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L’UE sur la piste des 1,3 millions d’euros versés à RSF

Publie le vendredi 23 juin 2006 par Open-Publishing
10 commentaires

de Maxime Vivas

Rappel succinct des faits :

Les subventions de l’Union européenne (UE) à RSF pour les années 2003/2004 se montent à 1 293 303 euros. Ces fonds lui ont été versés, déclare l’ONG, « pour la défense des journalistes emprisonnés en Asie et dans les pays ACP » (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

RSF a adressé le 1er février 2005 une lettre publique comminatoire au Président de l’Europe l’adjurant de l’aider personnellement à créer les conditions de renversement du gouvernement cubain. En effet, RSF prétendait « travailler dès aujourd’hui à une transition démocratique » à Cuba et énonçait des prescriptions précises : "Il nous paraît indispensable que l’UE apporte son soutien aux agences de presse indépendantes, ainsi qu’aux organisations de syndicalistes, de bibliothécaires, médecins, économistes, etc."

Sous couvert de la défense des journalistes dans le monde, RSF mène-t-elle ces actions factieuses avec l’argent de l’Europe ? Si oui, ne s’agit-il pas d’un détournement des fonds pour un usage incompatible avec les règles qui régissent les rapports entre Etats, y compris les rapports entre Cuba et l’Europe, cette dernière n’ayant jamais inscrit dans ses objectifs le renversement d’un gouvernement qui ne représente aucune menace pour elle et avec qui elle entretient des relations diplomatiques normales ? »

Pour le savoir, j’ai déposé, le 3 février 2005, une plainte contre RSF auprès de l’UE en lui demandant de s’assurer du bon usage des subventions.

Le 7 février, j’ai reçu de Mme Rachel DOELL, du secrétariat du Médiateur européen, un courriel m’informant que ma plainte n’est pas du ressort du médiateur.

Le 8 février, je lui ai demandé d’orienter ma plainte vers le service compétent.

Le 11 février, M. Joao SANT’ANNA, chef du département administratif et financier, m’informe que ma plainte est enregistrée sous la référence 0489/2005/DK et qu’elle sera traitée par M. Daniel KOBLENTZ.

Le 9 mars, par courrier postal, M. Nikiforos DIAMANDOUROUS, Médiateur européen, m’indique, qu’après « examen approfondi » de ma plainte, il n’est pas habilité à la traiter et il m’invite à contacter Mme Josiane PAILHES à la commission européenne qui sera en mesure de me fournir « plus d’informations sur l’utilisation par Reporters sans frontières des fonds versés par la Communauté européenne et les règles régissant ce financement communautaire. »

Le 14 mars, je transmets le dossier à Mme PAILHES.

Le 16 septembre, je m’inquiète auprès d’elle de la suite donnée.

Le 17 octobre, je lui rappelle mes courriels des 14 mars et 16 septembre.

Le 20 octobre, je reçois en réponse un courriel de Mme Marjorie FUCHS, juriste au bureau du Médiateur européen Elle semble découvrir l’affaire et me demande (retour à la case départ) de remplir « un formulaire de plainte, disponible à l’adresse suivante : http://www.euro-ombudsman.euro.int/... ». Ce que j’ai fait. Je note que Mme FUCHS est mon sixième interlocuteur depuis le début, que le dossier n’avance pas d’un pouce et je me plains au Médiateur de l’inertie de la Commission européenne.

2 décembre 2005, il m’écrit une lettre pour me dire en substance : « Vous m’avez envoyé une plainte contre la Commission européenne concernant le non traitement de votre plainte du 14 mars 2005. [...] J’ai informé le Président de la Commission européenne de votre plainte en l’invitant à me faire parvenir un avis à son sujet avant le 28 février 2006. Dès que j’aurai reçu cet avis, je vous le transmettrai en vous invitant à soumettre vos observations, si vous le souhaitez, avant un mois.[...] Le dossier sera [alors] examiné par le juriste responsable de cette affaire : Mme Marjorie Fuchs... » Pour finir, le Médiateur m’indique qu’il a transmis les copies de nos correspondances à la Commission européenne.

Le 11 janvier 2006, le Médiateur m’écrit ce qui suit :

« Par courriel du 12 décembre 2005, la Commission européenne m’a informé qu’il était impossible au service en charge de votre plainte d’identifier les subventions auxquelles vous faisiez référence dans votre plainte. La Commission indique dans son courriel que la référence du contrat ou le titre du projet concerné serait particulièrement utiles afin de pouvoir traiter votre plainte [...] ».

Je lui réponds aussitôt que c’est au service payeur (l’UE) ou éventuellement au service encaisseur (RSF) de fournir les références chiffrées et les titres des contrats autorisant ces versements.

Le 29 mars 2006, M. MASSANGIOLI, directeur de la Direction G du Secrétariat général de l’UE, écrit (en anglais), à Ian HARDEN du bureau du Médiateur. Il lui indique que la plainte relative aux subventions « dans le cadre de l’Initiative européenne pour la Démocratie et les Droits fondamentaux » a été portée à la connaissance de M. BARROSO, Président de l’UE (addition : c’est la 9ème personne qui voit passer le dossier). Il ajoute que le plaignant « n’ayant pas précisé le contrat en question » et s’étant « au contraire [...] limité à suggérer que l’ONG en question devait être contactée », il n’est pas possible de répondre à la plainte.

Le 23 mai, ignorant de ce courrier interne, j’envoie un courriel au Médiateur pour lui faire remarquer que la date butoir à laquelle une réponse devait m’être donnée est dépassée.

Le 21 juin, il me répond par courriel avec copie (traduite) de la lettre de M. MASSANGIOLI à Ian HARDEN et il remarque que sa « lettre du 10 mai » (dont j’ignorais l’existence) ne m’est pas parvenue. En effet, dit-il, elle « est revenue de la poste à mon Secrétariat avec la mention « adresse insuffisante, en date du 7 juin 2006 ». Il me laisse jusqu’au 31 juillet pour adresser mes commentaires, faute de quoi, l’affaire sera classée.

Brouillon de commentaires :

 pourquoi l’adresse du courrier que le médiateur m’a adressé le 10 mai est-elle devenue soudain insuffisante alors que, je le vois sur la photocopie de la lettre, elle est parfaitement exacte et identique à celle où il m’a déjà écrit plusieurs fois ?

 Pourquoi, si cette lettre lui a été retournée le 7 juin (je le crois sans avoir vu l’enveloppe) et alors que le délai fixé pour que j’y réponde était le 31 mai, ne m’a-t-il envoyé un courriel que le 21 juin ?

 Pourquoi Ian HARDEN écrit-il que je me suis « limité à suggérer de contacter l’ONG » pour savoir par quel contrat elle a été arrosée. En vérité, j’ai aussi et d’abord proposé à l’UE de regarder dans ses archives.

 Pourquoi l’UE ne retrouve-t-elle pas traces de ces versements ?

 Pourquoi personne ne porte plainte contre cette gabegie ?

 Comment M. MASSANGIOLI sait-il que l’affaire concerne des subventions versées « dans le cadre de l’Initiative européenne pour la Démocratie et les Droits fondamentaux » alors que je n’ai jamais précisé ça ? Où l’a-t-il lu, sinon sur le contrat où sur un document afférent dont je suis dépourvu ? Au cours de nos nombreux échanges depuis 17 mois, pas un seul de ses six collègues de l’UE n’avait fait état de l’intitulé du cadre budgétaire dans lequel entrent les subventions incriminées.

 Si l’UE, ayant retrouvé « le cadre », ne retrouve pas le contrat, si elle ne veut pas demander au bénéficiaire, si elle exige que moi seul le produise, m’autorise-t-elle à faire une perquisition (diurne) dans ses services comptables ?

 Est-ce un hasard si, pendant que l’UE se repassait ma plainte comme une patate chaude en donnant l’impression d’avoir lancé en interne un concours d’idées pour l’étouffer, RSF a reçu le prix européen Sakharov ? Si je demande à voir la décision du jury, me répondra-t-on que je dois d’abord la montrer ?

 Est-ce que l’UE a vraiment négocié avec les USA des dérogations à la loi extraterritoriale US Helms-Burton (qui limite le commerce avec Cuba) en échange de condamnations répétées de Cuba ? Si je demande à voir l’accord, exigera-t-on que j’en fournisse au préalable la copie ?

 Est-ce que Lucie Morillon, la représentante de RSF à Washington, dit vrai quand elle affirme dans une interview que le contrat de RSF avec le Center for a Free Cuba oblige l’ONG, en échange de dollars, à informer les Européens sur « la répression contre des journalistes à Cuba » ? Est-ce que quelqu’un peut demander à RSF de montrer ce contrat ?

 Pourquoi l’UE soumise à un discret arrangement anti-cubain avec les USA fournirait-elle de bon gré un document sur son financement d’une ONG soumise à un discret arrangement anti-cubain avec les USA ?

- Pourquoi tout finit-il par se savoir ?

 l’Europe pensera-t-elle à faire signer sa réponse à mes commentaires par un nouvel interlocuteur afin de parvenir à dix, chiffre rond (c’est mieux) ?

 Où passent nos impôts ?

 Comment dit-on « transparence » à Strasbourg ?

 Que faire en cas de nouveau référendum sur l’Europe ?

 Où est donc passé ce fichu contrat ? (779 304 euros en 2003 et 513 999 euros en 2004, ce n’est pas rien !).

Pour ne pas surcharger une UE qui peine à ranger ses paperasses, je vais me borner à lui envoyer des commentaires courts, protocolaires et moins polémiques que ceux-ci qui sont des défouloirs, des dérivatifs à la crise de nerf, des temporisateurs de rires nerveux, des repoussoirs de la tentation de laisser tomber (« La première qualité d’un révolutionnaire, c’est sa capacité à durer »).

(A suivre).

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