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Quand les Verts "s’opposent" à Minatec

Publie le mardi 30 mai 2006 par Open-Publishing
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Quand les Verts "s’opposent" à Minatec

"Et les écologistes grenoblois, que font-ils contre les nanotechnologies ?" En Ardèche, dans le Tarn, la Drôme ou
l’Ariège, la question nous a maintes fois été posée lors de débats organisés dans le cadre de la campagne contre
l’inauguration de Minatec. Question légitime vu de loin.

Dans la cuvette, elle ne se pose jamais. Non seulement le
silence assourdissant des Verts, de l’Ades et de leurs élus est une réponse, mais chacun sait combien les écotechs se
sont dépensés, depuis des années, pour justifier les nécrotechnologies et étouffer la contestation des simples citoyens.

Rappel à destination des distraits.

"Nous attendons depuis plusieurs années que le choix du
développement massif des nanosciences fasse l’objet d’un
véritable débat à l’échelle locale, européenne et mondiale.
Une fois de plus, les choix qui engagent l’avenir de nos
sociétés ont été le fait de quelques-uns. Il y a pourtant eu
des alertes répétées de la part des élus écologistes et des
militants Verts mais nous n’avons pas été entendus.
Aujourd’hui, nous continuons à nous interroger sur le
développement rapide, dévoreur de finances publiques et
surtout non débattu, des nanosciences."

Ainsi débute le tract des Verts Isère diffusé en cette fin
mai pour annoncer un débat public sur les
nanotechnologies le 1er juin au soir. Alors que la
contestation "monte en puissance", dixit le Daubé, à la
veille de l’inauguration de Minatec, et que l’Opposition
grenobloise aux nécrotechnologies attend des manifestants
de toute la France ce même 1er juin, les Verts sortent du
bois pour occuper le terrain. Ce réveil in extremis ne
suffira certes pas à rassurer nos hôtes d’Ardèche ou du
Tarn, mais on sait la capacité de la com’ à réécrire
l’histoire. Le jeu en vaut la chandelle : il s’agit de faire
oublier compromissions et lâchetés accumulées depuis des
années. Les Verts, parti organisé, dont les élus siègent
dans des assemblées décisionnaires (mairie, Métro,
département, région), ont un accès privilégié à
l’information, disposent de budgets, se réunissent en
universités d’été, etc, attendent un "véritable débat". Les
simples citoyens, eux, n’ont attendu ni le techno-gratin ni
les écotechs pour lancer la controverse et alerter l’opinion.

Sans organisation ni moyens, ils ont enquêté depuis quatre
ans dans la cuvette grenobloise, et organisé une
cinquantaine de réunions dans toute la France depuis cinq
mois. On comprend la honte des militants écologistes de
base, le ressentiment et les mensonges de leurs leaders.
Quelles sont ces "alertes répétées de la part des élus
écologistes et des militants Verts" ?

Le 9 juillet 2001 a lieu le premier vote de soutien de la
mairie de Grenoble au projet Minatec. Sur les 11 élus
Ades/Verts/Alternatifs de la majorité plurielle, quatre
s’abstiennent, un ne prend pas part au vote, les six autres
votent pour. L’alerte est donnée.

En septembre de la même année, les mêmes, comptant
sans doute sur la distraction de leurs électeurs, votent à
l’unanimité avec le reste du conseil municipal la création
de la ZAC (Zone d’aménagement concerté) Minatec.

Pierre Kermen, adjoint Vert à l’urbanisme : "Ce pôle doit
permettre de favoriser en un même lieu les échanges entre
l’enseignement, la recherche appliquée et le
développement des applications industrielles afin
d’assurer le partage et la complémentarité des
compétences et des moyens du CEA-Léti et de l’INPG (...)
Sur le plan de l’aménagement urbain cette opération
permettra de poursuivre l’aménagement d’un quartier
charnière entre Europole, Berriat et la presqu’île
scientifique."1

Détail piquant : les écotechs accordent par leur vote
l’exonération de la taxe locale d’équipement pour les
constructeurs de Minatec.

Trois mois plus tard, les mêmes élus grenoblois
s’abstiennent unanimement, lors du vote autorisant la Ville
à signer la convention-cadre du pôle d’innovation Minatec.
Pierre Kermen, à nouveau :

"Mes chers collègues,

Les nanotechnologies et leur développement sont
probablement dans la suite normale des recherches
scientifiques du site grenoblois. De ce point de vue, le
partenariat entre la formation, la recherche et la
valorisation va dans ce sens. En même temps, il est vrai
que ce projet est porté par le CEA, la dénucléarisation du
site de Grenoble est donc une évolution souhaitable et
nous la soutenons.

Cela dit, nous ne pouvons pas porter le même regard sur
le soutien financier des collectivités locales et en
particulier celui de la Ville de Grenoble. En effet, tout est
scientifique dans ce projet, sauf l’évaluation financière.
(...) Nous ne nous interrogeons pas sur l’intérêt de ce
projet, mais sur ses modalités de mise en oeuvre par les
collectivités. (...)

Nous nous abstiendrons compte tenu de nos fortes réserves
sur les modalités de financement de l’investissement de la
collectivité pour des engagements que nous jugeons trop
importants."2

Les militants écologistes qui compteraient sur leurs élus
pour les alerter des projets mortifères du techno-gratin sont
rassurés : ce n’est pas l’intérêt du projet Minatec qui est en
cause, mais son mode de financement. Un peu de vigilance
comptable rétablira le bon équilibre du développement
grenoblois. Car les écotechs, comme leurs partenaires PS,
PC et GO de la mairie et de la Métro, sont pour la
croissance. C’est Vincent Comparat, porte-parole de
l’Ades, qui le rappelle quelques mois plus tard :
"Minatec (...) Les recherches effectuées ne sont pas
pilotées par des intérêts militaires (même si elles peuvent
avoir des implications militaires) et ne posent pas à priori
de problèmes d’éthique importants. Elles visent à assurer
à Grenoble une position de leader sur les développements
futurs dans les micro et nanotechnologies.(...)

C’est la poursuite du modèle de développement grenoblois
qui a été une réussite par le passé, et qui avait tendance à
s’essouffler à cause d’une concurrence beaucoup plus forte
d’autres pôles universitaires et de recherche. C’est aussi la
poursuite du modèle qui associe recherche, formation et
transfert vers l’industrie. De ce point de vue les
collectivités, conseil général, Métro et Ville de Grenoble,
se devaient de soutenir fermement cette initiative."3

Manque de chance, trois mois plus tard le CEA et la
Délégation générale à l’armement signaient une
convention ouvrant à l’armée les recherches de Minatec,
confirmant le caractère dual des nécrotechnologies,
maintes fois établi et superbement ignoré par les écotechs.

Attention, nous disent les Verts-Isère organisateurs du
débat du 1er juin : ne nous confondez pas avec les élus
Ades, écoutez notre différence ! Soit, écoutons Catherine
Brette, vice-présidente Verte de la commission recherche
et développement économique du Conseil général de
l’Isère. "Comme se plait à le rappeler Catherine Brette, le
projet Minatec ne doit son existence qu’à la foi de ceux qui
l’ont porté. Au premier rang desquels, Jean Therme. "Il y a
une part de lobbying, de force de conviction des personnes
dans la réussite du projet. Celle-ci s’incarne dans la
personne de Jean Therme qui a su persuader du bien-fondé
de Minatec à travers toute l’Europe" affirme la conseillère
générale. "Certes, le contexte économique n’est pas des
plus favorable, mais d’ici à 2005, le marché repartira et
nous serons à pied d’oeuvre pour embrasser la demande",
extrapole André Vallini. "Même s’il est incertain, vu les
progrès réalisés dans la conception des puces, les
nanotechnologies représentent l’avenir", renchérit
Catherine Brette."4

On voit que les différences entre Verts grenoblois et
isérois sont, elles aussi, nanométriques.

Fin 2004, les opposants occupent une grue du chantier
Minatec, portant la question sur la place publique. Une
occasion pour les écotechs de s’emparer du débat tant
attendu, quitte à reconnaître leur égarement passé.
Olivier Bertrand, conseiller général Vert : "Nous avons
toujours été critiques sur l’opération Minatec, notamment
dans sa capacité à générer des recettes nouvelles pour les
collectivités locales à l’avenir. D’autre part, le débat sur
les nanotechnologies en général n’a jamais eu lieu dans
l’agglomération, qui comprend pourtant une population
tout à fait apte à comprendre ce débat-là. Mais en tant que
parti, nous ne pouvons pas nous positionner aujourd’hui
sur l’action menée."5

Encore raté.Contrairement à leur propagande, les écotechs n’ont jamais
été critiques sur les nécrotechnologies. Toute l’étendue de
leurs réserves se borne à regretter le manque de recettes
pour les collectivités. Assurez-leur des rentrées d’argent,
ils signent de bon coeur. Comme leurs alliés socialistes, ils
sont prêts à sacrifier la cuvette et la vie de ses habitants au
développement et à l’emploi, ainsi qu’en témoigne leur
communiqué commun avec les élus Verts de Rennes pour
s’associer “aux manifestations des salariés de Rennes pour
le maintien de l’activité et de l’emploi ”6 quand STMicro
menace de délocaliser en 2003.

Depuis 2004 nul ne peut ignorer que la contestation des
nanotechnologies est portée par de simples citoyens,
contre les écotechs. Rappelons que ceux-ci ont voté sans
sourciller les 100 000 € débloqués par la Métro pour
organiser en juin 2005 le talk show "Sciences et
démocratie" destiné à nous faire avaler les
nécrotechnologies. Verts de rage d’avoir été démasqués, ils
tentent désormais de justifier leur participation au désastre.

Comme le disent sans honte Pierre Kermen et Raymond
Avrillier, élus Ades à la Ville et à la Métro : "S’il y a eu une
réorientation du budget vers plus de solidarité, d’écologie,
c’est grâce à nous"7.

Raymond Avrillier a raison d’affirmer : "Nous sommes la
majorité municipale"8.

L’Ades peut prendre à son compte le succès de la technopole grenobloise et la durabilité de son développement. N’a-t-elle pas fait de son mieux pour
rendre plus acceptable la Silicon Valley française à coups
de recours administratifs ? "Rester (NDR : au conseil
municipal de Grenoble) c’était faire en sorte que cette ville
demeure plus vivable"9, se félicite Christine Garnier, élue
Ades. Par exemple en imposant une construction Haute
Qualité Environnementale du bâtiment Minatec - un
pansement en coton bio sur une jambe de bois.
Inutile d’attendre mieux de ces écologistes-là. Enchaînés
par leurs accords avec la gauche plurielle, ils ne peuvent
contester le projet-phare de Destot et de Vallini. Tout juste
chipoteront-ils les crédits publics accordés aux boîtes
privées. Issus eux aussi des labos - nombre d’entre eux
sont ingénieurs ou chercheurs - les écotechs partagent la
culture grenobloise qui répond toujours à la question
"comment ?" et jamais à la question "pourquoi ?". Migaud
peut sans inquiétude leur assurer : "nous avons tant de
choses à faire ensemble."10

Comme leurs alter ego de la majorité, ils ne connaissent
d’autres réponses que techniques aux problèmes politiques.
Les nanoparticules constituent un risque sanitaire et
environnemental ? Exigeons "des systèmes de contrôles
indépendants". Les libertés individuelles sont menacées ?

Instaurons un "strict contrôle de la mise sur le marché
organisé". La population est exclue des choix technoindustriels
imposés par les décideurs ? Réclamons un
"forum financé par les collectivités et les organismes de
recherche"11.

Bref, évitons les rapports de force politiques
et l’exigence vis-à-vis des élus, mettons en place des
dispositifs d’acceptabilité et des écrans de fumée entre
citoyens et élus.

Dans un ultime communiqué de presse daté du 30 mai, les
Verts-Isère enfoncent le clou : "Les Verts ne s’opposent
pas aux recherches dans le domaine du tout petit, ils
demandent que ces recherches soient encadrées et
contrôlées par des commissions d’éthique qui elles-mêmes
animent des conférences citoyennes."

Le lecteur attentif découvrira avec hilarité dans le tract des
Verts-Isère l’art du copier-coller-déformer. Il est plaisant
de découvrir, en mai 2006, l’alerte des écotechs sur des
points soulevés depuis des années par les simples
citoyens : danger des nanobiotechnologies (les Verts n’ont
pas encore intégré la notion de "technologies
convergentes"), menaces sur les libertés, absence de
neutralité de la technologie, etc. N’attendez pas cependant
de retour à l’envoyeur - tout juste est-il fait mention de
"réactions négatives" (tombées du ciel ?) ayant entraîné un
débat tardif. Les écotechs, eux, ne citent pas leurs sources,
et les déforment en évoquant la "peur" et l’"inquiétude"
face aux "dérives éventuelles". Nos lecteurs savent que
nous n’avons pas peur : nous sommes en colère.

Enfin, contester aujourd’hui les nécrotechnologies
donnerait raison aux opposants qui n’ont pas attendu un
"véritable débat" pour exposer leurs griefs. Une blessure
d’orgueil qui trouble les esprits écotechs, au point de leur
faire perdre leurs repères temporels. Gérard Leras,
interrogé par Le Daubé 12,
annonce une manifestation des
Verts contre Minatec le "jeudi 2 juin à 14h".

Soyons précis : la manifestation contre Minatec organisée
par l’Opposition grenobloise aux nécrotechnologies
( http://ogn.ouvaton.org ) aura lieu le jeudi 1er juin à midi,
place Félix Poulat. La rue est à tout le monde et les élus
Verts peuvent toujours la suivre, encore faudrait-il qu’ils
ne réécrivent ni l’histoire ni le calendrier.

Pièces et Main d’OEuvre
Grenoble, 30 mai 2006
Retrouvez ce texte et bien d’autres sur
www.piecesetmaindoeuvre.com

1 Conseil municipal du 17/09/01, archives municipales
2 Délibération 43-D 004 Développement économique,
Conseil municipal du 17 décembre 2001
3 Le Rouge et le Vert n°84 fév/mars 2002
4 "Grenoble : La communauté des nanos", 28/11/02, par
Clément Moulet, libris.grenet.fr/journalpes/
5 Le Daubé 14/12/04
6 Communiqué du 27/08/03
7 Le Daubé 22/01/05
8 Le Daubé 7/03/05
9 Le Daubé 22/01/05
10 Journal télé local, février 2004
11 Extraits du tract des Verts Isère, mai 2006

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