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LA CRIIRAD ACCUSE !

Publie le jeudi 1er juin 2006 par Open-Publishing

Communiqué CRIIRAD - Mercredi 31 mai 2006

Dossier TCHERNOBYL

http://www.criirad.org

Le professeur Pellerin doit enfin s’expliquer devant la Justice !

Un cadeau d’anniversaire rêvé pour la CRIIRAD qui fête ce mois-ci ses 20 ans

et qui demande depuis 1986 la sanction des fautes commises par l’État français

dans la gestion des retombées de Tchernobyl.

Liste des principales accusations

portées par la CRIIRAD

(voir le détail dans le communiqué complet présenté in fine)

Rappel : Pierre Pellerin a joué un rôle déterminant dans la gestion de la crise de Tchernobyl en 1986. En tant que directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, il avait en effet la charge de la surveillance radiologique du territoire et il devait alerter le ministre de la Santé en cas de problème nécessitant des mesures de protection.

La CRIIRAD accuse M. Pierre Pellerin, directeur du SCPRI,

1. d’avoir diffusé des affirmations absurdes et surtout irresponsables sur l’ampleur réelle de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl et d’avoir mis ainsi en danger la santé des habitants de l’ex URSS et de pays très touchés comme la Pologne, en se prononçant contre la distribution d’iode stable, ainsi que la santé des Français qu’il a alors encouragés à se rendre dans les pays contaminés.

2. d’avoir été incapable de rendre compte de la réalité de la contamination et de son évolution et d’avoir publié délibérément des chiffres totalement faux sur l’intensité des dépôts radioactifs : la sous-évaluation a atteint un facteur 1 000 !!!

3. d’avoir triché de façon éhontée sur l’appréciation de la contamination afin de faire croire à un événement complètement insignifiant ne nécessitant aucune mesure de protection, y compris dans les régions les plus contaminées, y compris pour les femmes enceintes et les enfants.

4. d’avoir tout fait pour empêcher la mise en œuvre de mesures de protection contre la contamination des produits alimentaires (ceux produits en France et en Europe, comme ceux provenant des pays de l’Est), n’hésitant pas à violer, ce faisant, des textes d’application pourtant obligatoire.

5. d’avoir menti sur les normes de radioprotection, de les avoir utilisées de façon incorrecte et d’avoir été incapable d’assurer la protection des groupes à risque ainsi qu’il en avait l’obligation.

6. d’avoir en particulier privé les enfants de la protection qui leur était due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu’à son départ en 1994, grâce à la falsification du décret fondamental de radioprotection.

Toutes ces accusations ont été détaillées et transmises, preuves à l’appui, à la Justice.

L’action de la Justice

La CRIIRAD fait totalement confiance à Mme Bertella-Geffroy, magistrate en charge de l’instruction de la plainte contre X déposée le 1er mars 2001, conjointement avec l’AFMT (association française des malades de la thyroïde). Elle a pu mesurer sa détermination malgré l’importance des pressions qui se sont exercées au plus haut niveau.

La CRIIRAD est bien sûr consciente que la Justice ne pourra sanctionner qu’une petite partie des fautes commises du fait des contraintes de l’action juridique (liées notamment aux délais de prescription, aux chefs d’inculpation, à la charge de la preuve en matière de dommages sanitaires, etc).

Toutefois la Justice est la seule institution qui ait eu le courage, à ce jour, de se saisir du dossier Tchernobyl. C’est pourquoi, le simple fait que le Professeur Pellerin ait été convoqué, qu’on lui demande de rendre compte de ses actes et que sa mise en examen soit envisagée, constitue une étape d’une extrême importance, un acte fort attendu depuis très longtemps par la population française, et tout particulièrement par les personnes dont la pathologie est susceptible d’avoir été induite par l’incurie des responsables de 1986.

Le silence des politiques

Du côté des pouvoirs publics, des responsables de la radioprotection (DGSNR, ASN) comme de l’élite scientifique, les 20 dernières années sont marquées par, au mieux, la lâcheté, au pire, la complicité active.

La CRIIRAD n’a pas pour autant l’intention d’abandonner le terrain.

Elle demande aujourd’hui au Gouvernement de démettre M. André-Claude LACOSTE, directeur de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR dite aussi Autorité de Sûreté Nucléaire) de tout pouvoir de décision en matière de radioprotection.

Étant donné que ce haut responsable considère, et a déclaré publiquement, que la crise de mai 1986 a été gérée avec sérieux et qu’aucune mesure de protection n’était justifiée, il est choquant et dangereux qu’il puisse décider des mesures à prendre (ou à ne pas prendre !) si la population française était à nouveau exposée à une contamination.

PS : un communiqué commun AFMT & CRIIRAD sera publié dès que sera connue la décision de Mme Bertella-Geffroy sur la mise en examen éventuelle de M. Pierre Pellerin.

Communiqué CRIIRAD complet

Rappels sur le rôle et l’importance

du professeur Pierre PELLERIN, directeur du SCPRI

En 1986, Pierre Pellerin était directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI). L’une des principales missions de ce service était de pratiquer toutes les mesures permettant de déterminer le taux de radioactivité dans tous les milieux où sa présence pouvait présenter un risque pour la santé des populations et d’alerter le cas échéant le ministre de la Santé afin que soient prises les mesures de protection nécessaires..

C’est vers lui que se sont tournés tous les responsables, autorités sanitaires, Préfets, directeurs de DDASS, médecins afin de savoir si la situation nécessitait, ou non, de mettre en oeuvre des mesures de protection. On peut apprécier l’importance que les décideurs lui accordaient à l’époque à travers le courrier que le Préfet de Haute-Corse adressait en 1986 au président de l’Assemblée territoriale : "Seul le SCPRI est en mesure d’analyser les prélèvements réalisés et surtout d’en interpréter correctement les résultats (...) La complexité du sujet ainsi que la multitude des données à recueillir ne permettraient à quiconque d’autre que le SCPRI de donner des indications valables sur l’intensité du phénomène et les mesures à prendre (ou à ne pas prendre)."

Liste des principales accusations portées par la CRIIRAD

à l’encontre du directeur du SCPRI, Pierre PELLERIN

1. Nous accusons M. Pellerin, directeur du SCPRI d’avoir diffusé des affirmations absurdes et irresponsables sur l’ampleur réelle de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl et d’avoir mis ainsi en danger la santé des citoyens de l’ex URSS, des pays de l’Est et de la France.

Nous accusons en particulier le professeur Pellerin

· d’avoir affirmé dès le 29 avril et alors qu’il ne disposait d’aucune information : "En ce qui concerne les populations, il y a certes un problème d’hygiène publique, mais pas de réel danger, et certainement pas plus loin que 10 à 20 km au nord de la centrale",

· d’avoir conseillé, dès le 2 mai, le maintien des voyages touristiques en URSS, en indiquant que : "les inquiétudes concernant le tourisme ou les missions en URSS et dans les pays de l’Est sont sans fondement sanitaire. Les autorités soviétiques ont, dès l’origine, bien entendu, consigné toutes les zones où de telles situations auraient pu ou pourraient encore se présenter". Or, à cette date, personne ne savait comment la situation allait évoluer, les rejets radioactifs massifs se sont poursuivis 10 jours durant, du 26 avril au 5 mai, les masses d’air contaminé se dispersant de façon imprévisible, au grès des conditions météorologiques. Les soviétiques ne considèreront la situation maîtrisée qu’à la fin du mois de mai. Rappelons par ailleurs que les premières cartes de contamination ne seront disponibles qu’en 1989 et que des zones très contaminées, situées à plusieurs centaines de kilomètres de Tchernobyl seront alors évacuées.

· d’avoir déconseillé l’utilisation d’iode stable (permettant d’éviter la fixation de l’iode radioactif sur la thyroïde) dans les pays de l’ex URSS et des pays comme la Pologne en affirmant que cette mesure n’était pas justifiée hormis à quelques dizaines de kilomètres de la centrale. Aujourd’hui plus de 4 000 personnes qui étaient enfants en 1986 sont atteintes de cancers de la thyroïde provoqués par Tchernobyl et le bilan attendu à terme est d’au moins 50 000 cas (et ce pour la seule cohorte des enfants !).

2. Nous accusons M. Pellerin d’avoir été incapable de rendre compte de la réalité de la contamination et de son évolution et d’avoir publié délibérément des chiffres totalement faux sur l’intensité des dépôts radioactifs : sous-évaluation d’un facteur 1000 !

Nous l’accusons en particulier :

· de n’avoir pas su mettre en place une méthodologie adaptée à la crise, un dispositif de surveillance ciblé sur les secteurs et les produits à risque, d’avoir publié des résultats incohérents, incomplets et tardifs. Il est difficile de savoir ce qui relève de l’incompétence du laxisme ou de la volonté délibérée de minorer les chiffres.

· d’avoir privilégié le contrôle des secteurs faiblement contaminés alors que les régions les plus touchées par la contamination sont restées sans surveillance ou avec une surveillance tout à fait insuffisante (aucun prélèvement de végétaux même pas des légumes critiques types salades et épinards sur la région Corse pendant tout le mois de mai 1986 ! ; aucun prélèvement de lait ni en Corse, ni en région Provence Côte d’Azur les plus précocement touchées (dès le 29 avril) pendant toute la première semaine de mai ! ; le suivi de la contamination des thyroïdes de bovins, un indicateur clef de la contamination a concerné presque exclusivement la moitié ouest de la France : rien en Corse, rien dans les départements situés à l’est du Rhône, rien dans le Jura, rien en Alsace !).

· d’avoir, en particulier, publié tout au long du mois de mai 1986 des bilans de contamination des sols tellement minorés qu’ils en devenaient ineptes. Les bilans établis aux 7, 15 et 23 mai donnent des niveaux de contamination de 100 fois (régions de l’ouest) à 1 000 fois (régions de l’est) inférieurs à la réalité. Des écarts d’un facteur 2 à 3 sont compréhensibles en période de crise mais pas des facteurs 100 ou 1 000 qui font toute la différence entre une contamination anodine et une contamination préoccupante.

· d’avoir sciemment ignoré les retombées radioactives associées à la pluviosité alors que ses propres études, conduites dans les années 70-80, lui avaient enseignaient que la pluie joue un rôle déterminant dans la contamination, pouvant multiplier par 10 ou plus l’intensité des dépôts.

· de ne s’être pas donné les moyens de contrôler dans les délais les plus brefs et de la façon la plus précise et exhaustive la contamination de l’air : mesures généralement trop tardives, trop globales (pas d’identification des radionucléides), n’incluant qu’un faible pourcentage de la contamination en halogènes faute de dispositifs de piégeage des isotopes gazeux de l’iode qui constituaient pourtant plus de 80% du total.

· D’avoir publié, sous sa propre en-tête, une carte météorologique complètement fausse montrant la France presque entièrement protégée par un anticyclone le 1er mai 86 alors qu’elle était au contraire totalement recouverte par le panache radioactif avec des activités aussi élevées à Bordeaux que dans l’Est de la France.

3. Nous accusons le professeur Pellerin d’avoir triché de façon éhontée sur l’appréciation de la contamination afin de faire croire à un événement complètement insignifiant ne nécessitant aucune mesure de protection.

Nous l’accusons notamment :

· d’avoir menti sur l’impact de la contamination provoquée par le passage du nuage de Tchernobyl en affirmant, dans un communiqué spécial explicatif intensément diffusé à partir du 2 mai aux autorités sanitaires, aux Préfets, aux DDASS, aux médecins, aux pharmaciens, aux journalistes et au public :

"L’élévation relative de la radioactivité relevée sur le territoire français à fa suite de cet incident est très largement inférieure aux limites recommandées par la CIPR et aux limites réglementaires françaises, elles-mêmes fixées avec des marges de sécurité considérables. Il faudrait imaginer des élévations dix mille ou cent mille fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d’hygiène publique. "

Ce communique a joué un rôle décisif dans l’absence de toute mesure de protection et même de la plus élémentaire précaution (inutile, par exemple, de faire consommer aux enfants pendant les quinze premiers jours de mai du lait en poudre à la place du lait frais contaminé),

4. Nous accusons, M. Pellerin, directeur du SCPRI, d’avoir tout fait pour empêcher la mise en œuvre de mesure de protection contre la contamination des produits alimentaires.

Nous l’accusons notamment :

· d’avoir délibérément ignoré les règlements et recommandations édictés par la Commission européenne dans le but de limiter la consommation d’aliments contaminés afin de "sauvegarder la santé des consommateurs" en les qualifiant de limites purement douanières et en invitant chacun à consommer les aliments dont la contamination dépassait pourtant les normes.

· d’avoir ainsi favorisé la consommation de produits d’importation contaminés, en déclarant que "toutes les denrées alimentaires ou produits ci-dessus mentionnés sont sans exception consommables sans restriction" alors que certains des lots contrôlés dépassaient largement les limites imposées par le règlement CEE n°1707/86 du Conseil du 30/5/86.

· d’avoir ainsi favorisé la consommation de produits français et européens dont le taux de radioactivité était supérieur aux seuils de tolérance recommandés dès le 6 mai par la Commission européenne (et repris officiellement par le gouvernement français le 7 mai), alors que ces limites portaient sur des aliments sensibles : le lait et les produits laitiers, les légumes et les fruits.

5. Nous accusons M. Pellerin d’avoir menti sur les normes de radioprotection, de les avoir utilisées de façon incorrecte et d’avoir été incapable d’assurer la protection des groupes à risque ainsi qu’il en avait l’obligation.

6. Nous l’accusons en particulier d’avoir privé les enfants de la protection qui leur était due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu’à son départ en 1994, grâce à la falsification du décret fondamental de radioprotection.

Nous l’accusons notamment :

· de n’avoir pas assuré la protection des groupes à risque, c’est-à-dire de toutes les personnes qui du fait de leur situation géographique, de leur âge, de leur régime alimentaire ou de leur profession, ... risquaient de recevoir des doses de rayonnement très supérieures à celles de la moyenne des français, des doses de rayonnement supérieures aux limites réglementaires, qui nécessitaient des mesures de protection, alors que la radioprotection imposait d’assurer la protection individuelle de chaque Français ;

· d’avoir appliqué délibérément aux enfants les limites annuelles d’incorporation réservées aux adultes alors que pour garantir aux enfants une protection équivalent, il faut fixer des limites jusqu’à 10 fois plus basses pour les enfants). Il porte ainsi une lourde responsabilité dans l’exposition des populations corses et tout spécialement dans les doses de rayonnement encaissées par la thyroïde des enfants et des fœtus.

· d’avoir falsifié le contenu du décret n°88-521 qui transposait en droit français les prescriptions des directives Euratom de 1980 et 1984. En effet, le paragraphe stipulant que les limites d’incorporation devaient être adaptées aux particularités anatomiques et physiologiques des enfants a été supprimé lors de la transposition ! Cet acte délictueux n’a jamais été sanctionné alors qu’il a permis d’exposer les enfants à des niveaux de risque très supérieurs (jusqu’à 10 fois) aux maxima tolérés pour les adultes. Cette altération du texte de base de la radioprotection des populations démontre que l’absence de prise en compte des enfants en 1986 était bel et bien délibérée.