est intéressant pour ce qu’il nous livre là.

    Quant à la situation du Chili, particulièrement, il est intéressant de montrer ce qu’a de "socialiste" l’accession de Madame BACHELET à la Présidence. On voit qu’à part quelques mesures de réajustement par rapport au statut de la femme (et c’est tant mieux), il n’y a qu’aménagement social-libéral, au grand maximum. Et on comprend ce qu’a d’inquiétant cette 2° référence internationale de Madame ROYAL (après celle au Blairisme !).

    Pour nous qui gardons le Chili au coeur, après l’assassinat d’Allende et le coup d’Etat félon, il faut réfléchir à ce que signifie aujourd’hui l’accession de Mme BACHELET.
    Est-ce un début de quelque chose de nouveau ?
    Est-ce le début de la fin d’un état de fait qui commence à dater ?
    Faut-il être optimiste pour l’avenir ?

    NOSE DE CHAMPAGNE

    • De toute façon Philippe val parle pour ne rien dire, l’essentiel pour lui c’ est que l’on retienne ce qu’il a dit et peu importe les conneries. Phillipe Val n’est visiblement pas bien informé et n’a pas suivi ce qui c’est passé depuis l’an 2000 en Bolivie.

      On peut être critique vis à vis de Morales notemment dans la façon dont il a mené sa campagne électorale (récupération des mouvements plus radicaux) mais surement pas avec la nationalisation qui est la seule alternative aux pillages des multinationales.

      Pour ce sacré Val et pour tous ceux qui veulent s’informer sans avoir le sentiment d’être aveuglé par un culte de la personalité du presidente Morales je leur conseil El Juguete rabioso un journal indépendant bolivien ou Erbol un site internet fait par des journalistes indépendants. Il faut hair le capitalisme et soutenir Morales mais aussi faire attention à ce qu’il soit bien sincère, il faut garder son esprit critique. Viva la revolucion ! Jallalla Bolivia !
      Scarhua

    • critiquer val, très bien, mais diffamer le péronisme, c’est lamentable (et je passe sur le couplet bien-pensant sur la supposée "dictature" castriste.

    • mais diffamer le péronisme, c’est lamentable

      Dire que Peron a hebergé quelques centaines ou quelques milliers de nazis apres guerre n’est pas de la diffamation , c’est la triste réalité , mais ne connaissant pas assez les autres aspects du peronisme , je limite mon intervention à ce point particulier .

      claude de Toulouse .